
Une société immobilière est une société classique telle que définie par le Code des Sociétés et Associations[1]. Elle peut dans ce cadre revêtir n’importe quelle forme juridique établie par ce même Code[2] (société à responsabilité limitée, société coopérative, société civile, …).
Cette société a pour objet statutaire, la gestion d’un patrimoine immobilier.
L’acquisition via une société immobilière peut s’avérer intéressante en fonction du cas spécifique et doit être mise en balance avec l’acquisition via d’autres moyens.
Par exemple, en cas d’acquisition d’un immeuble destiné à l’activité professionnelle,
on pourrait se demander s’il ne serait pas judicieux d’investir via la société opérationnelle.
Une des raisons pouvant pousser à l’acquisition via une société immobilière est de séparer le patrimoine immobilier du risque opérationnel et potentiellement également de faciliter la cession ultérieure de l’activité opérationnelle.
On pourrait également envisager d’acquérir un ou plusieurs immeuble(s) directement en personne physique. Ceci est rendu nécessaire souvent pour éviter un risque de requalification fiscale des loyers en revenus professionnels, à analyser au cas par cas. En outre, la présence d’une société immobilière patrimoniale peut constituer un investissement dont la transmission est facilitée.
En d’autres mots, la dimension fiscale liée à chaque forme d’acquisition joue un rôle essentiel dans la décision finale et mérite dès lors une attention particulière.
Dans ce qui suit, les différentes phases de la vie d'une société immobilière seront exposées (acquisition, liquidation, cession des actions, …) en insistant sur les implications des récentes réformes fiscales.
Notons d’ores et déjà que, au moment où nous écrivons cet article, les textes de la réforme n’ont pas encore été tous adoptés. Ainsi, il est indiqué, en note de bas de page, s’il s’agit actuellement d’un avant-projet de loi, d’un projet ou d’un texte définitif.
La société immobilière peut être constituée directement ou peut encore être issue de la scission d’une société opérationnelle. L’immeuble peut être apporté (apport en nature) par les actionnaires/associés, il peut également être acquis directement par la société immobilière (grâce à l’apport en numéraire initial ou à un emprunt (auprès des associés/actionnaires,
auprès d’un établissement bancaire, etc.)). L’acquisition peut être soumise au régime des droits d’enregistrement (bien non neuf) ou encore à la TVA (bien neuf). De nombreuses possibilités existent. Dans le présent article, nous insisterons sur les points affectés par la réforme en cours.
1.1. Apport en numéraire
Les associés/actionnaires des petites et moyennes entreprises (PME)[3] peuvent bénéficier d'un avantage fiscal appréciable grâce au régime VVPRbis. Ce dispositif offre un taux d'imposition réduit (voir ci-dessous) sur les dividendes distribués issus d'actions nominatives, à condition que celles-ci aient été émises en échange de nouveaux apports en numéraire réalisés après le 01/07/2013. Pour en profiter, les associés/actionnaires doivent garder ces actions en pleine propriété, sans interruption, depuis leur émission.
Pour les apports réalisés jusqu’au 31/12/2025 :
• un taux avantageux de 20 % s’applique aux dividendes attribués lors de la répartition des bénéfices du deuxième exercice comptable suivant l'apport ; et
• un taux de 15 % s’applique aux dividendes attribués lors de la répartition des bénéfices du troisième exercice comptable suivant l'apport, ou lors des exercices ultérieurs.
La réforme fiscale[4], entrée en vigueur le 29/07/2025, a mis fin au taux transitoire de 20 % pour les dividendes distribués lors de la répartition des bénéfices du deuxième exercice comptable après l'apport, pour les apports réalisés à compter du 01/01/2026.
1.2. Régime TVA
A l’occasion de l’acquisition par la société d’un bien immobilier neuf au sens de la TVA,
elle devra s’acquitter de la TVA.
La TVA pourra être déduite en fonction du droit à déduction de la société. Concernant la TVA, notons que pour pouvoir la déduire à l’entrée, il faut que les opérations à la sortie de la société immobilière soient elles-mêmes soumises à la TVA[5].
La TVA due peut, dans certains cas spécifiques, s’élever à 6 %.
