L' Administration générale de la Documentation patrimoniale a publié ce 14/11/2019 , des commentaires administratifs relatifs à l’ordonnance bruxelloise du 13 décembre 2018 modifiant les articles 921, 131bis et 212bis du C. enr. et l’article 7 du C. succ. – Région de Bruxelles-Capitale – Droits d’enregistrement et droits de succession – Sûretés complémentaires – Pas de double imposition – Exemption pour les donations antérieures mentionnées dans un pacte successoral – Maintien de la fiction de l’article 7 du C. succ. – Abattement par restitution au pied de l’acte de vente de l’immeuble qui empêchait l’abattement immédiat .
II. Modification de l’article 921 du C. enr. bruxellois
2.1. Régionalisation – Critère de localisation
2.2. Problématique des sûretés complémentaires
2.3. Evitement de la double imposition
3.1. Enonciation d’une donation antérieure non enregistrée dans un pacte successoral
3.2. Introduction d’une nouvelle exemption à l’article 131bis du C. enr. bruxellois
3.3. Maintien de la fiction de legs de l’article 7 du C. succ. bruxellois
IV. Modification de l’article 212bis du C. enr. bruxellois
Le Moniteur belge du 21 décembre 2018 (p. 101873) a publié l’ordonnance bruxelloise du 13 décembre 2018 modifiant les articles 921, 131bis et 212bis du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe (C. enr.) et l’article 7 du Code des droits de succession (C. succ.) (ci-après, l’ordonnance).
L’ordonnance a apporté les modifications suivantes (Projet d’ordonnance modifiant les articles 921, 131bis et 212bis du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe et l’article 7 du Code des droits de succession, Exposé des motifs, Doc., Parl. Rég. Brux.-C., 2018-2019, n° A-730/1, p. 1) :
La présente circulaire commente ces mesures en droit d’enregistrement et en droit de succession.
L’ordonnance entre en vigueur, comme suit :
Depuis la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, telle que modifiée par la loi spéciale du 13 juillet 2001 (ci-après, la L.S.F.), le droit d’enregistrement sur la constitution d’une hypothèque sur un bien immeuble situé en Belgique est un impôt régional (art. 3, al. 1er, 7°, a), L.S.F.).
Le critère de localisation pour cet impôt régional est l’endroit où le bien immeuble est situé. Lorsque, par un même acte, les biens immeubles sont situés dans plus d’une région, l’impôt est localisé dans la région à laquelle appartient le bureau de perception dans le ressort duquel se trouve la partie des biens qui présente le revenu cadastral fédéral le plus élevé (art. 5, § 2, 7°, L.S.F.). Le critère de localisation détermine la région à laquelle les impôts visés sont attribués ainsi que la législation régionale applicable.
Le droit d’enregistrement visé à l’article 88 du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe (ci-après, « C. enr. ») sur les constitutions d’hypothèque sur un navire qui n’est pas destiné par nature au transport maritime, ne fait pas partie des impôts régionaux visés à l’article 3 de la L.S.F. Ce droit d’enregistrement est donc demeuré un impôt fédéral.
L’article 87 C. enr. (wallon et bruxellois) assujettit les constitutions d’hypothèque sur un bien immeuble situé en Belgique à un droit d’enregistrement proportionnel de 1 % (ou 0 % en Région wallonne pour les constitutions d’hypothèque dans le cadre des « Eco-Prêts »). L’article 88 du C. enr. (fédéral) assujettit à un droit d’enregistrement proportionnel de 0,50 % les constitutions d’hypothèque sur un navire qui n’est pas destiné par nature au transport maritime.
Depuis le 1er janvier 2015, la Région flamande a repris le service des impôts visés à l’article 3, alinéa premier, 4° et 6° à 8° de la L.S.F. et la législation flamande en matière de droits d’enregistrement est reprise dans le Code flamand de la Fiscalité (ci-après, « C.F.F. »).
