Contestation d'une facture dans le cadre de relations commerciales : de l'importance de bien faire les choses!

Obligation de contester rapidement et en invoquant des arguments tangibles

Comme le rappelle le tribunal, en matière commerciale, « la rapidité des transactions conduit à une obligation de diligence particulière qui oblige, en principe, le commerçant à réagir vite. Le silence ou l’absence de protestation à bref délai seront donc, en principe, considérés comme une forme d’acceptation tacite »[1].

Pour une entreprise, la contestation constitue la seule façon de renverser la présomption d’acceptation pesant sur tout destinataire de factures. La preuve de cette protestation doit être apportée par le débiteur (réexpédition de la facture, lettre de contestation, etc.). L’absence de paiement ne vaut pas protestation, de même que la simple demande d’éclaircissement suivie des explications demandées.

L’obligation de préciser la protestation incombe au destinataire. Sans cette obligation de clarifier les points contestés, la tentation serait grande de protester sans raison valable de manière à se préserver pour l’avenir, ce qui est contraire à la rapidité et à la sécurité nécessaires des échanges commerciaux.[2]

Il est nécessaire que les contestations soient claires et qu’elles ne constituent pas de simples demandes d’éclaircissement[3] ou des prétentions vagues[4].

Si la contestation n’est pas fondée, parce que la facture est effectivement conforme au contrat, le juge doit la considérer comme acceptée puisque le client avait le devoir, dans ces circonstances, d’y veiller.

En l’espèce, le tribunal constate que de nombreux courriels ont été échangés entre les parties et que ceux-ci font état de contestations du Client vis-à-vis du travail réalisé mais – et c’est là que réside l’essentiel – le tribunal relève également que ces remarques ont été prises en compte, que le Prestataire informatique a toujours fait preuve de réactivité et qu’il n’a pas manqué d’expliquer la nature, l’étendue et la méthodologie de son travail à son Client.

Dès lors, compte tenu de ce bon suivi des demandes du Client, il ne ressort pas, aux yeux du juge, que le Prestataire ait à ce point manqué à ses obligations que l’on puisse affirmer que les factures ne seraient finalement pas dues.

En effet, le Tribunal constate, des éléments qui lui ont été remis, que :

  • plusieurs prestations ont été effectuées et il n’est pas démontré qu’elles aient été surfacturées ;
  • le Prestataire semble même en avoir fourni davantage que prévu ;
  • il apparait que le site internet mis en ligne est fonctionnel ;
  • le Prestataire n’a pas facturé la totalité du devis, une partie du travail n’ayant pas été réalisée.

En conséquence, les factures réclamées sont dues, à défaut de démontrer que les contestations du Client auraient été fondées au moment de leur expression.


Liens avec l’exception d’inexécution et la résolution judiciaire

L’exception d’inexécution – que nous avons mieux analysée dans un précédent article – ne peut justifier le non-paiement de factures qu’en cas de manquements de l’autre partie présentant une gravité suffisante justifiant l’utilisation de cette sanction.[5]

Il doit s’agir d’un « manquement grave aux obligations essentielles du contrat »[6], ce qui, en l’espèce, n’a pas été constaté par le tribunal, comme développé ci-dessous.

Cette condition est également primordiale pour juger de la résolution judiciaire du contrat.

En effet, en cas de contestation de facture, il n’est pas rare que le Client, refusant de payer, cherche à convaincre le tribunal de son droit de solliciter – en plus du non-paiement des factures – la résolution du contrat aux tors et griefs du Prestataire ainsi que des dommages complémentaires.

Or, la résolution judiciaire d’une convention ne peut être prononcée qu’en présence d’un manquement suffisamment grave et elle doit être précédée d’une mise en demeure : que le créancier choisisse de poursuivre l’exécution de la convention ou la résolution de celle-ci, il doit permettre, le cas échéant, au débiteur de s’exécuter avant que la sanction soit mise en œuvre.

Dans le cadre de la demande en résolution, l’intervention préalable du juge a un double objet :

  • il vérifie, avant de prononcer éventuellement la résolution, si les manquements invoqués par le Client sont suffisamment graves pour la justifier ;
  • le cas échéant, il a le pouvoir d’accorder un délai avant que la résolution sorte ses effets.

A nouveau, le jugement précité ne constate aucun manquement clair du Prestataire présentant un caractère de gravité suffisant pour justifier la résolution du contrat, ce qui rend dès lors les factures d’autant plus exigibles.


Conclusions

Compte tenu de ce qui précède, il est impératif, pour une entreprise, de conforter sa volonté de refuser le paiement d’une facture en communiquant :

  • son refus via la rédaction d’un courrier de contestations clair, faisant état de manquements précis et suffisamment graves ;
  • la constatation du refus ou de l’impossibilité du Prestataire de répondre aux manquements reprochés ;
  • sa volonté d’user de l’exception d’inexécution aussi longtemps qu’il n’est pas remédié aux manquements.

Ces éléments ont fait défaut au Client dans le cas d’espèce tranché par le jugement inédit du tribunal de l’entreprise de Mons, qui le contraint, en l’état, à payer à son Prestataire :

  • es prestations facturées
  • les clauses pénales stipulées par lesdites factures
  • les intérêts desdites factures depuis trois ans[7]
  • les frais de procédures du Prestataire[8].

Vu les conséquences importantes qu’entrainent de telles contestations entre professionnels, il est important de solliciter l’avis d’un avocat spécialisé en vue de contester une facture.

A cette fin, le cabinet Centrius se tient à votre disposition, dans le cadre d’une première consultation ou de ses formules d’abonnements.

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[1] P.A. Foriers, « Les contrats commerciaux : les principes », in Chroniques d’actualités en droit commercial, Larcier, 2013, p. 62.

[2] Ibidem.

[3] D. Mougenot, « Le point sur l’acceptation de la facture en matière commerciale », J.T., 2010, p. 3.

[4] Mons (1ère Ch.), 16 décembre 1996, J.T., 1997, pp. 436-437.

[5] P. Van Ommeslaghe, « 3. – L’exception d’inexécution (exceptio non adimpleti contractus) », in Tome II – Les obligations, Bruylant, 2013, n°575, p. 883.

[6] Cass., 8 décembre 1960, Pas., 1961, I., p. 382.

[7] Soit actuellement la moitié du montant facturé pour certaines factures…

[8] Soit, dans le cas présent, plus de 1.350,00€.​

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