Dans le cadre de la réforme[6] et à partir du 29/07/2025, l'application du taux réduit de 6 %
de TVA s’applique désormais à une livraison d'habitation suite à une démolition ou reconstruction dans les trois cas ci-dessous :
• à un acquéreur personne physique pour usage propre et unique (max. 175 m²)
(retour – aménagé suite à la réforme) ;
• à un acquéreur pour une location à long terme à une AIS, etc., pour une durée minimale de 15 ans (inchangé) ;
• à un acquéreur pour une location à long terme (15 ans) à une personne physique qui établit son domicile dans le bien (nouvelle disposition).
La société immobilière pourra dans certaines circonstances se trouver dans un des deux derniers cas de figure. Ces deux cas ne permettront généralement pas la déduction de la TVA payée (mais qui sera à 6% en lieu et place de 21%), car les loyers reçus dans ces circonstances ne sont généralement pas soumis à TVA.
1.3. Traitement des frais accessoires
Une question essentielle lors de l’acquisition d’un immeuble est relative à la prise en charge des frais accessoires. Ces frais accessoires sont les frais de notaire, les frais d’agence, les droits d’enregistrement (immeuble non-neuf), TVA non récupérable (immeuble neuf), …
Si la société qui acquiert l’immeuble est une PME, ces frais peuvent être déduits en une fois. Alternativement, la société peut décider de les déduire au même rythme que les amortissements de l’immeuble acquis. Si la société n’est pas une PME, cette dernière n’a alors pas le choix et est tenue de les déduire de manière étalée (au même rythme que l’amortissement de l’immeuble).
Pour ce qui est de la quote-part des frais accessoires relative au terrain, des réductions de valeur (déductibles) seront actées.
2.1. Régime ordinaire
Les bénéfices de la société immobilière seront soumis annuellement à l’impôt des sociétés.
L’impôt ordinaire des sociétés s’élève à 25 %. Toutefois, dans certaines conditions particulières, notamment lorsque la société est considérée comme PME, celle-ci peut bénéficier d’un taux réduit à 20 % sur les 100.000 premiers euros de sa base imposable. Une autre condition essentielle pour pouvoir bénéficier du taux réduit est l’octroi à au moins un des dirigeants de la société, d’une rémunération minimale de 45.000 EUR[7] qui serait portée à 50.000 EUR[8] en 2026[9]. Par exception, si le résultat de la période imposable est inférieur à ce montant, cette rémunération doit être égale à ce résultat.[10]
2.2. Particularité liée aux avantages de toute nature (dont logement)
Dans le contexte de la réforme[11] qui nous occupe, le gouvernement entend limiter la conversion des salaires bruts en avantages de toute nature forfaitaires à un maximum de 20 % du salaire brut annuel.
Parmi les ATN forfaitaires, est visé l’ATN logement que la société immobilière octroie à son dirigeant si ce dernier occupe gratuitement le bien immobilier. S’agissant des immeubles bâtis, l'avantage est déterminé en prenant 100/60 du revenu cadastral indexé de l'immeuble, ou de la section de l'immeuble concernée, puis en doublant ce résultat.
En cas d’ATN forfaitaires excessifs (supérieur à 20 % du salaire brut annuel), la sanction consisterait en la perte du taux réduit d’imposition sur les sociétés. Cette perte devra alors être mise en balance avec l’attrait financier et fiscal relatif à la mise à disposition gratuite d’un logement au dirigeant d’entreprise.
Plusieurs alternatives s’offrent aux actionnaires/associés. L’immeuble peut être cédé et la société peut ensuite être liquidée, les actions ou parts de la société immobilière peuvent être cédées, dans un objectif de planification successorale, les actions ou parts peuvent faire l’objet d’une donation, etc. Comme pour la constitution de la société et l’acquisition de l’immeuble, nous nous contenterons d’insister sur les points affectés par la réforme en cours.
3.1. Vente des actions ou parts de la société immobilière
Les plus-values sur actions ou parts sont en principe exonérées[12] à l’impôt des personnes physiques, à condition qu’elles s'inscrivent dans le cadre d’« opérations de gestion normale d'un patrimoine privé »[13].
La réforme fiscale[14] envisage, au sein d’un avant-projet de loi, la mise en place d’une nouvelle taxe sur les plus-values des actifs financiers et ce, même en cas d’opérations de cessions réalisées dans le cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé.
