Est-ce la mélancolie d'une ère révolue ?
Un désir insatiable de prospérité ?
L’érosion du modèle socioéconomique post-guerre ?
Ou encore plus alarmant, serions-nous témoins d’une dépression sociale et d'un épuisement économique ?
Depuis bien avant 2008, notre monde avait construit une susceptibilité narcissique. Et puis, sans crier gare, la déception économique est arrivée, implacable. Aujourd'hui, les chocs financiers de 2008 semblent presque ordinaires. Cependant, ils masquent une réalité plus grave : l'absence d'une vision inspirante pour nos communautés et surtout d'un plan de prospérité durable pour les générations futures.
Les jeunes ne comprennent pas pourquoi ils doivent hériter des problèmes que la génération précédente a négligés ou choisis de ne pas résoudre. L'emploi s'amenuise, et ils sont aux prises avec l'idée d'être les débiteurs de dettes, y compris environnementales, contractées par leurs prédécesseurs. Ils prennent conscience de la charge lourde de la dette publique, un poids qu'ils ne souhaitent ni ne pourront effacer. Pire encore, ils perdent confiance. En eux-mêmes et en leur pays.
Au cours des quarante dernières années, quelque chose s'est indéniablement érodé. Mais il y a plus encore. Pas un naufrage, mais plutôt une dérive lente et inévitable. Une mélancolie silencieuse. Une résignation. De nombreux citoyens ressentent ce malaise, mais peu le verbalisent. C'est un sentiment diffus, marqué par l'amertume des gloires passées et l'incompréhension des réalités contemporaines. Une nostalgie pour les années 1960, lorsque les nations européennes promettaient un avenir brillant et l'insouciance du plein-emploi. En quelques décennies, nos communautés ont été radicalement transformées.
Par un choix délibéré ou une acceptation résignée, les solutions collectives ont été délaissées au profit d'une relation individualiste avec l'économie. Comme si l'unité sociale s'était progressivement évanouie, laissant place à une attitude transactionnelle vis-à-vis de l'enrichissement. Telle une alliage qui se désagrège, les classes sociales se sont distinctes et l'individu est devenu plus important que le groupe.
Il y a, bien sûr, des facteurs conjoncturels qui ont favorisé l'expansion de l'économie de marché : l'accessibilité de l'information, la libéralisation mondiale des échanges commerciaux, et plus encore. Mais je soupçonne un autre élément d'une importance capitale : la perte de valeurs universelles qui incitaient à une pensée collective et solidaire. Les États n'ont pas suffisamment promu et incarné un projet sociétal fondé sur la solidarité.