La réforme de la taxe sur les ASBL. Une modification qui n’est pas anodine!

Depuis la loi de 1921 accordant la personnalité juridique aux ASBL, AISBL et fondations privées, celles-ci peuvent détenir un patrimoine de manière illimitée dans le temps. Ces entités peuvent ainsi éviter de payer des impôts sur la transmission des biens.

A titre de contre-mesure, la taxe annuelle dite « compensatoire de droits de successions » fut mise sur pied à l’époque et calculée sur l’ensemble des biens matériels et immatériels dont l’ASBL est propriétaire.

Cette taxe est actuellement calculée au taux de 0.17% sur le montant déclaré et ne concerne que les patrimoines supérieurs à 25.000€. Ce taux de taxation n’a pas été revu depuis 1939.

Il existe quelques exonérations, notamment en ce qui concerne le patrimoine immobilier détenu par les pouvoirs organisateurs (PO) de l’enseignement communautaire ou subventionné quand il est utilisé exclusivement ou principalement dans le cadre de l’enseignement : le local destiné à l’enseignement et mis à disposition des scouts le dimanche n’est pas visé par la taxe. Par contre, le local que le PO met exclusivement à disposition des scouts sans l’utiliser à des fins d’enseignement devra subir la taxe.

Une exonération existe aussi pour les immeubles situés à l’étranger détenus par de telles ASBL ou fondations privées… La justification de cette exonération réside dans la difficulté pour l’Etat Belge de connaître et de vérifier la valeur de ces immeubles quand ils ne sont pas situés en Belgique. Cette justification n’a pas convaincu notre Cour constitutionnelle qui, en 2020, a estimé cette exonération discriminatoire : comment justifier en effet qu’une fondation qui détient des immeubles à l’étranger ne paye pas la taxe sur leur valeur mais bien sur les immeubles situés en Belgique ?

Le projet

Cette taxe est sur la table de travail du gouvernement qui entend apparemment la réviser comme suit :

  • Aucune taxation pour le patrimoine inférieur à 50.000 € ;
  • de 50.000 € à 250.000 € : le taux serait réduit à 0,15% ;
  • de 250.000 à 500.000 € : 0,30%
  • 0,45% au-delà.

La réforme envisage également l’extension de l’exonération déjà prévue pour les écoles et une compensation ou exonération pour les établissements de soin de santé. La définition de tels établissements n’est pas encore déterminée ni le mécanisme à mettre en place pour éviter un impact trop important de la réforme sur ces derniers. Concernant les écoles, on peut cependant déjà considérer par exemple que le local appartenant au PO et mis à disposition exclusivement des scouts en serait exonéré.

Les taux de cette taxe ne paraissent pas prohibitifs et on pourrait penser que l’augmentation ne sera que symbolique mais quand ils s’appliquent aux associations qui ont un patrimoine immobilier important, telles que hôpitaux ou maisons de repos… la taxe devient vite significative.

Un exemple ?

Soit une ASBL dont l’objet est l’accueil de personnes porteuses d’un handicap.

Cette ASBL a acquis un immeuble suffisamment spacieux pour accueillir ses résidents dont on peut estimer raisonnablement qu’il ait une valeur d’1,5 million d’euros. L’ASBL détient par ailleurs un patrimoine mobilier de 200.000 €.

Aujourd’hui, la taxe s’élève à 2.847,5€. Après la réforme, elle s’élèverait à 6.450 €. Ce type d’ASBL rogne déjà sur ses dépenses et chaque petit don reçu est investi au bénéfice de ses résidents : travaux de rénovation, matériel divers ou salaires qui ont été indexés ce qui impacte déjà la trésorerie de ces ASBL. Qui a déjà assisté à un évènement caritatif au profit d’une telle ASBL mesurera facilement l’énergie nécessaire pour récolter les 3.800 € de différence !

En définitive, les ASBL qui bénéficieront de la réforme sont celles qui ont un patrimoine très restreint. De très nombreuses ASBL ont besoin d’infrastructures immobilières réduites, de sorte qu’elles seront en effet peu impactées par le projet. Pour les autres, dont celles qui ne peuvent se passer de structures immobilières importantes, l’augmentation probable est une mauvaise nouvelle.

On ne peut qu’espérer que l’exonération envisagée des immeubles détenus par les établissements de soins de santé concerne de manière effective les immeubles détenus par des ASBL dont l’objet est d’accueillir des personnes démunies ou en état de faiblesse. Dès lors que des immeubles permettent de remplir un objet similaire, le soin aux personnes, il paraît de bonne politique et de saine gestion d’œuvrer pour que cet objet social soit optimalisé.


Cet article est également paru dans La Libre Eco.

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