L’avant-projet évoque trois catégories de plus-values (réalisées en dehors de l’activité professionnelle) taxées aux taux suivants :
• les plus-values internes[15] : 33 % ;
• les plus-values sur participations substantielles (le cédant détient 20 % ou plus des droits au sein de la société dont les actions ou parts sont cédées) : taxation progressive jusqu’à 10 % et exonération de la 1ère tranche d’un million d’euros sur 5 ans[16] ;
• les « autres » plus-values sur actifs financiers (catégorie résiduelle) : 10 %, avec une exonération annuelle de 5.940 EUR[17] (à indexer).
Par ailleurs, le maintien de la taxation est au taux de 33 % pour les plus-values réalisées en dehors du cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé[18].
Pour les plus-values dans le cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé, le gouvernement a prévu une possibilité d’exonérer les plus-values dites « historiques ». Ainsi, seule la plus-value générée à partir du 01/01/2026 sera soumise à taxation. Cela requiert dès lors d’opérer une valorisation des actifs financiers au 31/12/2025.
Pour cette valorisation, trois méthodes sont prévues :
• Prix de cession récent : la valeur appliquée à une cession à titre onéreux des mêmes actifs financiers entre des parties totalement indépendantes (ou à l'occasion d'une augmentation de capital ou de la constitution d'une société) qui a eu lieu entre le 01/01/2025 et le 31/12/2025 ;
• Valeur contractuelle : la valeur résultant de l'application d'une formule d'évaluation établie dans un contrat ou dans une offre contractuelle d'option de vente portant sur ces actifs financiers en vigueur le 01/01/2026 ;
• Valorisation :
1. Formule forfaitaire : les fonds propres augmentés d'un montant égal à 4 fois l'EBITDA du dernier exercice clôturé avant le 1/01/2026 ;
2. Evaluation indépendante : la valeur au 31/12/2025 telle que déterminée au plus tard le 31/12/2026 par un réviseur d'entreprises (qui n’est pas le commissaire) ou un expert-comptable indépendant certifié.
Notons qu’au vu de la manière dont celle-ci est formulée, la méthode forfaitaire impliquera vraisemblablement une valeur moindre qu’une évaluation indépendante dans le cas de la valorisation des actions d’une société immobilière.
3.2. Vente de l’immeuble et (éventuelle) liquidation de la société immobilière
En cas de vente de l’immeuble par la société, la plus-value sera imposable à l’impôt des sociétés dans le chef de la société immobilière. La plus-value sera calculée en tenant compte des amortissements pratiqués sur le bien (différence entre la valeur comptable et le prix de cession).
Pour les PME, la plus-value réalisée lors de la cession de l’immeuble peut être affectée à une réserve de liquidation. Lors de la constitution de cette réserve, une cotisation de 10 % est due. En cas de liquidation de la société, cette réserve pourra être distribuée sans application de précompte mobilier. La liquidation peut être réalisée de ce fait dès l’exercice qui suit celui au cours duquel la réserve de liquidation a été constituée.
La réforme fiscale[19] a apporté des modifications au régime de la réserve de liquidation.
Ces modifications sont entrées en vigueur le 29/07/2025.
Avant la réforme, le régime de la réserve de liquidation stipulait une période d'attente de
5 ans, après laquelle le taux de précompte mobilier était fixé à 5 % pour les distributions de dividendes. En cas de distribution anticipée au cours de cette période de 5 ans, le précompte mobilier était appliqué à un taux réduit de 20 %.
Après la réforme, la période d'attente a été réduite à 3 ans, tandis que le taux de précompte mobilier a été augmenté à 6,5 %. Pour les distributions anticipées durant cette nouvelle période de 3 ans, le précompte mobilier est désormais appliqué au taux ordinaire de 30 %. Il est important de noter que ce taux de 30 % s'ajoute aux 10 % déjà payés lors de la constitution de la réserve. Ainsi, la réforme entraîne une charge fiscale plus lourde pour les distributions effectuées avant la fin de la période d'attente.
Les nouvelles règles s’appliquent aux réserves de liquidation constituées à partir du 01/01/2026, soit lors des assemblées générales ordinaires de 2027 et suivantes. Pour les réserves constituées avant cette date, l’ancien régime demeure applicable, avec la possibilité de distribuer des dividendes après 3 ans, soumis à un précompte mobilier de 6,5 %.
Le taux de 0 % en cas de distribution à l’occasion de la liquidation de la société reste applicable.
