Une proposition de loi déposée le 23 juin 2022 a pour objectif de ne plus laisser la question de l’utilisation des preuves irrégulières en matière fiscale à l’appréciation des juridictions, mais de créer un cadre légal et clair.
Cette question est actuellement débattue au regard de la jurisprudence Antigone de la Cour de cassation qui trouve ses origines en matière pénale.
À suivre la Cour de cassation dans son arrêt dit «Antigone», l’obtention d’une preuve illégale n’est sanctionnée par la nullité que dans trois hypothèses: si le respect des conditions formelles concernées est prescrit à peine de nullité, si l’irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve ou si l’usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable.
Le principe en la matière est donc l’acceptation d’un moyen de preuve entaché d’irrégularité, l’exclusion étant l’exception limitée aux trois cas susmentionnés qui laissent un large pouvoir d’appréciation aux juridictions de fond. En droit pénal, cette jurisprudence a été transposée au sein du Titre Préliminaire du Code d’instruction criminelle.
L’application de la jurisprudence Antigone en matière fiscale, confirmée à de nombreuses reprises par la Cour de cassation, est condamnable à plus d’un titre.
Elle se heurte au principe général selon lequel la charge de la preuve repose sur les autorités fiscales. Si l’administration fiscale soutient un élément, elle doit en apporter la preuve de sorte que si elle ne le fait pas ou si elle obtient un élément de preuve de manière illégale, la sanction qui s’impose est l’écartement de cette preuve.
Par ailleurs, le principe constitutionnel de la légalité de l’impôt s’oppose à ce que la détermination des éléments essentiels de l’impôt telle que, notamment, la base imposable dépende de critères jurisprudentiels.
En pratique, la jurisprudence Antigone a également pour effet de vider de tout sens les règles de procédure contenues dans les codes fiscaux qui s’appliquent aux autorités fiscales puisque ces règles se voient obligées de céder le pas à des appréciations subjectives des juges.
Alors que l’application de la jurisprudence Antigone ne peut de toute évidence se justifier en matière fiscale, les juges en font un usage de plus en plus fréquent allant jusqu’à couvrir de graves irrégularités.
La proposition de loi déposée le 23 juin 2022 a précisément pour objectif de ne plus laisser la question de l’utilisation des preuves irrégulières en matière fiscale à l’appréciation des juridictions, mais de créer un cadre légal et clair.
Elle modifie aussi le postulat selon lequel l’administration fiscale peut utiliser des preuves irrégulières sauf exception en prévoyant le principe qu’une preuve obtenue à la suite d’une méconnaissance par l’administration d’une disposition légale ne pourra être utilisée, sauf en cas d’irrégularité purement formelle.
En vertu de cette proposition, les situations d’irrégularités qui pourront être couvertes sont notamment l’envoi d’une demande de renseignement non signée par un fonctionnaire ou la demande de communication de documents (alors que seuls des renseignements peuvent être sollicités). Comme toute exception à un principe, ces cas de couverture devront être interprétés strictement.
Ne sera donc plus possible l’utilisation par le fisc d’informations obtenues à la suite de visites de locaux professionnels qui s’apparentent à des perquisitions ou après consultation du Point de Contact Central par un fonctionnaire non autorisé.
Même si l’illégalité d’un acte administratif devrait entraîner automatiquement l’écartement de celui-ci en vertu du pouvoir de contrôle sur ces actes dont disposent les juges en vertu de l’article 159 de la Constitution, l’existence d’un texte légal aura l’avantage d’éviter ou de limiter l’appréciation subjective des irrégularités commises par le fisc qu’autorise actuellement la Cour de cassation.
Un texte légal consolidera enfin la sécurité juridique à laquelle tout contribuable peut légitimement s’attendre.
Source : Afschrift Tax & Legal, actualités, janvier 2023