
Le dernier International Tax Competitiveness Index publié par le Center for Global Tax Policy classe notre pays 30e sur 38 États membres de l’OCDE. Un résultat sans surprise, mais dont la constance devient inquiétante : depuis dix ans, la Belgique stagne dans le bas du tableau, malgré les réformes successives, les annonces d’allégement, les promesses de simplification. C’est peut-être le signe que notre problème n’est plus celui du taux d’imposition, mais celui de la lisibilité du système.
La fiscalité belge ne manque pas de sophistication. Chaque législature y ajoute sa touche : déductions, régimes transitoires, exceptions sectorielles, bonus environnementaux, corrections régionales. Le résultat est un édifice impressionnant mais illisible, que même les professionnels du chiffre abordent parfois avec perplexité.
Selon la Banque nationale, la charge administrative et fiscale supportée par les PME représente jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires – soit deux fois la moyenne européenne. Ce n’est pas tant la pression fiscale qui décourage, mais la fatigue réglementaire.
Le Baromètre TPE-PME 2025, réalisé par Moore Belgium et l’Ordre des experts-comptables l’a encore confirmé : près de 67 % des dirigeants d’entreprises identifient la complexité administrative comme le principal frein à leur développement et 60 % appellent à une réforme centrée sur la stabilité et la simplification. C’est désormais une donnée économique majeure, presque aussi structurante que le coût du travail.
Depuis plusieurs années, la Belgique a entrepris une modernisation de son administration fiscale, notamment par la digitalisation. Mais ces avancées technologiques se superposent à un système déjà surchargé, sans véritable simplification des processus. L’exemple de la facturation électronique est révélateur : à trois mois de l’entrée en vigueur de l’obligation, seule une facture professionnelle sur dix était transmise sous format structuré. Il a fallu qu’un moratoire sur les amendes soit annoncé pour reconnaître une évidence : on ne réforme pas durablement sans préparation suffisante du terrain.
La multiplication des obligations – UBO, DAC 7, DAC 8, reporting international, facture électronique – illustre le même paradoxe. Chaque exigence poursuit une finalité légitime : plus de transparence, plus de contrôle, plus de sécurité juridique. Mais leur accumulation finit par détourner l’énergie des entreprises vers la seule conformité, au détriment de la croissance, de l’innovation et de l’investissement.
Les experts-comptables et conseillers fiscaux vivent cette tension au quotidien. Ils accompagnent les indépendants qui renoncent à embaucher, les PME qui repoussent un projet d’expansion, les start-ups qui déplacent leur siège par crainte d’un environnement trop instable. Ils savent combien l’incertitude administrative érode la confiance. Ils savent aussi que les entreprises ne demandent pas des régimes de faveur, mais simplement des règles stables, cohérentes et compréhensibles.
Les pays en tête du classement – Estonie, Lettonie, Suisse – ne taxent pas forcément moins. Mais ils le font mieux : un système prévisible, peu d’exceptions, une digitalisation cohérente et des obligations calibrées. Ils ont compris que la clarté fiscale est en soi un levier d’attractivité.
La prochaine réforme fiscale belge ne devrait pas se limiter à un rééquilibrage des taux. Elle devrait d’abord s’atteler à rendre le système intelligible. Chaque règle supprimée, chaque formulaire fusionné, chaque procédure clarifiée allège la charge de conformité et renforce la compétitivité. La simplification n’est pas un exercice technique, c’est un acte de confiance. Confiance envers les entrepreneurs, confiance envers les citoyens, confiance envers les professionnels du chiffre qui les accompagnent.
Notre pays ne manque ni de talents ni de ressources. Mais il souffre d’un excès de complexité qui paralyse ses énergies. La Belgique gagnerait à se souvenir que la performance économique commence toujours par la clarté. Avant de chercher à être plus compétitive, la Belgique doit redevenir lisible. Et si, pour une fois, la vraie réforme commençait par la simplicité ?
Cette chronique a été également publiée sur l'Echo
Références
1. International Tax Competitiveness Index 2025, Center for Global Tax Policy, octobre 2025.
2. Banque nationale de Belgique, Rapport annuel PME 2025.
3. Baromètre TPE-PME 2025, Moore Belgium, Trends-Tendances, octobre 2025.