La réforme du droit des biens accroît le niveau de protection du donateur et de son conjoint. Les anciennes donations peuvent aussi en profiter. Une chronique de Me Grégory Homans, associé au cabinet Dekeyser & Associés.
Au décès d’un résident belge, son patrimoine est soumis à des droits de succession. Ces droits sont progressifs. Ils peuvent atteindre jusqu’à 30 % lorsque les enfants, le conjoint et, dans certains cas, le cohabitant héritent. Et jusqu’à 80 % dans les autres cas. Pour éviter cet impôt, de nombreuses personnes réalisent, de leur vivant, des donations. Quels sont les principaux atouts d’une donation d’avoirs financiers ?
Une donation d’avoirs financiers, correctement aménagée, peut garantir au donateur de pouvoir continuer à gérer librement les avoirs donnés et à recueillir les revenus produits par ceux-ci (intérêts et dividendes).
La réforme du droit des biens élargit les possibilités. Parmi les nouveautés : le donateur peut désormais, moyennant certaines conditions, bénéficier des plus-values réalisées sur les avoirs donnés. Cela suppose notamment de définir correctement le mode de calcul et de prélèvement de cette plus-value. Autre évolution : le donateur peut, dans certains cas, continuer à disposer des avoirs donnés et à les utiliser à son propre profit. Cela requiert un aménagement soigné de la donation pour éviter tout risque de remise en cause par les autorités fiscales.
Attention : étant entrée en vigueur le 1er septembre 2021, la réforme des droits des biens régit automatiquement les libéralités réalisées à partir de cette date. Elle peut toutefois s’appliquer également aux donations réalisées antérieurement si l’ensemble des parties y consent. Conseil pratique : auditer ses "anciennes donations" avec l’aide d’un spécialiste pour déterminer s’il est opportun ou non de les soumettre aux nouvelles règles (entre autres au regard du niveau de protection souhaité par le donateur).
Certains donateurs souhaitent bénéficier d’un revenu fixe et décorrélé des fluctuations du marché. Ils conserveront ainsi, si les revenus produits par les avoirs donnés n’atteignent pas un certain plancher, le droit de prélever une partie des avoirs donnés pour atteindre ce plancher. Alternative : le donateur pourrait ne pas se réserver le droit aux revenus des avoirs donnés mais imposer à la personne gratifiée de lui verser, à première demande, une rente d’un montant prédéfini. Dans ce cas, il est prudent d’aménager la donation pour éviter que les autorités fiscales cherchent, au décès du donateur, à considérer que l’ensemble des rentes non sollicitées constituent une créance taxable aux droits de succession.
Le donateur profite souvent d’une donation en faveur de ses enfants ou d’un tiers pour sécuriser, à son décès, le train de vie de son conjoint. Si le donateur a conservé certains droits sur les avoirs donnés (droit aux revenus et aux plus-values), la donation pourra, en principe, être organisée afin que le conjoint survivant bénéficie, au décès du donateur, des mêmes droits. Différents outils existent. Chacun a ses spécificités civiles et fiscales. Il convient de définir l’outil adéquat au regard de la situation envisagée.
Une donation d’avoirs financiers peut, au choix des parties, être enregistrée ou non auprès des autorités fiscales. Le taux des droits d’enregistrement est compris entre 3 et 7 % (selon la Région compétente et le lien entre les parties). Cet enregistrement devient obligatoire lorsque la donation est passée devant un notaire (belge ou étranger).
De nombreuses donations peuvent toutefois être réalisées sans l’intervention d’un notaire : don manuel, transfert bancaire, etc. Ceci permet d’éviter tout impôt si la donation n’est pas enregistrée et si le donateur ne décède pas dans les trois ans de celle-ci. En cas de décès du donateur dans cet intervalle, la personne gratifiée sera redevable d’un impôt successoral sur les avoirs reçus. Le risque fiscal d’un décès du donateur durant cette période peut être couvert de plusieurs manières. Notamment en enregistrant la donation auprès des autorités fiscales si l’état de santé du donateur vient à se détériorer dans les trois ans de la donation. En effet, l’enregistrement ne doit pas être concomitant à la donation. Depuis cette année, l’enregistrement peut être réalisé par voie digitale.
En Wallonie, cette période de trois ans a été portée à cinq ans pour toutes les donations réalisées à partir du 1er janvier 2022. De son côté, la Flandre a déjà évoqué la possibilité de porter ce délai à quatre ans. Quant à la Région de Bruxelles-Capitale, elle conserve, à ce stade, le délai de trois ans. Attention : si la personne gratifiée réside à l’étranger, il n’est pas exclu que la donation puisse également être taxée par les autorités fiscales étrangères. À vérifier.
L’intérêt fiscal d’une donation disparaît si la personne gratifiée vient à décéder avant le donateur. Dans ce cas, les avoirs donnés tombent dans la succession de la personne gratifiée prédécédée. Ses héritiers (potentiellement, le donateur) se retrouvent redevables d’un impôt successoral sur les avoirs donnés. Cet écueil peut être évité en autorisant le donateur à récupérer les avoirs donnés sans impôt, et ce, si la personne gratifiée vient à décéder avant lui. La réforme du droit des biens confirme que ces aménagements spécifiques continueront de s’appliquer, même si le bien initialement donné a été remplacé par d’autres biens dans le patrimoine de la personne gratifiée décédée prématurément.
Finalement, vu l’évolution permanente de la matière, la prudence recommande, en particulier lorsque l’enjeu financier est important, lorsque la situation est complexe et/ou lorsque les objectifs du donateur sont variés, de recourir à un spécialiste pour élaborer la documentation encadrant la donation. En effet, une donation correctement aménagée assurera au donateur et, le cas échéant, à son conjoint survivant, de conserver, de leur vivant, les droits et garanties souhaités sur le patrimoine donné.