Et par rapport à l’acquisition en personne physique ?
Dans certains cas, l'acquisition d'un bien immobilier en personne physique peut s’avérer être une alternative intéressante à l’acquisition via une société immobilière.
Elle permet d’éviter les coûts liés à la création et à la gestion d’une société, tout en intégrant directement le bien au patrimoine privé, ce qui facilite sa transmission ou sa revente.
La fiscalité peut également être plus favorable, notamment parce que la base imposable pour la location non professionnelle reste généralement limitée au revenu cadastral indexé, qui est souvent bien inférieur aux loyers perçus. Par ailleurs, les plus-values réalisées dans le cadre d’une gestion normale du patrimoine privé sont exonérées à l’impôt des personnes physiques, contrairement aux plus-values taxées à l’impôt des sociétés. Cette exonération à l’impôt des personnes physiques n’est pas remise en cause dans le cadre de la réforme.
L’acquisition en personne physique est souvent financée par le biais d’un crédit, dont les intérêts sont actuellement déductibles, sous conditions, de l’ensemble des revenus immobiliers. L’avantage de cette déduction peut être significatif selon les cas.
La réforme fiscale[20] annoncée prévoit de supprimer les avantages fiscaux liés aux emprunts pour les habitations autres que propres, et ce même pour les prêts existants, ce qui constitue un changement significatif pour les investisseurs.
La réforme fiscale en cours impacte pour cause la fiscalité immobilière. Toutefois, à ce jour, aucune disposition n’est venue vider de son sens le recours à une société immobilière. Le choix du véhicule d’acquisition reste une question de faits, à évaluer en fonction des objectifs,
des contraintes et des perspectives de chaque investisseur. Par ailleurs, si certains textes sont déjà définitifs, la plupart des mesures restent, pour le moment, à l’état de projets.
[1] Concernant la définition d’une société, nous vous renvoyons à l’article 1:1 CSA.
[2] Nous vous renvoyons à l’article 1:5 CSA pour les différentes formes de sociétés reconnues par ce même Code.
[3] Définies comme étant les « petites sociétés » au sens de l’article 1:24 du nouveau Code des sociétés et des associations.
[4] Loi du 18/07/2025
[5] Deux possibilités dans ce cadre, à savoir la mise en place d’une unité TVA ou le recours au régime d’option (applicable depuis le 01/01/2019) permettant d’opter pour la TVA sur la location de biens immeubles
[6] Loi du 18/07/2025
[7] Pour l’ensemble des exclusions relatives à l’application du taux réduit, nous vous renvoyons à l’article 215, al. 2 du CIR.
[8] Montant à indexer.
[9] Avant-projet de loi portant réforme de l’IPP dont l’entrée en vigueur est prévue le 01/01/2026
[10] Pour cette exception, nous vous renvoyons à l’article 215, al.3, 4° du CIR.
[11] Avant-projet de loi portant réforme de l’IPP dont l’entrée en vigueur est prévue le 01/01/2026
[12] Nous vous renvoyons à cet égard à l’article 90 CIR.
[13] Pour une explication plus approfondie de la notion de gestion normale du patrimoine privé dans le cas des plus-values sur actions, nous vous renvoyons à cet article : 18/1610/A Revenus divers – Plus-values sur actions – Gestion normale de patrimoine privé, 05/02/2021, consulté sur https://expert.taxwin.be/fr/tw_actu_q/document/ac20210205-4-fr
[14] Avant-projet de loi relatif à la taxation des plus-values sur actifs financiers dont l’entrée en vigueur est prévue pour l’exercice d’imposition 2027
[15] Rosoux, R. (2025). Notion de capital libéré et plus-value interne. Monkey.
[16]1,25 % de 0 EUR à 2,5 MEUR, 2,5 % de 2,5 MEUR à 5 MEUR, 5 % de 5 MEUR à 10 MEUR, et 10 % au-delà de 10 MEUR. Ces montants ne seront pas indexés annuellement.
[17] Ce montant est indexé à 10.000 EUR pour l’exercice d’imposition 2027.
[18] art. 90, al. 1er, 1° et 171, 1°, a), du CIR.
[19] Loi du 18/07/2025
[20] Projet de loi portant des dispositions diverses dont l’entrée en vigueur est prévue à partir de l’exercice d’imposition 2026