Par le passé, le texte de l’article 444 du CIR relatif aux accroissements d’impôt ne visait que les hypothèses d’ « absence de déclaration » et de « déclaration incomplète ou inexacte ». La question de savoir si cette sanction pouvait également s’appliquer en cas de remise tardive d’une déclaration était controversée, même si dans ses arrêts des 15 mars 2018 et 25 septembre 2020 la Cour de cassation, chambre néerlandophone, avait exclut tout accroissement d’impôt dans cette hypothèse (Cass., 15 mars 2018, F.17.004.N et Cass., 25 septembre 2020, F.18.0137.N).
Le législateur est intervenu et depuis le 17 juillet 2017, il est expréssement prévu qu’un accroissement d’impôt puisse être appliqué en cas de déclaration tardive.
D’autres interventions législatives et règlementaires ont toutefois été nécessaires pour qu’un accroissement d’impôt puisse effectivement être appliqué par l’administration fiscale aux impôts dus sur la portion des revenus déclarés tardivement.
Par arrêté royal du 13 septembre 2022, l’échelle des accroissements d’impôt applicables en cas de déclaration tardive a été fixée à l’article 225 de l’AR/CIR et a, en pratique, été alignée sur l’échelle des accroissements d’impôt applicables en cas d’absence de déclaration :
L’application d’un accroissement d’impôt ne constitue toutefois pas la seule sanction applicable. Pour les sociétés en pertes, l’administration recourt effectivement de plus en plus souvent à l’article 206/3, § 1er, dernier alinéa du CIR.
Cette disposition légale prévoit notamment qu’aucune déduction des pertes ne peut être opérée sur la partie du résultat qui fait l’objet d’une imposition d’office pour laquelle des accroissements d’un pourcentage égal ou supérieur à 10 % visés à l’article 444 du CIR sont effectivement appliqués.
En pratique, une société en perte qui dépose sa déclaration avec retard (même un retard de quelques jours seulement) peut donc se retrouver débitrice d’un impôt sur un bénéfice qu’elle n’a pas réalisé.
Il ne s’agit toutefois pas d’une fatalité et plusieurs arguments peuvent être avancés pour contester l’application de cette mesure par l’administration fiscale.
Cette disposition légale nous parait d’abord inconstitutionnelle. Ses effets sont disproportionnés par rapport au but poursuivi par le législateur (inciter les entreprises à remplir correctement leurs obligations de déclaration). Cette disproportion sera d’autant plus manifeste lorsqu’il s’agit d’une première infraction commise de bonne foi par le contribuable ou encore lorsque la déclaration n’est déposée qu’avec un léger retard.
D’autant que si l’administration renonce à appliquer un accroissement d’impôt, pouvoir dont elle dispose sans contrôle (autre que le contrôle du juge), l’imputation des pertes sera autorisée.
En d’autres termes, l’administration dispose d’un pouvoir considérable, lié à la simple décision de renoncer ou non à l’application d’un accroissement de 10 %, faculté dont elle dispose en l’absence de mauvaise foi du contribuable. Nous devons constater que, dans certains dossiers, ce pouvoir constitue une arme de négociation : dans certaines situations, l’administration contraint le contribuable à accepter un accord contestable, pour éviter les conséquences de cette disposition.
Au demeurant, cette faculté de renoncer au minimum de 10 % d’accroissement ne peut s’appliquer qu’en cas de première infraction commise sans intention d’éluder l’impôt.
Au contraire, l’application de l’article 206/3 du CIR sera donc en principe inévitable dans l’hypothèse d’une deuxième infraction, même commise sans intention d’éluder l’impôt, ou dans l’hypothèse d’une infraction commise avec intention d’éluder l’impôt.
La méconnaissance du principe de « non bis in idem » peut également être invoquée si l’administration fiscale a également appliqué une amende administrative en vertu de l’article 445 du CIR. A cet égard, la Cour de cassation vient récemment de confirmer que l’application simultanée d’une amende et d’un accroissement d’impôt pour sanctionner une déclaration tardive entrainait une violation du principe de « non bis in idem », qui interdit en principe de sanctionner deux fois une même personne pour une même infraction (Cass., 21 avril 2022, F.20.0156.N).
Enfin, d’autres arguments juridiques peuvent être invoqués en fonction des circonstances propres à chaque cas d’espèce.
Nous constatons aujourd’hui l’apparition de nombreux dossiers contentieux dans le cadre desquels cette règle particulière trouve à s’appliquer. Les contribuables, victimes de cette disposition, doivent en contester les conséquences injustes. Pour écarter l’application de l’article 206/3 du CIR, on relèvera que le Tribunal de première instance de Gand a récemment eu l’occasion de consacrer une solution originale consistant à réduire l’accroissement d’impôt de 10 % à 9,99 % (Civ. Gand, 13 septembre 2022, R.G. 21/655/A).
Naturellement, le contribuable qui respecte strictement les délais légaux ne court aucun risque. Mais dans l’écosystème fiscal belge, quel contribuable peut prétendre être l’abri d’un tel manquement et qui pourrait admettre que ce manquement doit être immédiatement et aussi lourdement sanctionné ?