Les dispositions du C. enr. en matière de constitution d’hypothèque sur un immeuble situé en Belgique sont toujours d’application en Régions wallonne et de Bruxelles-Capitale.
En ce qui concerne la perception sur des sûretés complémentaires, l’article 921 du C. enr. disposait – dans une version applicable jusqu’au 20 décembre 2018 inclus – ce qui suit :
« Sans préjudice de l’article 91, le droit visé aux articles 87 et 88 couvre toute constitution d’hypothèque qui serait consentie dans la suite pour sûreté d’une même créance et du même montant garanti. »
L’article 921 du C. enr. contenait – et contient toujours – une application du principe non bis in idem. Cette disposition visait – et vise toujours – à considérer les différentes sûretés qui étaient consenties en garantie d’une même créance et pour le même montant, comme formant un seul et même acte juridique qui ne peut pas être imposé deux fois. L’article 921 du C. enr. renvoyait expressément au droit visé aux articles 87 et 88 du même Code. Toutefois, il ne renvoyait pas au droit d'enregistrement sur la constitution d’hypothèque perçu en application d’un autre Code (art. 2.11.3.0.1, C.F.F.).
L’article 2.11.6.0.1 du C.F.F. contenait, en matière de sûretés complémentaires, une application analogue du principe non bis in idem. Toutefois, il renvoyait expressément à l’impôt visé à l’article 2.11.3.0.1 du C.F.F.
Dans le cas où une constitution d’hypothèque sur un bien immeuble situé en Régions wallonne ou de Bruxelles-Capitale est suivie ultérieurement d’une constitution d’hypothèque sur un bien immeuble situé en Région flamande, en garantie de la même créance pour le même montant, l’exemption de l’article 2.11.6.0.1 du C.F.F. n’était pas applicable car cet article renvoyait expressément au C.F.F., et non pas au C. enr. Dans ce cas, l’opération était taxée deux fois.
La même problématique se présentait dans le cas où une constitution d’hypothèque sur un bien immeuble situé en Région flamande était suivie ultérieurement d’une constitution d’hypothèque en garantie de la même dette et pour le même montant garanti sur un bien immeuble situé dans une autre région que la Région flamande, ou d’une sûreté visée à l’article 88 du C. enr. Dans ce cas, le droit fixé aux articles 87 et 88 du Code était dû sur la sûreté complémentaire car l’article 921 du C. enr. renvoyait expressément au droit visé aux articles 87 et 88 du C. enr., et non aux dispositions du C.F.F. Ici aussi, l’opération était taxée deux fois.
En vertu de la L.S.F., les autorités régionales ont l’obligation d’exercer leurs compétences fiscales respectives de manière à éviter les situations de double imposition (Projet d’ordonnance modifiant les articles 921, 131bis et 212bis du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe et l’article 7 du Code des droits de succession, Commentaire des articles, Doc., Parl. Rég. Brux.-C., 2018-2019, n° A-730/1, p. 3).
Dès lors, l’ordonnance a remplacé, dans l’article 921 du C. enr., la référence à l’article 87 du même Code par la référence à l’article 3, alinéa 1er, 7°, a), de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions. La modification de l’article 921 vise à empêcher la perception d’un droit d’enregistrement proportionnel de constitution d’hypothèque bruxellois consentie en garantie d’une même créance et à concurrence du même montant, quelle que soit la Région où se situe l’immeuble grevé de l’hypothèque initiale (Projet d’ordonnance, op. cit., pp. 3-4).
Les autorités tant régionales que fédérale ont adapté leur législation :
Depuis le 1er septembre 2018 (date d’entrée en vigueur de la loi du 31 juillet 2017 réformant le droit des successions et des libéralités), le futur défunt peut établir entre autres un pacte successoral global passé devant notaire et constatant l’équilibre « subjectif » entre tous les héritiers présomptifs en ligne directe descendante (donataires) quant aux donations actuelles (concomitantes au pacte) et antérieures mentionnées dans le pacte, enregistrées ou non (dons manuels, donations indirectes ou donations reçues par un notaire étranger). Ce pacte, signé par toutes les parties, entend apporter la paix au sein des familles en cas de décès. Enfin, le pacte successoral doit être reçu par un notaire (belge ou étranger) et soumis à de nombreuses formalités (art. 1100/5, 1100/6 et 1100/7, C. civ.).
