Bruno clôture un litige avec son ex associé, ils pensent avoir trouvé comme solution de scinder leur entreprise commune pour que chacun puisse repartir avec son propre pôle d’activité.
Ces derniers mois de conflits ont douché le feu sacré de Bruno dans ses activités professionnelles, il souhaite donc vendre son entreprise, issue de cette scission, pour se reconstruire et se consacrer sereinement à son nouveau projet.
Est-ce que ce schéma de vente cache des pièges et/ou certains risques ? En apparence non mais pourtant….
RÉALISER UNE SCISSION PARTIELLE POUR ENSUITE VENDRE SES ACTIONS
En Belgique, les opérations de scission partielle sont fréquemment utilisées dans des stratégies de réorganisation et/ou de transmission d’entreprises.
Ces opérations peuvent aboutir à la création d’une nouvelle société, reprenant une partie du patrimoine de la société scindée.
Bien que l’achat des actions d’une telle entité puisse sembler attrayant, il convient d’être conscient des implications juridiques et fiscales sous-jacentes.
OBLIGATION D’ÉTABLIR UN PLAN FINANCIER
Conformément au Code des Sociétés et des Associations (CSA), toute nouvelle société, même issue d’une scission partielle, doit établir un plan financier. Ce document, remis au notaire lors de la constitution, doit démontrer que le capital de départ est suffisant pour permettre à la société de fonctionner pendant au minimum deux ans.
Un plan financier mal élaboré peut engager la responsabilité solidaire des fondateurs en cas de faillite dans les trois ans suivant la constitution. Cette responsabilité subsiste, même si les fondateurs ont cédé leurs actions par la suite.
RESPONSABILITÉ DES FONDATEURS APRÈS LA CESSION DES ACTIONS
La vente (rapide) des actions par les fondateurs ne les exonère pas de leur responsabilité et c’est là que le risque peut se matérialiser.
En cas de faillite dans les trois ans, le tribunal peut toujours rechercher leur responsabilité si le plan financier affichait une capitalisation manifestement insuffisante.
Les nouveaux actionnaires, quant à eux, ne sont pas concernés par cette responsabilité fondatrice, sauf implication directe dans la constitution et/ou la gestion indélicate.
INÉLIGIBILITÉ AU RÉGIME VVPRBIS
Le régime VVPRbis permet, sous certaines conditions, de bénéficier d’un précompte mobilier réduit à 15% sur les dividendes et non à 30 %, c’est donc diviser par deux l’impôt des actionnaires.
Cependant, pour que ce régime soit applicable :
Ainsi, l’achat d’actions existantes d’une société issue d’une scission ne permet pas au nouvel acquéreur de bénéficier du régime VVPRbis, car il n’est pas l’actionnaire initial. Cela peut fortement impacter le rendement net attendu sur les dividendes.
POSITION FRÉQUENTE DU SDA SUR LES RESTRUCTURATIONS (SCISSIONS) SUIVIES DE CESSION DES ACTIONS
Le Service des décisions anticipées en matière fiscale (“SDA” www.ruling.be) analyse fréquemment et de manière très rigoureuse les opérations de restructuration, y compris les scissions, surtout lorsqu’elles sont immédiatement suivies ou accompagnées de la cession d’actions.
Ce type de transaction est, de prime abord, perçu avec suspicion, notamment lorsqu’il s’agit d’éviter une taxation sur plus-values et/ou d’éluder des droits d’enregistrement (en présence d’une société détenant de l’immobilier).
Dans plusieurs de ses rapports, le SDA signale avoir refusé des demandes de ruling portant sur des restructurations incluant des scissions, notamment lorsque :
– L’opération ne repose pas sur des besoins légitimes de nature financière et/ou économique ;
– L’objectif principal –semble– être l’optimisation ou l’évitement fiscal ;
– Il existe une cession (totale ou partielle) rapide des actions de la société bénéficiaire de la scission.
ACCROÎTRE VOS CHANCES D’OBTENIR UN AVIS FAVORABLE
Pour autant, le SDA n’est pas fondamentalement opposé aux scissions suivies de cession, mais les examine avec grande circonspection.
Ce type d’opération ne sera accepté qu’en présence d’un dossier solidement motivé, démontrant la présence d’une finalité économique évidente, autre que fiscale.
– Arguments robustes : il est impératif de démontrer que la scission répond à une logique économique ou organisationnelle légitime (ex. : sortie d’un conflit d’actionnaires, maintien des emplois, séparation d’activités incompatibles, simplification opérationnelle, transmission familiale, etc.).
– Timing: une cession trop rapide après la scission peut être vue comme un indicateur d’abus. Un délai raisonnable (souvent >1 an) entre la scission et la cession est recommandé pour atténuer ce risque.
– Substance : les entités post-scission doivent disposer de moyens humains et matériels réels. Une scission d’une “coquille” suivie de cession est particulièrement suspecte.
– Avis préalable et non liant dit de “Préfiling” : en cas de doute, il est recommandé de solliciter une réunion préalable avec le SDA afin de tester la viabilité du dossier avant de déposer formellement une demande de décision anticipée.
QUE FAUT-IL EN RETENIR ?
L’acquisition d’actions d’une société nouvellement constituée par scission (partielle) peut cacher des risques non négligeables.
Les parties doivent effectuer une analyse approfondie du plan financier d’origine, évaluer la solidité du modèle économique et vérifier l’éligibilité aux régimes fiscaux avantageux.
Sans cette étape préalable mais vitale, ils pourraient se retrouver dépourvus d’avantages fiscaux et exposés à des difficultés financières indirectes.
Il existe des alternatives fiscales pour mieux sécuriser ce type de transaction mais celle relative à la responsabilité des fondateurs concernant le plan financier est immuable.
Quand vous vendez une entreprise, veillez à ce que plus rien ne vous attache à elle (en tout cas pas les risques ni garanties) et quand vous l’achetez, soyez conscient des éléments dont profitait le vendeur mais dont vous ne pourrez pas bénéficier.
Puisse ce qui précède vous être utile dans vos décisions et restez partisan des solutions réfléchies et guidées à 360° par vos conseils ainsi que par ceux qui ont expérimenté ce que vous vivez.
Thomas DRAGUET ©│thomas@anticiper.tax
ANTICIPER SRL, Expert-comptable Conseil fiscal certifié
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P.S. : Qui est l’auteur de la citation ?
Nassim Nicholas Taleb est un penseur et essayiste d’origine libano-américaine, reconnu pour ses travaux interdisciplinaires mêlant mathématiques, finance, philosophie et épistémologie.
Ancien trader et professeur à l’université de New York, il s’est fait connaître du grand public grâce à ses ouvrages à succès, notamment Le Cygne Noir (The Black Swan), dans lesquels il explore les effets des événements imprévisibles et leur impact disproportionné sur nos sociétés.
Taleb est également l’auteur du concept d’« antifragilité », qu’il oppose à la simple robustesse, en désignant la capacité d’un système à tirer profit du désordre et de l’incertitude.
Son approche critique des modèles économiques traditionnels et son plaidoyer pour une prise de décision fondée sur l’incertitude en font une référence incontournable dans le domaine de la gestion des risques.
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Ce qui précède ne constitue pas un conseil personnalisé