Comme le ridicule d'une erreur associée à une prédiction ne tue pas, je partage mon intuition que Trump va gagner l’élection , malgré les difficultés à imaginer des scénarios dans un système électoral compliqué par l’existence d’un collège de grands électeurs.
Cette intuition est liée au fait que Harris est une candidate de substitution, sans avoir été façonnée par son parti sur le temps long, après quatre ans d'invisibilité comme vice-présidente. Elle a dû élaborer un projet dont beaucoup se demandent pourquoi il n’a pas été mis en œuvre sous sa vice-présidence.
De plus – et c’est frappant – ses publicités télévisuelles et digitales mettent en avant les erreurs de Trump lorsqu’il était président, c’est-à-dire il y a plus de quatre ans. L’eau a coulé sous les ponts. Trump, de son côté, souligne les revirements de Harris sur des points sensibles (le fracking, par exemple) et martèle le combat contre l’inflation qui étrangle les classes vulnérables et moyennes américaines. Celle-ci a atteint 22 % en 4 ans, mais les prix alimentaires ont flambé. Trump connait la maxime : on gagne sur des promesses, par sur un bilan.
Imaginons que Trump soit effectivement élu et qu’il mette en mouvement son programme. Sommes-nous prêts ? Aucunement.
Les États-Unis laisseront l’Europe face à la vulnérabilité d’une guerre ukrainienne qu’ils ne voudront ni ne pourront financer, sauf à le faire contre leur opinion publique et en dépit de leur endettement croissant. Ce sera une paix mal signée, avec un danger russe persistant.
L’isolationnisme américain va pénaliser l’industrie européenne (je rappelle que nous exportons plus que nous n'importons des États-Unis), tandis que les surcapacités de production chinoises vont saper certains secteurs déjà en difficulté, comme l’automobile. Le plan Draghi est une réponse, mais à trop long terme.
Après un probable engouement pour le dollar et la bourse américaine, qui attirera des capitaux étrangers dans un contexte de déréglementation, l’endettement public américain va tellement s’alourdir sous les baisses d’impôts promises par Trump que l’euro deviendra une monnaie trop forte, comme en 2009. La BCE devra alors assouplir sa politique monétaire, mais pourra-t-elle le faire sous influence allemande ? Cette question est d’autant plus cruciale que Trump veut mettre la Federal Reserve sous le contrôle de la Maison-Blanche.
Mais il y a plus important : le climat, qui est, en vérité, un enjeu existentiel. Trump fait le pari faustien d’une croissance économique débridée plutôt que de la planète. Il flotte d’ailleurs un air de désuétude sur les engagements climatiques, qui deviennent incantatoires plutôt qu’opératifs.
Enfin, d’autres questions d’importance cruciale seront débattues : la nature des règles politiques, le respect des femmes et des minorités, la qualification même de la démocratie.
Bref, si mon intuition est correcte, nous ne sommes nulle part.