Intelligence artificielle : et si nous repensions la fiscalité?

​Les avancées fulgurantes de l’intelligence artificielle, survenues quasi au quotidien, ont déclenché une révolution industrielle d’une ampleur sans précédent. Cette révolution, contrairement à celles du passé (pensons à la vapeur, au pétrole, à l’électricité et au nucléaire), a opéré une irruption immédiate et planétaire, remodelant radicalement notre monde. Cette métamorphose affectera en profondeur l’ensemble des paramètres socio-économiques qui sous-tendent notre société.


A qui profite les gains de productivité?

L’une des questions cruciales qui se posent concerne la répartition des gains de productivité, question au cœur de débats qui remontent à loin dans l’histoire. Certains soutiennent que si les gains de productivité sont le fruit des machines, donc des entreprises capitalistiques, souvent détentrices de quasi-monopoles, alors ces gains ne devraient pas nécessairement revenir aux travailleurs, dont une partie voit son rôle remplacé par les machines. Cependant, à l’inverse, si les travailleurs ne bénéficient pas d’une rémunération adéquate, cela menace la demande globale, ce qui aurait des conséquences néfastes tant pour le capital que pour le travail.


De l'équilibre entre capital et travail?

Il est incontestable que l’intelligence artificielle va creuser davantage l’écart entre les revenus des travailleurs et ceux des détenteurs du capital qui en sont les maîtres d’œuvre, renforçant ainsi leur position dominante. Cette tendance s’inscrit parfaitement dans la continuité de l’ascension exponentielle de la capitalisation boursière des géants technologiques, tels que les GAFAM, et d’autres entreprises du secteur. Il est manifeste que dans ce nouveau contexte de globalisation technologique, les pays qui embrasseront le modèle de la “concurrence sociale minimale” ou qui se distingueront par leur avancée technologique sortiront gagnants. Mon sentiment est que la rapidité avec laquelle nous plongeons dans l’univers de l’intelligence artificielle (IA) laisse peu de marge pour l’adaptation aux réalités sociales, ce qui constitue une rupture significative par rapport à l’avènement de l’informatique ou d’Internet.

Bien sûr, chaque révolution industrielle a engendré une adaptation des structures socio-économiques, superposant des innovations aux précédentes. Toutefois, imaginons – même si cela peut sembler dystopique et statique – qu’une gigantesque vague de chômage frappe nos communautés, ne serait-ce que temporairement, en raison de la substitution du travail par des machines. Cette situation poserait la question fondamentale de la signification et de la rémunération du travail. Quels en seraient les aboutissements ?


Vers un capitalisme de coopération?

Le système capitaliste, basé sur l’individualisation de la propriété privée, pourrait être contraint de se transformer en un capitalisme de coopération, voire en une socialisation du capital, adoptant des configurations davantage collectivistes que celles qui ont prévalu au cours des cinquante dernières années. On pourrait envisager un partage des moyens de production, non pas dans le cadre d’une dictature communiste du prolétariat, mais par le biais d’une répartition des biens communs, une idée défendue par l’économiste jésuite français Gaël Giraud (né en 1970). Il s’agit d’envisager une gestion collective de ressources partagées. Cependant, tout cela peut sembler lointain, voire impensable, dans le contexte actuel. Quelles seraient alors les évolutions à envisager à plus court terme ?


Un revenu universel comme solution?

L’instauration d’un revenu universel pourrait être une réponse à une société privée de sa principale source de travail. Ce revenu prendrait la forme d’une allocation destinée à certains secteurs touchés par l’IA, à condition que les individus se recyclent en développant de nouvelles compétences, et que ce processus soit soumis à une fiscalité adéquate. Les cotisations sociales pourraient être prélevées sur les revenus du travail, mais aussi sur les revenus générés par les machines. Cependant, cibler précisément les machines responsables de la destruction d’emplois s’avérerait délicat, étant donné que la plupart d’entre elles appartiennent à des entreprises étrangères échappant aux juridictions fiscales nationales. De plus, il serait nécessaire de repenser la manière de taxer des entreprises telles qu’Amazon, qui démantèlent le commerce de détail tout en profitant des infrastructures publiques (routes, bureaux de poste, etc.) à un coût presque nul. Cette nouvelle réalité fiscale pourrait également conduire à une modulation des prix des biens et services essentiels en fonction des niveaux de revenus.

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