Le tribunal de première instance du Brabant wallon a confirmé, par un jugement du 3 février 2023, que l'émigration d'une société belge ne donnait pas lieu à un dividende imposable (passible du précompte mobilier) pour ses actionnaires.
S’appuyant sur la fiction légale assimilant le #transfert de #siège à une liquidation à l'impôt des sociétés, les services centraux de l'administration fiscale considèrent que l’émigration entraîne l’attribution d’un dividende imposable pour l’actionnaire en vertu de l’article 18, al. 1er, 2°ter, du C.I.R., quand bien même le texte de cette disposition viserait uniquement les sommes réparties lors d’une liquidation classique (au sens de l’article 209 du CIR), et donc pas à l’occasion d’opérations assimilées à une liquidation (comme le transfert de siège) au sens de l’article 210 du CIR.
Le Service des Décisions Anticipées (#SDA) défend une approche diamétralement opposée : l’émigration d’une société belge ne donne lieu à aucun dividende imposable pour l’actionnaire, lorsqu’elle s’opère en continuité juridique (et comptable). Peu importe, à cet égard, que la loi fiscale assimile le transfert de siège à une liquidation pour les besoins de l’ISOC. En étendant la définition de « dividendes » aux sommes réparties en cas de liquidation (article 18, al. 1er, 2°ter, du C.I.R.), le législateur a en effet uniquement voulu viser les opérations de liquidation par lesquelles l’actionnaire s’enrichissait et la société s’appauvrissait. Or, le transfert de siège ne génère aucun enrichissement pour l’actionnaire.
En l'espèce, une société immobilière belge avait transféré en 2017 son siège vers la #France. Le fisc réclamait le précompte mobilier de 30%. Le magistrat a rejeté la thèse de l’administration, en se ralliant sans équivoque à la position du SDA. Il a également rejeté l'argument du fisc reposant sur l'application de l'article 344,§1er du CIR. La messe n'est pas encore dite, car l’Etat a interjeté appel.
La question se présente sous un autre jour si l'opération constitue un "abus fiscal" (article 344,§1er du CIR). On peut songer à l'hypothèse où une société belge émigre au #Luxembourg peu de temps après le transfert du domicile fiscal de ses actionnaires personnes physiques au Grand-Duché, pour ensuite être liquidée lors de l'exercice suivant. Ce dispositif peut procurer un avantage fiscal indéniable, puisque les actionnaires personnes physiques devraient pouvoir empocher le boni de liquidation à un coût fiscal fort réduit : (i) imposition quasiment nulle au Luxembourg à la faveur du step up fiscal prévu par la loi fiscale luxembourgeoise à l'article 102, 4, a LIR, et (ii) absence d'imposition en Belgique puisque tant la société que ses actionnaires ont quitté l'orbite fiscale belge.
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