Délai de conservation des archives : 7 ou 10 ans?

Le code de droit économique prévoit que les entreprises doivent conserver leurs pièces justificatives durant un délai de 7 ans (Art.III.86 al. 4 : « Les pièces justificatives doivent être conservées, en original ou en copie, durant sept ans et être classées méthodiquement. Ce délai est réduit à trois ans pour les pièces qui ne sont pas appelées à faire preuve à l'égard de tiers. ») ainsi que leurs livres comptables (Art. III.88 al.2 : « Les entreprises soumises à l'obligation comptable sont tenues de conserver leurs livres pendant sept ans à partir du premier janvier de l'année qui suit leur clôture. »). On notera pour la petite histoire qu’il n’est pas prévu de date début du délai de 7 ans au contraire de celui des journaux comptables. D’un point de vue logique, le bon sens voudrait qu’on parle de la même date de départ…

Jusqu’en 2022, les délais de 7 ans étaient les mêmes en matière fiscale (tant en matière de TVA que d’impôt sur le revenu (CIR92):

La loi du 20 novembre 2022 portant des dispositions fiscales et financières diverses (M.B. 30 novembre 2022) a mis fin à cette belle cohérence.

Elle a prolongé le délai de conservation des archives en matière fiscale de 7 ans à 10 ans, avec effet à l’exercice d’imposition 2023 (!). L'article 315, alinéa 3, du CIR92 est maintenant rédigé comme suit :

« Quiconque est passible de l'impôt des personnes physiques, de l'impôt des sociétés, de l'impôt des personnes morales ou de l'impôt des non-résidents, a l'obligation, lorsqu'il en est requis par l'administration, de lui communiquer, sans déplacement, en vue de leur vérification, tous les livres et documents nécessaires à la détermination du montant de ses revenus imposables.

L'obligation de communication:

1° comprend en ce qui concerne les habitants du Royaume, les livres et documents relatifs aux comptes, contrats d'assurance-vie et constructions juridiques visés à l'article 307, § 1er/1, alinéa 1er;

2° s'étend en ce qui concerne les sociétés, aux registres des actions et obligations nominatives, ainsi qu'aux feuilles de présence aux assemblées générales;

3° comprend en ce qui concerne les personnes morales, les livres et documents relatifs aux constructions juridiques visées à l'article 307, § 1er/3;

4° comprend en ce qui concerne les contribuables visés à l'article 307, § 1er/1, d), les livres et documents relatifs aux prêts mentionnés à l'article 21, alinéa 1er, 13°.

Sauf lorsqu'ils sont saisis par la justice, ou sauf dérogation accordée par l'administration, les livres et documents de nature à permettre la détermination du montant des revenus imposables doivent être conservés à la disposition de l'administration, dans le bureau, l'agence, la succursale ou tout autre local professionnel ou privé du contribuable où ces livres et documents ont été tenus, établis ou adressés, jusqu'à l'expiration de la dixième année ou du dixième exercice comptable qui suit la période imposable. »

La même chose s’applique en matière TVA, où l’article 60 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée (CTVA) a été adapté comme suit (la période de conservation a été prolongée de sept à dix ans) :

« § 1er. Tout assujetti est tenu de conserver des copies des factures émises par lui-même, par l’acquéreur ou le preneur ou, en son nom et pour son compte, par un tiers.

Toute personne est tenue de conserver les factures reçues.

§ 2. A condition de mettre à la disposition de l’administration en charge de la taxe sur la valeur ajoutée, sans retard indu, à toute réquisition de sa part, toutes les factures et copies de factures visées au paragraphe 1er, l’assujetti peut déterminer le lieu de conservation de celles-ci.

Par dérogation à l’alinéa 1er, toutes les copies de factures émises par les assujettis établis en Belgique, soit par eux-mêmes, soit en leur nom et pour leur compte par leur cocontractant ou par un tiers ainsi que toutes les factures qu’ils ont reçues, doivent être conservées sur le territoire belge, lorsque cette conservation n’est pas effectuée sous un format électronique garantissant en Belgique un accès complet et en ligne aux données concernées..

§ 3. Les factures et copies de factures visées au paragraphe 1er doivent être conservées pendant dix ans à compter du 1er janvier de l’année qui suit leur date d’émission.

§ 4. Les livres et autres documents dont la tenue, la rédaction ou l’émission sont prescrits par le présent Code ou en exécution de celui-ci doivent être conservés par les personnes qui les ont tenus, dressés, émis ou reçus pendant dix ans à partir du 1er janvier de l’année qui suit leur clôture s’il s’agit de livres, leur date s’il s’agit d’autres documents ou l’année au cours de laquelle le droit à déduction a pris naissance dans les situations visées à l’article 58, § 4, 7°, alinéa 2, s’il s’agit des documents visés à l’article 58, § 4, 7°, alinéa 4.

