La Belgique doit-elle continuer à offrir des rémunérations et avantages salariaux attractifs en 2024 ?

À défaut d’une réforme fiscale des revenus du travail, 2024 sera encore l’année des optimisations salariales en tous genres, à n’en pas douter.

Dans une certaine mesure, les responsables des rémunérations et avantages sociaux, de même que les responsables des ressources humaines, semblent vivre une période de rêve avec une variété d'incitants possible qui va bien au-delà de ce que l'on pouvait attendre il y a 15 ou 20 ans.

À côté des "anciennes" incitations (comme les stock-options, le "split" salarial, l'avantage en nature voiture, l'avantage en nature prêt hypothécaire, le mobilier, la pension extra-statutaire, les paiements complémentaires aux prestations de Sécurité sociale, les domestiques et le bonus salarial "renaissant" parfois dans un format plus efficace comme la participation financière), on compte désormais de nombreux avantages "futurs" (comme la crèche, les massages au travail, les plans mobilité, les primes pour frais de garde d’enfants, les cartes essence internationales ou encore les typiquement belges "remboursement de frais forfaitaires").

Confronté à une taxation des rémunérations du cash toujours aussi délirante (la Belgique est top 1 parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques en 2022), tel un peintre, avec une palette de couleurs élargie, on pourrait s'attendre à ce que la tâche de ceux qui gèrent les packages de rémunération soit plus facile qu'auparavant.

D'autant qu'ils peuvent compter sur les "plans cafétéria" qui permettent de proposer une variété d'avantages parmi lesquels les employés peuvent choisir en fonction de leurs besoins et de leurs souhaits, quitte à "convertir" un treizième mois en une série d'"avantages équivalents".

Hélas... La vérité est quelque peu différente.

Alors, oui, les options sont multiples. Mais à quel prix? Au prix d'une gestion complexe entre les diverses dispositions légales qui organisent ces avantages, souvent modifiés par un gouvernement qui ne considère manifestement pas la sécurité juridique comme un élément clé pour les entreprises. Faut-il rappeler la question des droits d’auteur ou du nouveau régime des travailleurs impatriés? Ou encore la "législation sur les normes salariales" toujours en vigueur, même si, dans la pratique, elle est difficilement applicable et contrôlée?

Qui plus est, ces avantages soulèvent diverses questions pratiques et des problèmes d'interprétation qui sont encore plus difficiles à résoudre si l'on tient compte du fait que, la plupart du temps, la Sécurité sociale et les autorités fiscales ne partagent pas les mêmes points de vue et — ce qui est encore plus problématique — ne s'alignent pas toujours sur le législateur ou les tribunaux.

Au sens de la Sécurité sociale...

Ces derniers se révèlent d'ailleurs souvent incohérents dans leur approche, comme l'a encore clairement démontré l'arrêt de la Cour de cassation du 20 mai 2019. Pour rappel, la Cour a étendu la définition de la rémunération au sens de la Sécurité sociale à toute contrepartie du travail, mettant ainsi de côté l'article 2 de la loi du 12 avril 1965, relative à la protection de la rémunération des travailleurs, qui prévoit "les rémunérations en espèces et les avantages appréciables en argent auxquels le travailleur a droit, à charge de son employeur, en raison de son embauche".

À l'exception des prestations qui ne sont pas la contrepartie du travail fourni, les paiements effectués par un tiers sans qu'aucune charge ne soit imputée à l'employeur sont désormais entièrement soumis aux cotisations de Sécurité sociale.

Quant aux "plans cafeteria" qui sont vendus par tous les secrétariats sociaux comme les remèdes ultimes, outre le fait qu'ils portent atteinte à la liberté des salariés de disposer librement de leur salaire — soyons clairs, avec une fiscalité raisonnable, tous les travailleurs préféreraient obtenir du cash à dépenser librement —, ils ne sont couverts par aucune réglementation et soulèvent des questions délicates, comme les problèmes potentiels de discrimination, les arriérés potentiels de pécule de vacances, la question des cotisations sociales potentielles si un avantage est mis en place pour en remplacer un autre. Ne parlons même pas de la difficulté de tout organiser et d'être dépendant de la plateforme du prestataire de services, y compris en termes de conformité RGPD.

Une question d'équilibre

Ajoutons à cela le cauchemar belge des modifications des conditions de travail, certains tribunaux considérant déjà, par exemple, que même les conditions particulières d'un régime d'assurance groupe sont contractuelles et ne peuvent dès lors être modifiées. Il y a également un cas où les employés prétendent que même les conditions d'un plan d'hospitalisation ne peuvent pas être modifiées unilatéralement. Sans parler des difficultés d’intégration des "packages belges" dans les "policy" de groupes internationaux.

Une chose est sûre, comme il y a 20 ans, le choix parmi la grande variété d'avantages extra-légaux sociaux reste une question d'équilibre entre divers facteurs tels que le rapport coût/net, le manque de flexibilité, l'organisation et la gestion peu aisées, l'incertitude juridique...

2024, à défaut d’une réforme fiscale des revenus du travail, sera, à n’en pas douter, encore l’année des optimisations salariales en tous genres dans un contexte de changements et imprécisions législatifs, de contrôles sans cohérence et au fil du délitement de la notion de rémunération tant en matière fiscale qu'à l'égard de la Sécurité sociale.

Cette chronique est également parue dans L'Echo.

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