Certains partis ont ressorti un vieux projet, qui n’avait jamais convaincu jusqu’ici. Il s’agit, pour eux, de fixer le montant des amendes, soit seulement pour les infractions liées à la sécurité routière, soit pour toutes les contraventions, en fonction des revenus de la personne condamnée.
Leur idée est qu’une personne condamnée à une amende fixe supportera plus lourdement l’amende si elle a peu de moyens que si elle en a beaucoup.
On ne sera pas étonné de voir que ce sont les partis de gauche, comme le Parti socialiste et Ecolo, qui soutiennent le plus cette mesure, laquelle profiterait davantage à la partie de l’électorat qu’ils essayent de convaincre. On suppose que, selon eux, ceux qui ont peu de revenus, paieront moins d’amendes. C’est peut-être lié au climat répressif ambiant : on n’hésitera pas à augmenter les amendes des plus nantis, sans que cela implique nécessairement une réduction des amendes de celles des autres. L’État insatiable est bien capable de raisonner ainsi… Cela dit, le raisonnement suivi pour proposer une telle mesure à quelque chose de profondément choquant.
Cela revient à dire que ceux qui travaillent plus ou mieux paieront plus cher le même comportement que celui qui n’a pas fait le même effort.
Prenons un exemple simple. Celui qui effectue un travail à temps plein devra, dans ce système, payer plus que celui qui ne travaille qu’à mi-temps, lequel paiera encore plus que celui qui ne travaille pas du tout. Quant au malheureux qui fait des heures supplémentaires, sa sanction sera encore plus lourde.
Tout fonctionne en réalité, dans la proposition de ces partis, comme si le fait d’avoir des revenus importants était en soi une circonstance aggravante, ou un élément comparable à de la récidive.
Il n’y a aucune raison d’imposer une peine plus lourde à celui qui, par ailleurs, a plus ou mieux travaillé.
La philosophie qui sous-tend une telle proposition est donc que gagner de l’argent, même en respectant très strictement la loi, mérite une sanction supplémentaire. Quant au fait de ne rien faire, il est purement et simplement primé, puisque dans l’espoir des partisans Ecolo et PS, cela pourrait éventuellement justifier une peine moins lourde. Il ne s’agit plus ici de faire dépendre la peine du comportement qui est reproché à une personne, mais de se fonder sur des éléments tout à fait extrinsèques que l’on veut sanctionner, et en particulier de traiter plus lourdement ceux qui gagnent bien leur vie que les autres.
Il fut un temps, pas si lointain, où le travail était considéré comme une vertu, et où on louait ceux qui avaient consenti des sacrifices, en temps ou en efforts, ou acquis une formation supérieure. On le voit dans de nombreux domaines : pour certains partis, cela devient une tare de travailler, et c’est d’autant plus méprisable si l’on gagne plus.
Déjà, l’impôt sur les revenus est une première sanction contre ceux qui sont travailleurs, efficaces, brillants ou astucieux. Au moins l’impôt n’est-il pas, en droit, traité comme une sanction. En revanche, les amendes sont des peines, qui devraient n’être infligées qu’en fonction de l’acte. Il n’y a aucune raison d’imposer une peine plus lourde à celui qui, par ailleurs, a plus ou mieux travaillé.
S’il faut reconnaître un mérite à ces partis, c’est celui de lancer un débat sur des valeurs fondamentales, comme le travail, qui reste de loin la principale source des revenus. Malheureusement, lorsque l’on voit la position, très chèvrechoutiste du parti Les Engagés, qui n’exprime aucune hostilité par rapport à ce projet, on peut s’inquiéter, en tout cas quant aux valeurs défendues en Belgique francophone.