La même obligation incombe aux assujettis et aux personnes morales non assujetties, établis en Belgique, en ce qui concerne les factures ou documents en tenant lieu relatifs aux acquisitions intracommunautaires de biens ou aux achats effectués à l’étranger, les livres et documents comptables, les contrats, les pièces relatives à la commande des prestations de services et des livraisons de biens, à l’expédition, à la remise et à la livraison de biens, les extraits de compte, les documents de paiement et les autres livres et documents relatifs à l’activité.

Par dérogation à l’alinéa 2, en ce qui concerne la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exploitation de systèmes informatisés, le délai de conservation prend cours à partir du 1er janvier de l’année qui suit la dernière année pendant laquelle le système décrit dans cette documentation a été utilisé.

Le Roi peut prolonger le délai de conservation visé à l’alinéa 1er et au paragraphe 3 en vue d’assurer le contrôle des révisions des déductions qui sont opérées en exécution de l’article 49, 2° et 3°. Dans les cas qu’Il détermine et selon les modalités qu’Il fixe, Il peut réduire le délai de conservation des documents autres que les factures et les livres.

§ 5. L’authenticité de l’origine, l’intégrité du contenu et la lisibilité d’une facture, que celle-ci se présente sur papier ou sous format électronique, doivent être assurées à compter du moment de son émission et jusqu’à la fin de sa période de conservation.

On entend par ″authenticité de l’origine″ l’assurance de l’identité du fournisseur ou du prestataire de services ou de l’émetteur de la facture.

On entend par ″intégrité du contenu″ le fait que le contenu prescrit par les règles applicables à la facture n’a pas été modifié.

Chaque assujetti détermine la manière dont l’authenticité de l’origine, l’intégrité du contenu et la lisibilité de la facture sont assurées. Tout contrôle de gestion qui établit une piste d’audit fiable entre une facture et une livraison de biens ou une prestation de services, est de nature à donner cette assurance.

§ 6. Les factures doivent être conservées soit sous un format électronique, soit sur papier.

On entend par conservation d’une facture sous un format électronique, une conservation effectuée au moyen d’équipements électroniques de conservation de données y compris la compression numérique.

La conservation doit garantir l’authenticité de l’origine et l’intégrité du contenu de ces factures. »

Notez qu’en matière TVA, des délais plus longs s’appliquent pour la révision de la déduction de la TVA sur les investissements (voir l’arrêté royal TVA n° 3 relatif aux déductions pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, où l’article 9 prévoit une période de révision de la TVA de :

  • cinq ans pour les biens d’équipement (§ 1) ;
  • quinze ans pour les biens immobiliers (§ 2) ; et
  • vingt-cinq ans pour les « nouveaux » bâtiments loués (§ 3)),

ce qui signifie que certains documents comptables devront être conservés plus de dix ans.

Quid à la fin du délai de conservation des archives ?

Ce n’est pas aux réviseurs d’entreprises qu’il faut rappeler cela mais bien à leurs clients : à la fin du délai de conservation des archives celles-ci peuvent bien entendu être conservées ou détruites. Dans ce dernier cas il faut penser à une réelle destruction physique pour en éviter tout mauvais usage.

Autres délais de conservation des archives

Il y a bien d’autres législations ou règlements qui peuvent influencer le délai (minimum : il n’y a pas de maximum) de conservation des archives. Mais ne confondons pas cependant ‘délai de conservation’ et ‘délai de prescription’, ce dernier n’annulant pas le caractère obligatoire de la conservation des archives comptables. Cela fera l’objet d’une prochaine chronique.

On parlera entre autres des sujets suivants :

  • les subventions ;
  • les délais de prescriptions et de recours prévus au CSA (p. ex. : la clôture de liquidation) ;
  • la législation antiblanchiment ;
  • le RGPD (qui rajoute une couche en prescrivant la destruction obligatoire de certaines données lorsqu’elles n’ont plus d’utilité ;
  • les obligations du réviseur (conservation des dossiers de travail : 5 ans pour les missions légales > art.17 §1er de la loi du 7 décembre 2016 / 10 ans pour les autres missions > 2276ter de l’ancien Code civil) ;
  • le droit social ;
  • etc.

Une prochaine chronique reviendra sur la notion de conserver les pièces en original ou en copie : qu’entend-on par copie (validité au sens où la loi l’entend) ?

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