• FR
  • NL
  • EN

« Melting pot »: actualités légales & interprétations administratives, octobre 2025

1) Introduction

1.1. Pour rappel, la réforme fiscale Arizona se décline actuellement autour de 4 textes.

La loi du 18 juillet 2025 a déjà été adoptée. Les 3 autres textes continuent à être discutés au sein du gouvernement (e.a. le texte sur la réforme des plus-values) et du parlement.

Pour le détail des différentes mesuress, voir notre précédente chronique en cliquant

1.2. Dans l’intervalle, le Ministre Van Peteghem (Budget) a mis la pression sur les sociétés de management. Dans le cadre des discussions budgétaires, il a réaffirmé une position qu’il avait déjà tenue dans le cadre de son « épure pour une vaste réforme fiscale » de l’été 2022, selon laquelle les sociétés de management seraient des structures utilisées à des fins fiscales et devraient ainsi faire l’objet de mesuress spécifiques visant à décourager l’avantage fiscaux qu’elles représentent.

Nous examinerons ce qui est « sur la table » actuellement.

1.3. Par ailleurs, diverses circulaires ont été adoptées, dont celle expliquant les récentes réformes du régime de la réserve de liquidation et du régime RDT.


2) Société de management : cibles de l’accord d’été ?

2.1. Rappel : épure pour une vaste réforme fiscale (2022)

Dans son « épure pour une vaste réforme fiscale » de 2022, le Ministre Van Peteghem (alors Ministre des Finances), avait déclaré :

« Nous évitons l’utilisation abusive des formes de société. Depuis des années, c’est une piste d’optimisation visant à contourner la forte pression fiscale sur le travail. C’est pourquoi nous ne nous contentons pas de réduire les charges sur le travail, mais prenons également des mesuress ciblées pour endiguer ce que l’on appelle la « sociétisation».

2.2. Intérêt fiscal de la société de management ?

L’exercice de l’indépendant via une société de management peut présenter certains avantages fiscaux. Ceci n’est pas contestable.

L’avantage fiscal réel que représente un passage en société de management est quasi imposable à chiffrer car il dépend d’un nombre important de paramètres.

A titre purement illustratif[1], un indépendant qui gagnerait un revenu imposable (net de frais) de 100.000€ par an aurait en poche, après cotisations sociales et impôts, un montant net d’environ à 45.000€.

S’il exerçait en société de management, ce contribuable pourrait, à certaines conditions, bénéficier d’un revenu net d’environ 60.000€ par an[2].

Il est important de rappeler que la société de management n’est pas une « niche fiscale ». Comme l’a fait Vincent Van Quickenborne, que « l’application d’un taux réduit [d’imposition] constitue non pas un privilège, mais une juste rétribution pour le risque entrepreneurial ». En passant indépendant, l’entrepreneur bénéficiera d’une protection sociale moindre que celle des salariés.

2.3. Autres intérêts de la société de management

Réduire le passage en société de management au seul avantage fiscal que celui-ci peut représenter revient à nier l’ensemble des intérêts civils, commerciaux et patrimoniaux que représente la société. Parmi ceux-ci :

  • Protection du patrimoine privé de l’indépendant contre les risques liés à son activité ;
  • Structurer son activité professionnelle ;
  • Financement de l’acquisition d’une société cible ;
  • Permettre à l’indépendant de se constituer une réserve en cas d’incapacité, pension complémentaire, etc. ;
  • Pérennité des relations entre actionnaires / administrateurs ;
  • Etc.

2.4. Accord d’été

Le gouvernement s’est accordé ce 21 juillet sur une 4ème vague de mesuress issues de l’accord de gouvernement (« accord d’été).

Celui-ci prévoit une série de mesures qui vont impacter le recours aux sociétés de management. Ces règles s’orientent vers un durcissement de la règle du taux réduit :

a. Une rémunération minimum plus importante

  • Règle actuelle : 45.000€ (montant non indexable) à au moins un dirigeant d’entreprise (personne physique) sauf exceptions (e.a. : durant les 4 premières périodes imposables à partir de la constitution » de la société).
  • Réforme : il faudra à l’avenir une rémunération de minimum 50.000 (à indexer) pour que la société puisse bénéficier du taux réduit ; possibilité de tenir compte des ATN (voir toutefois règle des 20% infra) ;
  • Impact pour un dirigeant / une société dont le salaire est actuellement de 45.000€ ; sauf exception :
    • A défaut d’adaptations : perte du taux réduit (20% sur la première tranche de 100.000€ de bénéfices imposables) : potentiellement 5.000€ par an pour la société ;
    • Revoir la politique salariale ? Majoration de la rémunération à concurrence de 5.000€ : IPP complémentaire d’un peu plus de 2.000€ (hors cotisations sociales) ;

