Dans ce nouvel avis publié le 5 juillet 2021, la Commission des Normes Comptables aborde le traitement comptable des indemnités reçues des pouvoirs publics dans le cadre du COVID-19, ainsi que des coûts supportés en raison de cette crise sanitaire (achat de matériel tel que des masques, du gel hydroalcoolique, du plexiglass ; installations audio-visuelles ; réaménagement de la surface de travail, etc.).
Afin de surmonter la crise sanitaire, les entreprises peuvent obtenir, moyennant le respect de certaines conditions, des indemnités des pouvoirs publics2.
La reprise des activités après une période de fermeture obligatoire ou la poursuite des activités en période de confinement implique souvent certains coûts (achat de matériel tel que des masques, du gel hydroalcoolique, du plexiglass, des installations audio-visuelles dans les salles de réunion afin d’organiser des réunions à distance, des dispositifs permettant le réaménagement des surfaces de travail, etc.) afin de respecter les mesures d’hygiène et de limiter la propagation du virus.
Dans le présent avis, la Commission des normes comptables aborde le traitement comptable des indemnités reçues dans le cadre du COVID-19, d’une part, et des coûts supportés en raison de cette crise sanitaire, d’autre part. La Commission fait remarquer que les principes comptables généraux belges3 sont applicables à tout moment et renvoie à l’article 3:10 de l’arrêté royal portant exécution du Code des sociétés et des associations, qui dispose que « les évaluations doivent répondre aux critères de prudence, de sincérité et de bonne foi ». Le présent avis vise donc uniquement l’application de ces principes aux circonstances actuelles, sans y déroger.
Ces indemnités COVID-19 doivent être comptabilisées soit parmi les Produits d’exploitation divers (comptes 743 à 749), soit parmi les Autres produits d’exploitation non récurrents (comptes 764 à 768).4
Exemple 1
Une entreprise obtient d’une entité fédérée (Région flamande, Région bruxelloise ou Région wallonne) une indemnité COVID-19, qui s’élève à 2.000 euros. Au moment de la notification, cette opération est enregistrée de la manière suivante dans la comptabilité de l’entreprise :
416 Créances diverses 2.000
à 743 à 749 Produits d’exploitation divers 2.000
(ou 764 à 768Autres produits d’exploitation non récurrents 2.000)
Afin de respecter les mesures d’hygiène et d’éviter la propagation du virus, les entreprises ont acheté du matériel tel que des masques, du gel hydroalcoolique, du plexiglass, etc.
Ces coûts seront en principe comptabilisés soit sur le compte 61 Services et biens divers, soit sur le compte 664 à 667 Autres charges d’exploitation non récurrentes.5
Etant donné qu’il s’agit souvent d’achats dont les montants ne sont pas significatifs, ceux-ci peuvent directement être pris en charge.
Certaines charges telles que les loyers ainsi que les coûts d’eau, de gaz et d’électricité, étaient, avant la crise sanitaire, considérées comme des charges d’exploitation récurrentes puisqu’elles résultaient de l’activité habituelle de l’entreprise. Toutefois, durant la période de fermeture obligatoire de l’entreprise, celle-ci a dégagé un volume de recettes faible voire nul. De l’avis de la Commission, l’organe d’administration peut décider de considérer exceptionnellement les charges supportées durant cette période de fermeture obligatoire en tant que charges d’exploitation non récurrentes.
Par ailleurs, certaines entreprises ont procédé à des investissements considérables pour s’adapter aux nouvelles conditions de travail (par exemple, la mise en place d’une installation audio-visuelle dans les salles de réunion). Pareilles dépenses significatives pour les entreprises peuvent être portées à l’actif pour autant que les immobilisations concernées servent de façon durable à l’activité de l’entreprise au cours des prochains exercices6.
Sur cette installation, l’organe d’administration établira un plan d’amortissement en vue de répartir le coût d’acquisition de cette immobilisation sur sa durée d’utilité ou d’utilisation probable7.
Exemple 28
Une entreprise installe des caméras dans ses salles de réunion afin d’organiser des réunions à distance avec ses clients et ses collaborateurs en vue de respecter les mesures d’hygiène et de sécurité. Ces investissements sont réalisés dans un but de durabilité. Cette installation9 a coûté 6.250 euros et est comptabilisée comme suit :
2300 Installations, machines et outillage 6.250
à 440 Fournisseurs 6.250
En outre, les entreprises peuvent également encourir des pénalités ou des indemnités comme une indemnité de retard pour non-respect du délai de livraison convenu. Ces pénalités ou indemnités seront comptabilisées à charge du résultat, sur un compte 643 à 648 Charges d’exploitation diverses ou 664 à 667 Autres charges d’exploitation non récurrentes, lors de l’exercice au cours duquel la créance est née.10 Le cas échéant, les pénalités devront être provisionnées.11
En raison de la fermeture obligatoire, il se peut qu’une partie des stocks de certaines entreprises ne puisse plus être utilisée (p. ex. expiration de la date limite de consommation de produits alimentaires). Ceci se traduit par les écritures comptables suivantes :
609/71 Variation des stocks
à 30/31/33/34 Matières premières, approvisionnements et fournitures, produits finis et marchandises : valeur d’acquisition
6310 Réductions de valeur sur stocks : dotations
632 Réductions de valeur sur commandes en cours d’exécution
à 329 En-cours de fabrication : réductions de valeur actées (-)
379 Commandes en cours d’exécution : réductions de valeur actées (-)
Si l’organe d’administration de l’entreprise estime qu’il s’agit de charges non récurrentes, ces charges peuvent être inscrites sur un compte 664 à 667 si nécessaire.
