Il semble que la Banque nationale de Belgique (BNB) incite les institutions financières et les compagnies d'assurance (disposant d'un agrément relatif aux assurances-vie) à effectuer des contrôles internes afin de pouvoir justifier de manière adéquate la légitimité de l'origine des avoirs précédemment rapatriés, ainsi qu'à vérifier si, en tant que redevables, elles retiennent les impôts nécessaires et appliquent correctement l'échange d'informations, au risque de se rendre coupable d'un mécanisme particulier, pouvant être sanctionné pénalement et pouvant entraîner la perte de leur agrément.
Ce concernant, la BNB a publié, en un mois, trois circulaires pertinentes.
Ces circulaires sont adressées aux :
Toutefois, les entreprises d'investissement autorisées à fournir des services d'investissement en Belgique et les sociétés de gestion belges de portefeuille et de conseil en investissement sont soumises à la surveillance prudentielle de la FSMA. En principe, elles ne sont donc pas visées par les lettres circulaires de la BNB. Néanmoins, il faut s'attendre à ce que la FSMA publie également des lettres circulaires similaires pour ces entreprises.
Il s’agit plus précisément des circulaires suivantes :
Cette circulaire impose de nouvelles obligations aux institutions financières et aux compagnies d'assurance belges en matière de contrôle d’origine des avoirs, et plus particulièrement des rapatriements de fonds dans la mesure où ces établissements financiers exercent des activités de gestion de fortune ou de patrimoine ou d'émission de contrats d'assurance vie à prime unique.
Cette initiative de la BNB, qui intervient tant d'années après la pratique du rapatriement des capitaux de l'étranger, doit sans doute être située dans le contexte d'un rapport de la Cour des comptes du début de cette année dont il ressort que lors des précédentes régularisations, des capitaux d'un montant de 44,6 milliards d'euros ont été rapatriés sur des comptes belges et qui, selon la Cour des comptes, étaient incomplets puisque seuls 2,59 milliards d'euros étaient soumis à des prélèvements. De manière exceptionnellement, un prélèvement était effectué sur le capital sous-jacent fiscalement prescrit.
Le fait que des capitaux non régularisés soient gérés et réinvestis peut conduire l'institution financière ou la compagnie d'assurance à commettre une infraction de blanchiment d'argent.
Le service d’audit interne de chaque institution financière et compagnie d'assurance doit être chargé de réaliser un examen attentif des procédures internes relatives aux obligations de vigilance concernant le rapatriement de fonds de l'étranger et leur mise en œuvre effective.
Les procédures passées et leur application doivent être évaluées à la lumière des obligations et des attentes applicables à l'époque. Cette évaluation doit se fonder sur des échantillons et viser à déterminer si et dans quelle mesure la légalité fiscale des fonds précédemment rapatriés par leurs clients et actuellement détenus par eux doit être réexaminée.
La BNB demande également aux institutions financières d'établir un plan d'action sur cette base afin de soumettre les rapatriements en question à une nouvelle enquête dans les meilleurs délais, si cela s'avère nécessaire.
Pour le 31 octobre 2021, chaque institution financière et compagnie d'assurance doit fournir à la BNB un calendrier relatif à la mise en œuvre et l'achèvement de l'examen d'audit interne, la date limite pour cet achèvement étant fixée au 30 juin 2022.
Si l'examen mené par l'audit interne révèle des manquements significatifs, l'établissement financier devra élaborer un plan d'action proportionnel, dans le cadre duquel les rapatriements concernés seront soumis à un nouvel examen.
Ce plan d'action doit être établi dans les trois mois suivant la fin de la mission d'audit interne.
Le rapport d'audit interne et le plan d'action doivent être communiqués à la BNB.
En vertu des différentes lois de contrôle, il est interdit aux établissements financiers et entreprises d’assurance de mettre en place un mécanisme particulier ayant pour but ou pour effet de rendre possible ou de favoriser la fraude fiscale par des tiers. L’interdiction de mettre en place un mécanisme particulier a été explicitée dans les lois de contrôle par la loi du 2 juin 2021 portant dispositions financières diverses relatives à la lutte contre la fraude.
Avant même cette loi du 2 juin 2021, les entités financières avaient déjà l'obligation de signaler les « mécanismes particuliers » à leur autorité tutelle. Mais tant qu'il n'y avait pas d'infraction pénale réelle (telle qu'une fraude), il n'était pas question d'un délit et le superviseur n'avait pas à signaler quoi que ce soit au parquet. Ce qui est nouveau, c'est que la mise en place de « mécanismes particuliers » est explicitement interdite et peut être sanctionnée. Les « mécanismes particuliers » deviennent ainsi des délits autonomes.
Cette circulaire fournit des précisions sur l’interdiction de mettre en place des mécanismes particuliers. En annexe à la circulaire, une liste actualisée des pratiques considérées comme des mécanismes particuliers interdits est jointe. Il s’agit d’une liste non-exhaustive.
Outre les sanctions administratives telles que la nomination d'un commissaire spécial, le remplacement de membres du conseil d’administration, la suspension ou l'interdiction totale ou partielle de l'activité de l'établissement ou le retrait de l'agrément de l'établissement ou de la compagnie d'assurance, il est également souligné que les lois de contrôle prévoient désormais des sanctions pénales pour ceux qui ont intentionnellement mis en place un mécanisme spécial. En ce qui concerne les sanctions pénales, c'est le parquet qui décide de poursuivre ou non.
Il est demandé aux secteurs financiers et d’assurance belges de mener une politique de prévention ciblée dans le domaine fiscal conformément aux prescriptions des différentes lois de contrôle.
Il s'agit d'une mise à jour d'une obligation qui a déjà été introduite en 1997 et 2001 et qui en pratique a plutôt été négligée au cours de la dernière décennie. La BNB attend des institutions financières et des compagnies d'assurance qu'elles examinent d'un œil critique leur politique de prévention en matière fiscale et qu'elles l'adaptent et l'actualisent si nécessaire.
Pour beaucoup, notamment pour les institutions financières et entreprises d'assurance qui se sont établies en Belgique depuis 2003, cet exercice sera plutôt nouveau.
La politique de prévention doit comprendre au moins six volets :
Cette obligation d'établir et de suivre une politique de prévention en matière fiscale s'applique également aux établissements de paiement et établissements de monnaie électronique, ainsi qu’aux dépositaires centraux de titres, aux organismes de support des dépositaires centraux de titres de droit belge et aux succursales belges de tels organismes, où qu'elles soient établies.
Puisqu’il s’agit d’une actualisation d’une circulaire qui existe depuis 1997, elle est immédiatement applicable.
Nous restons à votre disposition pour toute information complémentaire, si vous le souhaitez.
Dirk Coveliers - Counsel (dirk.coveliers@tiberghien.com)
Stephanie Gabriël - Senior associate (stephanie.gabriel@tiberghien.com)
Maryll Callari - Associate (maryll.callari@tiberghien.com)
Yannick Cools - Associate (yannick.cools@tiberghien.com)
Source : Tiberghein