Exonération des donations d’actions de sociétés familiales – Également pour les activités immobilières ?

Donation des actions de sociétés familiale

1. Chaque Région autorise, à certaines conditions (légèrement différentes selon les Régions), la donation des actions de sociétés familiales à un taux de droits d’enregistrement de 0 %.

Dans les trois Régions, une des conditions pour bénéficier de ce taux favorable est que la société dont les actions sont données exerce une « activité économique réelle ».

Toutefois, le législateur n’a pas défini cette notion.

Activité économique réelle?

2. En Région flamande, VLABEL (circulaire 2015/2) adopte traditionnellement la position selon laquelle une activité immobilière ne peut en principe pas être considérée comme une « activité économique réelle ».

Elle exclut d’emblée l’application du régime de faveur dans la plupart des cas pour les entreprises avec beaucoup de biens immobiliers au bilan. Selon VLABEL, la « simple » gestion de biens immobiliers ne peut être qualifiée d’« activité économique réelle ». De même, il ne sera pas possible de démontrer une « activité économique réelle », dès lors qu’un bien immobilier est loué à des tiers indépendamment de la part ou du pourcentage que ce bien immobilier représente dans le total des biens immobiliers présents au sein de la société.

Ce n’est que si tous les biens immobiliers de la société sont utilisés pour l’activité économique ou si la société loue tous ses biens immobiliers à une autre filiale active, que la gestion des biens immobiliers peut être considérée comme une « activité économique réelle » selon VLABEL.

Jurisprudence?

3. Dans un arrêt du 21 juin 2022, la Cour d’appel de Gand a jugé que des activités immobilières constituent bien une « activité économique réelle » si elles génèrent, de manière durable, une valeur ajoutée à la société et dépassent ainsi une gestion purement passive de biens immobiliers.

Dans le cas d’espèce soumis à la Cour, la société concernée était une société holding dont la société fille exerçait une activité immobilière (notamment en matière de construction et gestion de chambres d’étudiants et de terrains commerciaux, y compris la location et la vente de biens).

Pour son activité, la société n’avait pas d’employés mais faisait appel à des conseillers externes.

Selon la Cour, la notion d’« activité économique réelle » doit être comprise en son sens ordinaire. Il n’y a donc aucune raison d’exclure du régime fiscal favorable la société en question qui, en tant que promoteur et gestionnaire professionnel de son portefeuille immobilier, exerce des activités qui vont au-delà de la gestion purement passive de biens immobiliers.

Le fait que la société disposait de beaucoup de biens immobiliers n’était pas non plus une raison pour l’exclure du régime fiscal favorable selon la Cour.

Les critères pris en compte en l’espèce par la Cour pour censurer la position de VLABEL sont les suivants : la taille des projets immobiliers, le marché dans lequel ces projets s’insèrent (résidences universitaires, locaux commerciaux combinés avec des propriétés résidentielles), environnement concurrentiel dans lequel la société a développé ses activités immobilières, la régularité avec laquelle les projets immobiliers ont été examinés quant à leur faisabilité et, le cas échéant, réalisés, les activités à long terme d’achat et de vente de biens immobiliers, ainsi que l’approche professionnelle et structurée des activités.

Que faut-il retenir de cet arrêt ?

4. Selon la Cour d’appel de Gand, les activités immobilières ne peuvent purement et simplement, être exclues du taux de droits d’enregistrement de 0 % applicable pour la donation des actions des sociétés familiales.

Les activités immobilières qui dépassent la gestion purement passive de biens immobiliers peuvent être qualifiées d’activités économiques réelles et bénéficier du régime fiscal favorable. La question de savoir si une activité constitue une activité de gestion purement passive ou non est une question de fait qui doit s’analyser sur base d’un certain nombre de critères évoqués dans l’arrêt.

Le raisonnement de la Cour d’appel de Gand doit bien entendu être approuvé. La notion d’activité économique réelle n’étant pas définie par le législateur, il convient en pratique d’analyser celle-ci en fonction des circonstances de faits propres à chaque cas d’espèce.

Exclure purement et simplement les activités immobilières de cette notion d’activité économique réelle revient à ajouter une condition à la loi.

Dans les Régions wallonne et bruxelloise, les autorités fiscales n’ont pas émis une position officielle sur le traitement des donations d’actions de sociétés familiales au regard de l’exercice d’activités immobilières. En pratique, toutefois, les autorités fiscales ont tendance à refuser l’application du taux de droits d’enregistrement de 0 % aux activités immobilières.

Comme l’a fait la Cour d’appel de Gand, cette position administrative pourra être combattue en fonction des circonstances de faits et de la nature de l’activité immobilière exercée en pratique, l’exercice d’une activité immobilière n’étant certainement en soi pas exclusive de l’application du taux de droits d’enregistrement de 0 %.

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