Des réductions de valeur complémentaires sont également actées sur les approvisionnements, les en-cours de fabrication, les produits finis, les marchandises, les immeubles destinés à la vente et les commandes en cours d'exécution, afin de tenir compte soit de l'évolution de leur valeur de réalisation ou de marché, soit des aléas justifiés par la nature des avoirs en cause ou de l'activité exercée.13
Les risques et charges afférents à la poursuite de l'exécution des commandes en cours d'exécution font l'objet de provisions, dans la mesure où ces risques ne sont pas couverts par les réductions de valeur susmentionnées.14
L’obligation temporaire d’interruption des activités a comme conséquence pour certaines entreprises que de nombreuses immobilisations (constructions, machines et matériel nécessaires à l’exercice de leur activité) ne sont plus utilisés durant une période donnée. En gardant à l’esprit le principe de l’image fidèle, une adaptation des règles d’évaluation qui s’appliquent à de telles immobilisations peut s’avérer nécessaire. Il est alors possible que les plans d’amortissement doivent être adaptés15.
La Commission souligne par ailleurs que les charges engagées dans le cadre d'une restructuration peuvent être portées à l'actif s’il s’agit de dépenses nettement circonscrites, relatives à une modification substantielle de la structure ou de l'organisation d’une entreprise et que ces dépenses sont destinées à avoir un impact favorable et durable sur la rentabilité de l’entreprise.16
La Commission a également été interrogée sur les conséquences comptables de l’annulation, en raison de la crise sanitaire actuelle, d'une transaction (réelle) sous-jacente qui transforme l’opération de couverture en une opération spéculative (vu que l'obligation (réelle) sous-jacente de paiement en devises étrangères disparaît).
Dans ce contexte, la Commission renvoie à l’avis CNC 2010/12 - Principes comptables généraux applicables aux instruments financiers dérivés. La Commission y explique que le principe comptable de réalisation (principe de prudence) est censé primer sur le principe de rapprochement (matching), sauf dans le cas particulier de la couverture efficace (ou position fermée), qui a pour objet de neutraliser les variations de prix et/ou de flux financiers17.
Lorsqu'une transaction (réelle) sous-jacente n’a plus lieu en raison de la crise sanitaire actuelle et que l’opération de couverture devient dès lors une opération spéculative, le principe de réalisation devra de nouveau primer sur le principe de rapprochement lors du traitement comptable. De plus, par mesure de prudence, un coût devra être comptabilisé si l’opération spéculative impliquera un coût pour l’entreprise.
1.Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 5 mai 2021 sur le site de la CNC.
2.Les entreprises peuvent obtenir des régions certaines allocations. L’obtention de ces différentes primes dépend du respect de certaines conditions qui varient d’une région à une autre.
3.Notamment les principes de prudence, de rapprochement et de réalisation.
4.Il appartient à l’organe d’administration de déterminer si ces indemnités sont liées à l’activité normale ou à l’activité non récurrente de l’entreprise.
5.Il appartient à l’organe d’administration de déterminer le caractère récurrent ou non de ces charges.
6.Article 2, 4), directive 2013/34/UE : « Aux fins de la présente directive, on entend par : (…) 4) “les actifs immobilisés”, les actifs qui sont destinés à servir de façon durable à l'activité de l'entreprise, (…) ».
7.Article 3:23, AR CSA : « Par “amortissements” on entend les montants pris en charge par le compte de résultats, relatifs aux frais d’établissement et aux immobilisations incorporelles et corporelles dont l’utilisation est limitée dans le temps, en vue soit de répartir le montant de ces frais et le coût d’acquisition, éventuellement réévalué, de ces immobilisation sur leur durée d’utilité ou d’utilisation probable, soit de prendre en charge ces frais et ces coûts au moment où ils sont exposés » ; Voy. également avis CNC 2010/15 – Méthodes d’amortissement, 6 octobre 2010.
8.La Commission fait abstraction de la TVA.
9.L’organe d’administration établira un plan d’amortissement pour cet investissement.
10.Il appartient à l’organe d’administration de déterminer le caractère récurrent ou non de ces charges.
11.Cf. avis CNC 2018/25 – Provisions.
12.Des réductions de valeur complémentaires sont actées pour tenir compte soit de l’évolution de leur valeur de réalisation ou de marché, soit des aléas justifiés par la nature des avoirs en cause ou de l’activité exercée (art. 3:48, alinéa 2, AR CSA).
13.Art. 3:48, alinéa 2, et 3:50, alinéa 2, AR CSA.
14.Art. 3:49, dernier alinéa, AR CSA.
15.Article 3:6, § 1er, alinéa 3, AR CSA. : « Sans préjudice du paragraphe 2, ces règles sont établies et les évaluations sont opérées dans une perspective de continuité des activités de la société, de l'ASBL, de l'AISBL ou de la fondation ».
16.Article 3:36, alinéa 2, AR CSA. La réalisation de ces conditions doit être justifiée dans l'annexe. Dans la mesure où les frais de restructuration consistent en des charges qui relèvent des charges d'exploitation ou des charges financières, leur transfert à l'actif s'opère par déduction globale explicite respectivement du total des charges d'exploitation et des charges financières parmi les règles d'évaluation.
17.Cf. titre II. Classification hiérarchique des principes d’évaluation.
Source : CNC