b. Limitation des ATN à 20%

  • Les ATN forfaitaires ne pourront dépasser 20% de la rémunération ordinaire du dirigeant ;
  • Seraient uniquement visés : les ATN forfaitaires (art. 18 AR/CIR, loi de 1999 sur les options sur actions, etc.) ;
  • Revoir la politique salariale ?
    • Quid si les ATN sont trop élevés : opportunité de supprimer totalement la rémunération en numéraire ? Impact sur :
      • Pension ;
      • Possibilité d’EIP ;
      • Contestation par le fisc ? (Théorie de la rémunération ?) ;
      • Etc.
    • Quid de la possibilité pour le dirigeant de verser à la société une contribution personnelle correspondant au montant de l’ATN ?

c. Entrée en vigueur ?

L’entrée en vigueur serait prévue pour l’exercice comptable 2026 (EI 2027). Ceci sous réserve d’adoption de la loi d’ici la fin de l’année 2025. Wait and see……


3) Réserve de liquidation : nouvelle circulaire

3.1. Présentation du nouveau régime

Pour rappel, la loi du 18 juillet 2025 réforme le régime de la réserve de liquidation.

Concrètement, le nouveau régime s’articule comme suit :

  • Le délai d’attente de cinq ans sera rabaissé à trois ans et les distributions faites au cours de ce délai de trois ans seront soumises au précompte mobilier au taux général de 30% ;
  • Le taux de précompte mobilier de 5% applicable après le délai d’attente sera augmenté à 6,5%. Cela augmentera la charge fiscale effective de 13,64% à 15% (incluant la cotisation spéciale de 10% due lors de la constitution de la réserve).
  • Pas de modification sur le régime de la réserve de liquidation ;

NB : pour rappel : délai d’attente = à partir du 1er jour qui suit la l'exercice pour lequel la réserve de liquidation est constituée ;

3.2.Régime transitoire

Pour les réserves de liquidation constituées à partir du 1er janvier 2026, le taux de 6,5% s’appliquera pour les distributions effectuées après l’attente du délai de trois ans. Si ce délai n’est pas observé, le taux général de 30% sera appliqué.

Pour les réserves constituées avant cette date, l’ancien régime pourra continuer à s’appliquer. Si toutefois la réserve de liquidation est distribuée anticipativement, le taux de 6,5% pourra s’appliquer si le délai d’attente de « 3 ans » est respecté.

3.3. Circulaire

a. La circulaire donne des précisions sur ce qu’il faut entendre par réserves de liquidation constituées jusqu'au 31.12. 2025 (31.12.2025 = date dAGO ou de clôture de lexercice ?

Réponse officielle : « Pour déterminer si laffectation à la réserve de liquidation a lieu avant le 01.01.2026 ou à partir de cette date, la date daffectation à prendre en considération correspond à la date de clôture de lexercice comptable pour lequel le montant du bénéfice à affecter est détaillé dans les « affectations et prélèvements » des comptes annuels ».

b. La circulaire donne aussi un exemple concernant l’application du régime transitoire :

Ex. comptable

Date d'affectation

Taux de Pr.M

30 % (10) si distribué au plus tard le

20 % si distribué au plus tard le

6,5 % si distribué à partir du

5 % si distribué à partir du

2021

31.12.2021

N/A

28.07.2025

29.07.2025

01.01.2027

2022

31.12.2022

N/A

31.12.2025

01.01.2026

01.01.2028

2023

31.12.2023

N/A

31.12.2026

01.01.2027

01.01.2029

2024

31.12.2024

N/A

31.12.2027

01.01.2028

01.01.2030

2025

31.12.2025

N/A

31.12.2028

01.01.2029

01.01.2031

2026

31.12.2026

31.12.2029

N/A

01.01.2030

N/A

c. Pour être complet, précision également que la circulaire aborde les changements en matière de VVPRbis. Elle n’apporte toutefois rien de nouveau par rapport au texte légal.