La doctrine a considéré qu’il était à craindre que la mention d’une donation antérieure non enregistrée aux termes d’un pacte successoral reçu par un notaire belge, entraîne la perception du droit proportionnel d’enregistrement de donation, ce qui aurait conduit un certain nombre de parties à ne pas conclure pareils pactes. Cela vaut non seulement pour le pacte successoral global précité, mais également pour les pactes successoraux ponctuels et la convention prévue à l’article 843/1 du C. Civ.
Pour éviter la perception de droits proportionnels de donation sur les dons manuels, donations indirectes ou donations reçues par un notaire étranger, mentionnés dans le pacte (ou dans la convention), l’ordonnance exempte de droits proportionnels la valeur de ces donations non enregistrées, à condition que les parties déclarent, dans ou au pied de l’acte, que ces dons et donations ont été consentis antérieurement à la date de conclusion du pacte successoral visé aux articles 1100/1 à 1100/7 du C. civ. ou de la convention visée à l’article 843/1 du C. civ. L’ordonnance a rétabli l’article 131bis du C. enr. bruxellois, lequel dispose :
« Par dérogation à l’article 131, § 2, est exempte de droits de donation la valeur des donations entre vifs de biens meubles mentionnées dans un pacte successoral visé aux articles 1100/1 à 1100/7 du Code civil ou dans la convention visée à l’article 843/1 du même Code.
L’exemption ne s’applique que si, dans ou au pied de l’acte, les parties déclarent que la donation a été consentie antérieurement à la date de conclusion du pacte successoral ou de la convention
L’exemption ne s’applique pas si les parties déclarent explicitement que la mention de la donation antérieure a pour objectif de procurer un titre de la donation au donataire ».
Dès lors, les donations antérieures mentionnées dans le pacte successoral seront exemptées de droits de donation et assujetties au droit fixe général sauf si les parties ont explicitement déclaré dans ledit pacte que la mention de ces donations visait à procurer un titre de la donation au donataire, auquel cas elles seront assujetties au droit proportionnel de donation.
Pour éviter que ces donations mobilières faites par le défunt dans les trois ans précédant son décès mentionnées dans un pacte successoral – qui sont exemptées du droit proportionnel d’enregistrement (art. 131bis, nouveau, C. enr. bruxellois) – échappent également au legs fictif de l’article 7 du C. succ., l’ordonnance a ajouté un alinéa à cette disposition, libellé comme suit :
« L’exemption du droit de donation visée à l’article 131bis, alinéa 1er, du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe n’exclut pas l’application du présent article » (art. 7, al. 3, nouveau, C. succ. bruxellois).
Il s’ensuit que ces donations antérieures non enregistrées seront assujetties aux droits de succession, sauf si les parties ont déclaré expressément dans le pacte successoral (ou la convention) que la mention de ces donations avait pour objectif de procurer un titre de la donation au donataire, auquel cas elles seront soumises au droit proportionnel de donation.
La fiction de l’article 7 C. succ. s’applique à toutes les donations mobilières non enregistrées remontant à moins de trois ans avant le décès du donateur, indépendamment de la date du pacte successoral. Cette dernière ne fait pas foi de la date des donations qui y sont reprises, sauf si elles ont été constatées par le notaire instrumentant au moment du pacte.
Exemple 1
Deux donations mobilières non enregistrées ont été faites par X au profit de ses deux enfants A et B (en janvier 2017).
Un pacte successoral reprenant ces deux donations et certains avantages (droit d’habitation, prêt études) est conclu entre toutes les parties en février 2019. X décède en octobre 2019. La fiction de l’article 7 du C. succ. est applicable.
