Être administrateur d’une personne morale est loin d’être une fonction sans obligation. Il existe divers cas de responsabilité d’un administrateur. La matière a par ailleurs évolué avec l’entrée en vigueur du Code des sociétés et des associations (en abrégé CSA) le 1er mai 2019.
Cette brève a pour objet de présenter les actions les plus courantes en matière de responsabilité des administrateurs de sociétés et plus particulièrement de la SA et de la SRL. On notera que les principes généraux qui régissent la responsabilité des administrateurs ont été intégrés dans la partie consacrée aux dispositions communes aux personnes morales visées par le Code, et ont donc vocation à s’appliquer notamment aux associations et fondations (articles 2:56 et suivants du CSA).
Dispositions générales du CSA
Le régime commun de la responsabilité des administrateurs est prévu aux articles 2:56 et suivants du CSA.
Le nouveau code confirme tout d’abord le « principe de l’appréciation marginale », principe qui était déjà fréquemment utilisé par les cours et tribunaux pour apprécier la responsabilité des administrateurs (art. 2:56, al.1).
Les administrateurs, délégués à la gestion journalière, et toutes les autres personnes qui détiennent ou ont détenu le pouvoir de gérer effectivement la personne morale, sont responsables envers elle des « fautes commises dans l'accomplissement de leur mission ». Il en va de même envers les tiers pour autant que la faute commise présente un caractère extracontractuel.
Le juge procédera donc à un contrôle marginal de la faute sur base de ce qui excède manifestement la marge dans laquelle des administrateurs normalement prudents et diligents placés dans les mêmes circonstances se seraient comportés. Ce contrôle marginal ne s’appliquera pas lorsque la loi, les statuts ou une autre norme, prescrivent un comportement déterminé.
Une appréciation marginale évite une immixtion trop importante du juge dans l’appréciation de la décision prise.
Le CSA élargit également les cas de responsabilité solidaire des administrateurs. Désormais, lorsque l’organe d’administration forme un collège, les administrateurs de droit et de fait seront solidairement responsables des décisions et des manquements de ce collège (art. 2:56, al.2 du CSA).
La responsabilité solidaire des administrateurs, lorsqu’ils forment un collège, devient donc le principe alors qu’auparavant, la solidarité était limitée par les articles 263 et 528 du Code des sociétés aux infractions commises aux dispositions du Code ou des statuts.
Même si l'organe d'administration ne forme pas un collège, ses membres répondent solidairement tant envers la personne morale qu'envers les tiers, de tout dommage résultant d'infractions aux dispositions du CSA ou aux statuts de cette personne morale (art. 2:56, al.3 du CSA).
Le CSA innove également en prévoyant désormais que pour pouvoir échapper à cette solidarité, l’administrateur doit ne pas avoir pris part à la faute et avoir dénoncé celle-ci à tous les autres membres de l’organe d’administration (art. 2:56, al.4). Auparavant, le Code des sociétés prévoyait que cette dénonciation devait se faire à l’assemblée générale. Le législateur a considéré que cette condition était trop stricte en ce qu’elle mettait l’administrateur membre d’un organe collégial en porte-à-faux quant à ses collègues face aux actionnaires.
Classiquement décidée lors de l’assemblée générale ordinaire qui approuve les comptes annuels, le rôle de la décharge accordée par les actionnaires est également important à mentionner en l’espèce. En effet, si elle est accordée valablement par l’assemblée générale, cela signifie que la société reconnait que les administrateurs ont effectué leur mandat correctement. Dans ce cas, la personne morale ne pourra plus intenter une action en responsabilité contractuelle pour faute de gestion.
Une autre nouveauté du CSA méritant d’être signalée est le fait qu’il prévoit en son article 2:57 un plafond à la responsabilité des administrateurs, des délégués à la gestion journalière, et de toutes les autres personnes qui détiennent ou ont détenu le pouvoir de gérer effectivement la personne morale. Nous nous référons à cet égard à notre brève dédiée aux nouveautés apportées par le CSA en matière de responsabilité des administrateurs.
En matière de prescription, le CSA prévoit un délai maximal de cinq ans pour engager une action en responsabilité (2:153, §1er). Ces cinq ans commencent à courir à partir des faits, sauf s’ils ont été celés par dol. Dans ce dernier cas, les cinq ans commenceront à courir à partir de la découverte de ces faits.
Même si l'organe d'administration ne forme pas un collège, ses membres répondent solidairement tant envers la personne morale qu'envers les tiers, de tout dommage résultant d'infractions aux dispositions du CSA ou aux statuts de cette personne morale (art. 2:56, al.3 du CSA).