4) Réforme du régime RDT : nouvelle circulaire

4.1. Rappel

Pour rappel, la déduction « RDT » exige notamment le respect d’une condition dite « de participation ». Elle implique que la société qui bénéficie du dividende détienne dans le capital de la société distributrice :

  • une participation de 10 % au moins ;
  • alternativement : ou dont la valeur d'investissement atteint au moins 2.500.000 € ;

La réforme prévoit que cette dernière condition (la condition « alternative ») est subordonnée à la condition supplémentaire que la participation ait la nature d'immobilisations financières et ce, lorsque la société bénéficiaire n'est pas une « petite société » au sens du CSA (pour rappel, il faut examiner cette condition sur base consolidée, le cas échéant).

4.2. Circulaire

La circulaire rappelle que la notion d' « immobilisations financières » a la signification qui lui est attribuée par la législation relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises.

Pourtant, cette notion n’est pas définie en droit comptable…

Celui-ci se contente d’identifier trois catégories au sein desquelles les actions ou parts peuvent être comptabilisées comme « Immobilisations financières » :

  • Entreprises liées
  • Entreprises avec lesquelles il existe un lien de participation
  • Autres immobilisations financières

Sur cette base, la circulaire en déduit que les

« immobilisations financières peuvent être définies en fonction du caractère durable de leur affectation à l'exercice de l'activité professionnelle de la société et en fonction du lien spécifique existant entre la société détentrice des titres et celles dont les titres sont détenus. Outre la condition de durabilité, il faut que les actions soient détenues dans le but d'établir un lien spécifique avec la société émettrice. La nouvelle condition suppose au moins que les titres soient détenus dans l'optique de créer un lien durable qui permette de contribuer à l'activité propre de la société actionnaire ».

« En résumé, pour qu'une détention d'actions ou parts soit comptabilisée sous la rubrique « Autres immobilisations financières », elle doit révéler l'existence d'un lien durable et spécifique qui vise à contribuer à l'activité propre de la société actionnaire. La définition souligne en premier lieu la nécessité que les titres soient détenus de manière durable, c'est-à-dire qu'ils n'aient pas été acquis dans le but d'être réalisés à court terme et qu'il ne puisse donc pas s'agir d'un objectif d'investissement. Par objectif d'investissement, on entend ici la simple réalisation de plus-values ou de dividendes. Le lien spécifique, quant à lui, suppose une relation d'affaires stratégique entre la société actionnaire et la société dont les actions ou parts sont détenues ».

La circulaire donne les exemples suivants :

  • de l'acquisition initiale d'une participation modeste dans la perspective de renforcer ultérieurement cette participation, en vue d'une opération de fusion, d'acquisition ou plus largement dans le cadre d'une stratégie de groupe ;
  • de la détention d'actions ou parts dans une société présentant une complémentarité d'activités, permettant à la société actionnaire de faciliter ou d'accroître les biens ou services qu'elle rend à ses clients ;
  • de la détention d'actions ou parts dans une société présentant un intérêt technologique, favorisant le développement des activités de la société actionnaire ;

Selon elle, les avis émis par la Commission des normes comptables peuvent servir de base utile à cette appréciation.


5) Circulaires :

De nombreuses circulaires ont été publiées depuis notre dernière contribution. Il s’agit des circulaires suivantes :

  • Circulaire n°2025/C/67 concernant le régime de l’admission temporaire des palettes ;
  • Circulaire n° 2025/C/65 du 13 octobre 2025 ; Indemnité kilométrique que l'Etat alloue à son personnel pour des déplacements de service : adaptation du montant ;
  • Circulaire n° 2025/C/64 du 9 octobre 2025 (réserve de liquidation et VVPRbis) ;
  • Circulaire n° 2025/C/63 du 3 octobre 2025 ; Cette circulaire commente la modification apportée par la loi-programme du 18.07.2025 à la condition de participation minimale dans le régime des RDT ainsi qu'en matière d'exemption de précompte mobilier sur certains dividendes ;
  • Circulaire n° 2025/C/62 du 1 octobre 2025 ; Cette circulaire traite du report indéterminé de l'introduction de certains aspects de la modernisation de la chaîne TVA. Cette circulaire commente en particulier le report de l'introduction de la modification des modalités de paiement de la taxe due reprise dans une déclaration périodique à la TVA et le report de la modification de la portée de la demande de restitution qui résulte d'une telle déclaration, ainsi que la prolongation de certaines autres mesuress transitoires.
  • Etc.


6) Etc.


____________

[1] Exemple simplifié.

[2] En tenant compte d’une rémunération de 45.000€ par an, de l’application du taux réduit, d’une distribution intégrale du bénéfice soumis au régime du VVPRbis, etc.

Mots clés