Impact de l'augmentation des seuils d'audit

La Commission européenne vient de publier un projet de directive déléguée visant à modifier les seuils fixés dans la directive comptable pour déterminer la catégorie de taille d’une entreprise. La Commission européenne veut ainsi tenir compte de l’incidence de l’inflation (Opinion Marc Bihain, secrétaire général IRE).

En effet, ces seuils ont été déterminés il y a maintenant une dizaine d’années et la Commission a jugé utile de les indexer.

L’adoption par la Commission est prévue pour le quatrième trimestre de 2023 et la modification entrera en vigueur 3 jours après sa publication au Journal officiel. L’objectif est une implémentation dans tous les Etats membres pour que ces dispositions soient appliquées pour les exercices comptables débutant à partir du 1er janvier 2024.

Les modifications n’impactent que les seuils relatifs au total du bilan et au chiffre d’affaires net, le nombre moyen de salariés demeure quant à lui inchangé pour les différentes catégories d’entreprises.

De manière schématique, l’évolution des seuils proposés par la Commission européenne est la suivante :

CONSÉQUENCES EN DROIT BELGE

Actuellement, la Belgique a choisi de considérer comme « petites sociétés » celles dont les seuils sont inférieurs à 4.500.000 € en ce qui concerne le total du bilan et inférieurs à 9.000.000 € pour le chiffre d’affaires net et dont le nombre de travailleurs en moyenne annuelle ne dépasse pas 50 (article 1:24, §1er du Code des sociétés et associations, en abrégé CSA).

En droit belge, cette qualification entraine une double conséquence. D’une part, les sociétés qui ne sont pas considérées comme petites ne peuvent pas bénéficier d’un certain nombre d’avantages fiscaux. D’autre part, elles sont soumises à un audit légal obligatoire effectué par un commissaire disposant du statut de réviseur d’entreprises.

La Belgique, comme tous les Etats membres, doit assurer la transposition de cette directive en droit national, en principe pour le 1er janvier 2024. Ceci implique une modification des seuils repris à l’article 1:24, §1er du CSA.

Précisons toutefois qu’une modification par la voie d’un changement législatif n’est pas techniquement nécessaire. En effet, le CSA prévoit que la modification des seuils de comptabilité peut être introduite par un arrêté royal pris en Conseil des ministres après avoir recueilli l’avis du Conseil central de l’économie (article 1 :24, § 8 du CSA).

Ces précisions techniques étant rappelées, la question concrète qui se pose est de savoir comment le gouvernement va traduire ces nouveaux seuils comptables dans la législation belge.

EN CE QUI CONCERNE LA QUALIFICATION DE « PETITE SOCIÉTÉ », TROIS SCÉNARII NOUS SEMBLENT EN THÉORIE POSSIBLES :

Scénario 1

La Belgique opte pour les nouveaux minima européens, à savoir 5.000.000 € pour le total bilantaire et 10.000.000 € pour le chiffre d’affaires. Si cette option est choisie, cela représenterait une augmentation des seuils de 11,11 % par rapport à la situation actuelle.

Scénario 2

La Belgique applique le même pourcentage d’indexation que celui qui a été décidé par la Commission européenne, à savoir une augmentation de 25% à appliquer aux seuils existants. Une telle approche aurait pour conséquence de porter les nouveaux seuils à 5.625.000 € pour le total bilantaire et 11.250.000 € pour le chiffre d’affaires.

Scénario 3

Le gouvernement opte pour les seuils maxima prévus par la directive européenne, à savoir 7.500.000 € de total bilantaire et 15.000.000 € pour le chiffre d’affaires. Une telle option maximaliste entrainerait une augmentation très importante des seuils de l’ordre de 66,7%.

En tant que représentant de l’Institut des réviseurs d’entreprises, je tiens à rappeler qu’en ce qui concerne les seuils d’audit, notre pays se situe déjà aujourd’hui parmi ceux qui appliquent les seuils les plus élevés.

En effet, sur la base d’une étude effectuée par Accountancy Europe, seuls 4 pays parmi les Etats membres de l’Union européenne ont décidé de seuils d’audit supérieurs aux nôtres.

Par conséquent et étant donné que notre pays est composé essentiellement d’entreprises de taille moyenne disposant d’un actionnariat familial, l’Institut des réviseurs d’entreprises préconise une approche pragmatique et modérée.

Notre préférence se porte donc clairement sur le scénario 1, lequel permettrait de maintenir un niveau de contrôle adéquat au profit de tous les stakeholders (conseil d’administration, assemblée générale, personnel, banquiers, administrations, fournisseurs, etc.) sans perturber trop fortement le marché.

En toute hypothèse, le scénario 3 nous semble devoir être exclu.

Notons encore que, bien que l’UE ne connaisse que les sociétés en matière de droit comptable et ignore le secteur non marchand, le législateur belge a fait le choix en 2019 d’un CSA unique pour toutes les personnes morales de droit privé. Par conséquent, Il serait cohérent de faire évoluer les critères de taille des associations et fondations dans le même sens que ceux retenus pour les sociétés.

IMPACT SUR LES AUDITS DE DURABILITÉ

Les futurs audits de durabilité ne seront obligatoires que pour les grandes entreprises. Or, en ce qui concerne les grandes sociétés, aucune flexibilité n’est laissée aux Etats membres. Les nouveaux seuils de 25.000.000 € de total bilantaire et de 50.000.000 € de chiffre d’affaires devront obligatoirement s’appliquer dès le 1er janvier 2024.

Cette augmentation permettra temporairement à certaines entreprises de ne pas être soumises à ces nouveaux audits de durabilité. Cela leur laissera un peu de temps pour s’adapter à ces nouvelles règles.

L’IRE avait calculé que les nouveaux audits de durabilité s’appliqueraient à environ 2.500 entreprises en Belgique. Suite à la majoration des seuils, notre estimation en sera quelque peur réduite.

CONCLUSION

L’IRE préconise une approche modérée et pragmatique en ce qui concerne la transposition des seuils définissant la taille des sociétés (ainsi que des associations et fondations) en Belgique. L’IRE demande au gouvernement de retenir le scénario 1 selon lequel les « petites sociétés » sont celles dont le total de bilan ne dépasse pas 5.000.000 € et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10.000.000 €.

De cette manière, le contrôle restera adéquat pour tous les stakeholders et le marché ne sera pas fortement perturbé.

Source : Opinion IRE, Marc Bihain, secrétaire général IRE

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