Le CSA innove également en prévoyant désormais que pour pouvoir échapper à cette solidarité, l’administrateur doit ne pas avoir pris part à la faute et avoir dénoncé celle-ci à tous les autres membres de l’organe d’administration (art. 2:56, al.4). Auparavant, le Code des sociétés prévoyait que cette dénonciation devait se faire à l’assemblée générale. Le législateur a considéré que cette condition était trop stricte en ce qu’elle mettait l’administrateur membre d’un organe collégial en porte-à-faux quant à ses collègues face aux actionnaires.
Classiquement décidée lors de l’assemblée générale ordinaire qui approuve les comptes annuels, le rôle de la décharge accordée par les actionnaires est également important à mentionner en l’espèce. En effet, si elle est accordée valablement par l’assemblée générale, cela signifie que la société reconnait que les administrateurs ont effectué leur mandat correctement. Dans ce cas, la personne morale ne pourra plus intenter une action en responsabilité contractuelle pour faute de gestion.
Une autre nouveauté du CSA méritant d’être signalée est le fait qu’il prévoit en son article 2:57 un plafond à la responsabilité des administrateurs, des délégués à la gestion journalière, et de toutes les autres personnes qui détiennent ou ont détenu le pouvoir de gérer effectivement la personne morale. Nous nous référons à cet égard à notre brève dédiée aux nouveautés apportées par le CSA en matière de responsabilité des administrateurs.
En matière de prescription, le CSA prévoit un délai maximal de cinq ans pour engager une action en responsabilité (2:153, §1er). Ces cinq ans commencent à courir à partir des faits, sauf s’ils ont été celés par dol. Dans ce dernier cas, les cinq ans commenceront à courir à partir de la découverte de ces faits.
Cas spécifiques de responsabilité
Il existe de nombreux cas spécifiques de responsabilité des administrateurs. Dans le cadre de cet article, il ne nous est pas possible de les aborder tous en détails. Nous revenons ci-dessous sur les cas les plus fréquents.
L’exemple le plus connu de responsabilité des fondateurs est certainement celui de la responsabilité pour insuffisance de capitaux propres de départ (ou de capital pour la SA) en cas de faillite survenant dans les trois premières années d’existence de la société (5:16,2° et 7:18,2° du CSA). Avec la disparition en SRL de la notion de capital et avec elle de celle de capital minimum, l’élaboration sérieuse et préalable d’un plan financier sera déterminante.
D’autres éléments doivent être pris en compte à la création de la personne morale pour éviter une mise en cause de la responsabilité en tant que fondateur. Parmi ceux-ci, le fait d’inclure les bonnes mentions dans l’acte constitutif ou de ne pas surévaluer manifestement les apports en nature (voy. 5:16,1°). Un respect scrupuleux des règles en matière de souscription et libération effective des actions sera également à observer car leur méconnaissance pourrait entrainer la responsabilité solidaire des fondateurs envers tout intéressé (voy. 5:15 et 7:17).
Les administrateurs seront personnellement et solidairement responsables du préjudice subi par la société ou par les tiers à la suite d’une décision prise ou d’une opération accomplie s’il s’avère que celle-ci a procuré à l’un d’eux un avantage financier abusif au détriment de la société, et ce même si la procédure de conflit d’intérêts a été respectée. Il conviendra donc d’être particulièrement attentif, en veillant si nécessaire à se désolidariser de la décision prise. Il va de soi que si la procédure de conflit d’intérêts n’est pas respectée, la responsabilité des administrateurs sera d’autant plus aisée à démontrer.
L’article 5:144 du CSA prévoit la responsabilité des administrateurs en cas de méconnaissance des dispositions légales pour la distribution de résultats.
La mise en cause de l’organe d’administration d’une SRL pourra être envisagée s’il est établi que les administrateurs savaient ou auraient dû savoir qu’à la suite de la distribution de résultats, la société ne serait manifestement plus en mesure de s’acquitter de ses dettes au fur et à mesure de leur échéance pendant une période d’au moins douze mois à compter de la date de la distribution (5:144, voy à ce sujet les règles de 5:143).
Les administrateurs sont solidairement responsables de tous dommages qui résulteraient du non-respect de ces règles envers la société mais également envers les tiers.
Les administrateurs devront notamment justifier leur décision de distribuer les résultats dans un rapport qui ne devra pas être déposé.
