Et si nous parlions du projet de loi-programme et son élargissement de la taxe Caïman?

Un projet de loi-programme envisage d'élargir le champ d'application de la taxe Caïman. Les fiscalistes vont être confrontés de plus en plus à des questions délicates (et passionnantes!) concernant, notamment, l'interaction entre diverses dispositions fiscales, par exemple les articles 18, 3°, 19bis et 21,2° du CIR (dispositions fiscales traitant des revenus mobiliers).

A partir du 1er janvier 2024, un OPC dont les droits sont détenus à plus de 50% par une personne, ou plusieurs personnes liées entre elles, sera considéré comme une "construction juridique". De nombreuses familles belges ayant investi dans des OPC (ou des compartiments d'OPC) sont impactées.

De nombreux particuliers demandent/demanderont le rachat (redemption) de leurs parts dans des OPC dédiés, par exemple une SICAV SIF. A quelle sauce fiscale le produit de rachat est-il mangé?

> Si la SICAV n'est PAS visée par l'article 19bis du CIR (exemples: (i) elle investit plus de 90% dans des actions, (ii) ses parts ont été acquises avant le 1/1/2018 et elle n'était pas considérée comme un "OPCVM"), alors la plus-value de rachat devrait en principe être exonérée sur le fondement de l'article 21,2° du CIR (à supposer qu'il s'agisse bien d'une "société d'investissement", ce qui ne va pas toujours de soi en présence d'un fonds dédié).

> Ca se complique si le rachat se fait après le 1er janvier 2024, à un moment où la SICAV constituera une "construction juridique". En effet, l'article 18, al. 1, 3° du CIR taxe au titre de "dividendes" les sommes attribuées ou mises en paiement par une construction juridique, dans la mesure où ce paiement entraîne une diminution du patrimoine de la construction juridique jusqu'à un montant inférieur aux capitaux apportés par le fondateur.

A mon avis, l’exonération prévue par l’article 21, 2° du CIR a une portée générale et s’applique aux sommes versées par une « construction juridique » (lors d'un rachat de parts ou d'une liquidation de l'OPC) qui serait aussi une « société d’investissement ». L’article 21, 2°, du CIR92 peut à mon avis céder le pas devant l’article 19bis du CIR, mais pas devant l’article 18, alinéa 1er, 3°, du CIR92.

> L'avis du Conseil d'Etat sur l'avant-projet de loi réfère à l'opinion du représentant du gouvernement suivant lequel, en cas d'application conjointe de l'article 18 (sans préciser s'il s'agit de l'alinéa 1, 3°) ET de l'article 19bis, il fallait considérer que le montant le plus élevé des deux devait être imposé.

Il faut à mon avis craindre que l'administration tentera d'appliquer systématiquement l'article 18, al.1, 3° du CIR (qui devrait conduire en pratique à une imposition plus élevée que l'article 19bis)... même si l'OPC n'est pas visé par 19bis/couvert par 21,2° du CIR.

> Dans son avis, le Conseil d'Etat s'interroge sur l'interaction entre la taxe Caïman et l'article 19bis du CIR, et exhorte le législateur à régler cette question dans la loi...

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