Face à un fisc en faillite, il est grand temps de prendre nos professionnels au sérieux!

En 2012, l’ensemble des fonctionnaires fiscaux avaient été invités à suivre un séminaire de 5 jours consacré à l’harmonie des relations entre l’administration fiscale, les contribuables et les professionnels du chiffre.

Cette formation avait été organisée sous l’égide bienveillante et (oh combien !) constructive et efficace de Didier Reynders, alors ministre des Finances. Un Ministre que nous regrettons tous tant il est vrai que depuis son départ, la situation s’est dégradée de mois en mois, à tel point que l’on ne peut que constater qu’aujourd’hui, la dérive est totale.

Vos administrateurs préférés de l'OECCBB, toujours mobilisés, ont récemment parcouru avec un œil ému et nostalgique le syllabus fourni à l’occasion de la formation précitée.

Les fonctionnaires y étaient invités à appréhender leurs relations avec les contribuables avec sérénité et bienveillance, à appliquer les dispositions légales et les circulaires administratives certes de manière stricte, mais objective et raisonnable.


De ne pas considérer le contribuable et son mandataire comme un ennemi, mais comme un partenaire, voire un client.


En bref, à l’époque, le service public finances, ses dirigeants et ses responsables se définissaient eux-mêmes comme un service AU public, ce qui devrait être la norme pour toute administration, quelle que soit sa matière de compétence.

Sans verser dans une nostalgie mélancolique, force est de constater que la mentalité de l’administration fiscale, et surtout celle de celles et ceux qui la dirigent, a, depuis cette merveilleuse époque, changé du tout au tout.

La volonté manifeste de l’actuel et, espérons-le, bientôt ancien ministre des Finances est de totalement déshumaniser les relations entre le citoyen et l’administration fiscale. Les contacts sont rompus, voire interdits, la communication de numéros d’appels ou de mails de contact est prohibée, les E-contrôles sont devenus la norme et même les professionnels du chiffre semblent être considérés comme des pestiférés ou des lépreux avec lequel il serait dangereux d’entretenir la moindre relation.

Le tout avec la bénédiction de l’ITAA dont le silence prudent est -restons courtois – pour le moins étonnant.

Qu’on me comprenne bien : je ne peux en vouloir aux hommes et femmes de terrain qui assument, parfois dans des conditions matérielles difficiles, la charge de mener les contrôles fiscaux. Au contraire, des multiples contacts que j’ai pu conserver avec nombre d’entre eux, ils sont les premiers à déplorer la situation autant que nous. Mais en définitive, leur statut de fonctionnaires leur commande d’obéir aux instructions émanant de leur hiérarchie, fussent-elles ineptes.

J’ose le mot tant il est vrai qu’une absence totale de dialogue ne peut avoir pour effet que la multiplication des litiges venant encombrer des tribunaux déjà surchargés et ayant, surtout à Bruxelles, déjà accumulé un arriéré judiciaire s’apparentant à un déni de justice.

Votre serviteur, qui n’a pourtant pas encore atteint un âge canonique, doit dire à ses clients qu’une affaire fiscale introduite devant la Cour d’appel de Bruxelles ne sera plaidée qu’en … 2040 si rien ne change, c’est-à-dire si on ne multiplie pas les chambres de plaidoiries par l’engagement de magistrats.

Je dois donc leur dire, l’espoir au cœur mais avec un sourire triste, que j’espère être encore vivant et en forme pour plaider leur affaire à ce moment-là.


On entend souvent dire que l’Etat belge est en faillite virtuelle. Il ne m’appartient pas de dire si cette affirmation est vraie ou fausse, mais ce qui est certain, c’est que notre système administratif est en faillite.


Car enfin, nous sommes dans le peloton de tête au niveau mondial des prélèvements fiscaux de tous ordres et qu’avons-nous en échange ? Un enseignement qui forme des cohortes d’analphabètes, des routes impraticables, des agriculteurs criant famine, des indépendants en burn-out et des professionnels du chiffre surchargés par des missions administratives qui devraient être assumées par l’Etat, qui a trouvé en leur personne une armée de bénévoles forcés, qu’à une autre époque, on aurait baptisé esclaves.

Le tout pour entretenir des cohortes et des camarilla de professionnels de l’inaction sponsorisés ad vitam par un Etat et des régions qui n’en ont tout bonnement plus les moyens.

Poujadiste ? Non. Réaliste ? Oui. Homme libre dans la parole ? Certainement.

Il est absolument intolérable, pour en revenir au terrain fiscal, d’être traité de la sorte. De devoir subir des contrôles à répétition, comme en matière de droits d’auteurs, basés sur une interprétation de la loi que l’administration fiscale sait inexacte, mais où sa tactique est de créer un régime de terreur qui a pour objectif évident de dissuader les contribuables pouvant, en toute légalité, bénéficier d’un régime fiscal favorable pour eux, d’y avoir recours.

Il est inconcevable de ne pas pouvoir obtenir les coordonnées précises de la personne chargée d’un dossier de contrôle, de pouvoir avoir avec elle un dialogue constructif et professionnel, d’aplanir les difficultés, de répondre aux questions qui se posent, de résoudre des problèmes qui n’en sont pas.


Le plus idiot, dans la méthode qui est à l’heure actuelle celle des dirigeants de l’administration fiscale, est que cela n’est même pas bénéfique pour les intérêts de l’Etat, puisque cela n’aboutit, dans la plupart des cas, qu’à des litiges sans fin se clôturant par des faillites sans que l’impôt, juste ou non, soit en définitive payé.


La même politique de terreur s’applique aussi en matière d’amendes TVA et d’accroissements d’impôts, où la Cour de cassation a encore rappelé sans mettre de gants à l’administration fiscale qu’une motivation précise, réelle et détaillée est nécessaire pour que toute sanction de cet ordre soit légalement valide.

La même Cour a aussi invalidé la position de l’administration fiscale dont certains fonctionnaires semblaient s’arroger le droit de transformer des visites domiciliaires en véritables perquisitions.

Ces décisions sont assurément de bonnes nouvelles pour les contribuables bien informés et en mesure de faire, par le biais de leurs conseillers, respecter leurs droits, mais le simple fait qu’elles aient dû être prononcées est révélateur de l’ampleur du problème et de l’importance de la dérive.

Nous nous dirigeons, à très court terme, vers des échéances électorales dont les résultats escomptés, si l’on en croit les sondages, ne peuvent qu’inquiéter.

Comme le disait le très regretté Pierre Desproges à propos des Français et de la démocratie, cinquante millions d’imbéciles ne peuvent pas se tromper …

Nous en sommes douze mais le principe reste le même.

L’heure semble donc venue pour les professionnels, les associations et les défenseurs à tous niveaux de la cause des contribuables, de faire entendre notre voix, sur la place publique d’abord, dans l’isoloir ensuite, et d’exiger, du législateur d’abord, de l’administration fiscale ensuite, que nous-mêmes et nos clients soyons traités pour ce que nous sommes, à savoir des citoyens respectables et non pas des fraudeurs présumés.

Ce qui, en ce qui me concerne, vient d’être fait.

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