Les prochaines élections fédérales belges sont cruciales : elles vont définir le projet socio-économique du pays pour une génération, dans un contexte de multiples basculements (guerres, environnement, IA).
Face à ces enjeux, certains partis se sont reformés par une ouverture à la société civile de qualité, d’autres conservent leur socle idéologique, et un autre en a fait un produit de marketing, mais c’est un autre débat.
Ce qui m’interpelle, c’est que, chaque jour un peu plus, le pays n’est plus gouverné selon sa constitution. Une particratie s’est mise en place afin de diluer le parlement, mais aussi le gouvernement, dont les membres ont, pour la plupart, perdu toute autonomie décisionnelle.
Est-ce souhaitable ? Non.
Et c’est même dangereux. Cela signifie qu’une technocratie s’est substituée à la démocratie. C’est d’ailleurs cette dernière qui a contribué à façonner un « cordon sanitaire », ce qui conduit à dire qu’un tiers des électeurs du pays exprimeront un vote non grata, alors que c’est au Parlement que le débat citoyen doit se dérouler, et pas ailleurs.
Cette particratie tend vers une direction consulaire du pays.
C’est illustré par le fait qu’après les élections, le Roi reçoit les présidents de partis, dont certains n’ont pas été élus, plutôt que les représentants des groupes parlementaires élus. De plus, les ministres sont souvent nommés par les présidents de partis en respectant des quotas basés sur des calculs inconnus. La démocratie repose sur le vote et sur le Parlement, mais les véritables dirigeants du pays sont les présidents de partis, choisis exclusivement par leur propre parti. Et certains sont animés d’une incontestable libido dominandi, c’est-à-dire la tentation du pouvoir. Le risque, qui est devenu une réalité, est que le vote d’un adhérent d’un parti compte plus que celui d’un électeur, malgré l’obligation de voter. Ce sont les adhérents des partis qui dirigent le royaume par procuration.
Cette réalité entraîne l’affaiblissement du Parlement dans son initiative autonome. Il suffit de constater les réactions virulentes lorsque l’idée d’une majorité alternative est évoquée, soit une configuration parlementaire qui ne respecte pas les accords négociés au sein du pouvoir exécutif, alors que ce dernier devrait émaner du pouvoir législatif. Le même phénomène se produit lorsqu’on parle de discipline de parti lors des votes au Parlement.
Et que penser des propositions de loi, désormais inexistantes, qui peuvent constitutionnellement émaner du Parlement ?
J’ai parfois la crainte que nous soyons peut-être passés insidieusement d’une démocratie représentative à un régime où le ressenti instantané prime sur la réflexion approfondie, mettant en danger l’idéologie, la technique, la science et la politique dans la gestion d’un pays. La Belgique vaut mieux que cela.