Exemple 2
Deux donations mobilières non enregistrées ont été faites par X au profit de ses deux enfants A et B (en janvier 2016, selon X).
Un pacte successoral reprenant ces deux donations et certains avantages (droit d’habitation et prêt études) est conclu entre toutes les parties en février 2019. X décède en octobre 2019. En principe, la fiction de l’article 7 du C. succ. ne s’applique pas. Toutefois, l’administration peut apporter la preuve contraire et établir par toutes voies de droit que les donations ont été réalisées dans les trois ans précédant le décès.
L’insertion de l’exemption à l’article 131bis du C. enr. bruxellois a pris effet à partir du 1er septembre 2018. Elle est applicable aux donations contenues dans un pacte successoral soumis aux articles 1100/1 à 1100/7 du C. civ. et dans une convention prévue à l’article 843/1 même Code, qui est conclue à partir du 1er septembre 2018.
La nouvelle mesure est donc applicable rétroactivement à tous les pactes successoraux conclus à partir du 1er septembre 2018, et ce, malgré la date de la donation qui y est mentionnée.
Pour les pactes successoraux ou les conventions qui ont été conclus entre le 1er septembre 2018 et le 21 décembre 2018, date de publication de l’ordonnance au Moniteur belge, une restitution du droit de donation déjà payé est possible sur la base de l’article 208 du C. enr., à condition que les mentions obligatoires soient reprises dans la requête en restitution.
En cas d’acquisition par une personne physique de la totalité en pleine propriété d’un immeuble affecté ou destiné totalement ou partiellement à l’habitation en vue d’y établir la résidence principale de l’acquéreur (immeuble situé en Région de Bruxelles-Capitale), la base imposable pour la perception du droit de vente est réduite de 175.000 EUR en application de l’article 46bis du C. enr. bruxellois, moyennant certaines conditions de fond et de forme, depuis le 1er janvier 2017 (circulaire 2018/C/56 en matière de droits d'enregistrement).
Ainsi, l’acquéreur ne peut posséder, à la date de la convention d’acquisition, la totalité en pleine propriété d’un autre immeuble destiné totalement ou partiellement à l’habitation. Si cette règle d’exclusion n’est pas respectée, l’acquéreur peut demander la restitution du montant de l’abattement en application de l’article 212bis du C. enr. bruxellois, lorsque l’immeuble (ou les immeubles) qui empêchai(en)t l’application de l’abattement immédiat sont aliénés par une convention ayant date certaine au plus tard deux ans après la date d’enregistrement du document qui a donné lieu à la perception du droit de vente. En cas d’enregistrement tardif du document concerné, ce délai prend cours à partir de la date limite pour une présentation non tardive (art. 212bis, al. 1er, nouveau, C. enr. bruxellois).
La restitution du montant de l’abattement doit être demandée par une requête motivée, signée et envoyée par courrier recommandé au receveur qui a perçu les droits (ou au conseiller général compétent de l’Administration générale de la Documentation patrimoniale (art. 2172, al. 1er, C. enr.). L’administration fédérale n’accepte pas que la demande en restitution soit directement ajoutée au pied de l’acte de vente de l’immeuble qui empêchait l’application immédiate de l’abattement (déc. du 11 octobre 2016, n° E.E./106.726, Rép. R.J., E 212bis/03-01, www.fisconetplus.be).
Pour contourner cette interdiction, l’ordonnance permet à l’acquéreur concerné de bénéficier, à partir du 21 décembre 2018, d’un abattement par une demande de restitution au pied de l’acte de vente de l’habitation qui a empêché l’abattement immédiat prévu à l’article 46bis du C. enr. bruxellois. La seule présentation de l’acte de vente à l’enregistrement de manière dématérialisée suffit désormais pour demander la restitution de droits ultérieurement, ce qui est plus simple. La demande de restitution doit être signée par les acquéreurs concernés et le notaire instrumentant (art. 212bis, al. 3, nouveau, C. enr. bruxellois).
Source: Fisconetplus