La réforme fiscale fera grincer des dents.
Il ne peut y avoir de doute que le cabinet du Ministre des Finances peaufine son projet de réforme fiscale qui fera grincer des dents les investisseurs immobiliers, financiers et entrepreneurs.
Penchons-nous d'abord sur les multipropriétaires immobiliers. Le contribuable propriétaire qui loue un bien à des personnes privées est taxé forfaitairement, sur base du revenu cadastral multiplié par 2,24 en 2025 puis encore par 1,40. Il peut neutraliser cette base taxable s'il a payé des intérêts sur un crédit immobilier et construire un patrimoine sans payer d'impôt sur les revenus locatifs. Le gouvernement fédéral entend abolir cette compensation au grand dam des multipropriétaires qui devront dorénavant supporter l'impôt. Ils pourront se consoler sur le fait que la taxation n'est toujours pas sur les revenus réels.
Le gouvernement Arizona réserve une nouvelle "contribution de solidarité" aux investisseurs en titres financiers, comprenez un nouvel impôt sur les plus-values générées lors de ventes dès 2026. Sont visés les actions, les cryptoactifs… Les principes fondateurs, les contours et conséquences de ce projet encore en discussion sont connus, discutons-en.
L'objectif déclaré est de taxer les spéculateurs à raison de 10 % du bénéfice réalisé lors de la cession d'un actif financier. Le dixième d'un profit sans avoir fait le moindre effort, certains diront que ce n'est pas assez, d'autres que c'est raisonnable et d'autres encore que c'est bien trop au pays parmi les plus taxés du monde.
Chaque contribuable se verrait exempté de taxe jusqu'à 10 000 euros par an ; c'est une maigre consolation, toujours bonne à prendre mais peu significative. Pour le CD&V, il faudrait augmenter ce seuil à 20 000 euros.
Une autre consolation sera de pouvoir déduire les moins-values subies des plus-values générées, mais uniquement celles de la même année civile. En d'autres termes, les pertes nettes d'une année ne pourront être reportées puis compensées avec les bénéfices des années suivantes. Illustrons cette limite avec Monsieur X qui vendra en 2026 des actions d'Apple avec plus-value de 50 000 euros. Sans autre transaction financière, il devra payer 4 000 euros de taxe : 10 % sur la plus-value après exemption de 10 000 euros. Imaginons-le ensuite ayant aussi vendu une partie de ses actions TotalEnergies la même année, subissant une perte de 100 000 euros. Il pourra la déduire de sa plus-value sur Apple et ne paiera pas de taxe mais aura perdu 50 000 euros sur l'année. En cas d'une nouvelle vente profitable en 2027, il devra payer la taxe sans pouvoir déduire le solde de la perte subie en 2026. C'est un déséquilibre injuste sur l'autel de la taxation.
Conscient que les PME sont vitales à l'économie du pays, le gouvernement fédéral souhaite préserver les actionnaires de PME de cette taxe, non sans limites : les participations d'au moins 20 % en seront exemptées pour le premier million : un taux progressif sera ensuite appliqué, débutant à 1,25 % pour plafonner à 10 % au-delà de 10 millions euros. Les actions détenues plus de dix années pourraient y échapper, encore que le flou règne sur cette disposition.
Ce projet suscite des questions encore sans réponses, au rang desquelles le sort des cessions lors de donation ou d'héritage et les critères d'évaluation à l'entrée en vigueur de la loi. Implorons le gouvernement pour qu'il ne fixe pas une seule méthode d'évaluation, ce serait une aberration au motif qu'aucun professionnel n'évalue une société immobilière comme une startup. L'évaluation d'actions est un processus complexe adapté aux circonstances et à chaque société.
Ce qui nous amène au risque que le capital investi soit progressivement grignoté lorsque le pourcentage de plus-value aura été inférieur à celui de l'inflation. L'investisseur aura alors moins de pouvoir d'achat que lors de son investissement.
Revenons à Monsieur X, ayant investi 200 000 euros en actions d'une PME, pouvant les revendre quatre ans plus tard à 235 000 euros. Il aurait gagné 35 000 euros sans ce nouvel impôt, soit 4,37 % par an. Avec la taxe et l'exemption de 10 000 euros, il ne gagnera plus que 32 500 euros, sa rentabilité annuelle sera de 4,1 %, la différence n'est pas significative. En tenant compte d'une inflation annuelle de 4 %, 233 972 euros seraient nécessaires pour maintenir son pouvoir d'achat mais il n'aura récupéré que 232 500 euros. l'État aura absorbé une partie de son capital, pourtant issu de revenus taxés.
Les sociétés financièrement solides ne seront pas en reste : il est prévu de taxer leurs sorties de Sicav RDT (Revenus Définitivement Taxés), ce mécanisme qui permet aux sociétés d'éviter de payer des impôts sur des revenus déjà taxés. Avec le nouveau régime fiscal, d'une part 5 % des dividendes perçus seront doublement taxés. D'autre part, la société bénéficiaire devra octroyer au moins 50 000 euros de salaire, indexés, à l'un de ses dirigeants pour récupérer le précompte mobilier de 30 % qui aura été prélevé des dividendes. L'État indexe donc quand ça l'arrange.
Sur ces bases, voici trois conseils aux investisseurs en titres financiers : le premier est de ne pas céder à la panique, de ne pas vendre ses actions dans la peur du nouvel impôt.
Le deuxième est de bien réfléchir au futur de ses avoirs financiers. La fiscalité fait partie des vecteurs de réflexion mais ne doit pas détrôner l'économique au rang des priorités.
Enfin, le troisième, pour les participations non cotées, il faudra avoir une évaluation sérieuse de leur valeur, probablement au 31 décembre 2025. Il est donc bon d'y réfléchir, sans précipitation.