L’organe d’administration a l’obligation d’établir les comptes annuels dans les formes légales et de les soumettre aux actionnaires. L’absence de soumission dans les 6 mois après la clôture de l’exercice constitue une faute. Il devra ensuite les déposer à la Banque nationale. L’éventuel dommage subi par les tiers sera présumé résulter de ces omissions.
Il existe une présomption de responsabilité pour le dommage subi par les tiers si l’organe d’administration ne convoque pas une assemblée générale qui devra se tenir dans les deux mois dès qu’un cas nécessitant la procédure dite de la « sonnette d’alarme » se présente.
Une telle procédure doit être mise en œuvre lorsque l’actif net risque de devenir ou est devenu négatif pour les SRL. Il en ira de même si la société n’est plus en mesure de s’acquitter de ses dettes au fur et à mesure de leur échéance pendant au moins les douze mois suivants. En ce qui concerne les SA, une telle réunion est nécessaire lorsque l’actif net est réduit à un montant inférieur à au moins la moitié du capital.
Suivant les articles 5:138, les membres du conseil d’administration d’une SRL sont tenus solidairement envers les intéressés des actions qui n’ont pas été valablement souscrites, de la libération effective desdites actions et de la libération des actions souscrites, directement ou au moyen de certificats, en violation du CSA.
Pour les SA, l’article 7:205 précise que les membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance sont tenus solidairement (et l'administrateur unique est tenu envers les intéressés) de toute la partie de l'augmentation du capital qui ne serait pas valablement souscrite. Il existe une responsabilité complémentaire quant à la libération effective jusqu’à concurrence d’un quart des actions et à la libération effective dans un délai de cinq ans des actions correspondant en tout ou en partie à des apports en nature (7:205, 2°). Ils sont également responsables de la libération effective des actions souscrites qui ne l’auraient pas été en violation de l’article 7:182.
Il existe également une responsabilité solidaire envers les intéressés du préjudice qui est une suite immédiate et directe soit de l’absence ou de la fausseté des mentions prescrites par le CSA, soit de la surévaluation manifeste des apports en nature (5:139, et 7:206).
Les éventuels mandataires sont également responsables tout comme les membres de l’organe d’administration, des engagements pris si le nom des mandants n’est pas mentionné dans l’acte ou si le mandat produit n’est pas valable.
Attention, ces actions ne pourront pas bénéficier des plafonds de responsabilité de l’article 2:57 du CSA.
L’article 51 du Code du recouvrement prévoit que « le ou les dirigeants de la société ou de la personne morale chargés de la gestion journalière de la société ou de la personne morale sont solidairement responsables du paiement du précompte professionnel ou de la taxe sur la valeur ajoutée si le manquement est imputable à une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, qu'ils ont commise dans la gestion de la société ou de la personne morale. Cette responsabilité solidaire peut être étendue aux autres dirigeants de fait ou de droit de la société ou de la personne morale lorsqu'une faute ayant contribué au manquement visé à l'alinéa 1er est établie dans leur chef ».
A noter qu’une telle procédure ne pourra être introduite qu’après l’expiration d’un délai d’un mois suite à l’envoi d’une mise en demeure.
Cette responsabilité solidaire n’est pas couverte par les plafonds de responsabilité.
Une telle action ne peut être intentée qu’en cas de faillite de la société et d’insuffisance d’actif. Le montant de l’insuffisance n’est déterminé qu’à la clôture de la faillite, mais il suffit que le principe même de l’insuffisance soit acquis pour introduire l’action en comblement de passif.
Cette action peut être dirigée contre tout administrateur de droit ou de fait. Elle peut être exercée tant par le curateur que par un créancier lésé (mais ce dernier doit d’abord avoir sommé le curateur d’introduire une telle action).
Il faut établir l’existence d’une faute grave (la faute qu’un dirigeant raisonnablement prudent et diligent n’aurait pas commise) et caractérisée (il faut que l’acte incriminé soit perçu comme gravement fautif pour tout homme raisonnable). Pour que l’action en comblement de passif puisse aboutir, il n’est pas nécessaire que la faute grave et caractérisée soit la cause du dommage dont on poursuit la réparation, mais il suffit qu’elle ait contribué à la faillite.
En cas de diminution ou d’absence d’actif, l’indemnisation est répartie proportionnellement entre les créanciers en respectant les causes légitimes de préférence. En cas d’aggravation du passif, l’indemnisation est répartie proportionnellement entre tous les créanciers sans tenir compte des causes légitimes de préférence.
Une telle action ne sera pas dirigée contre les administrateurs d'une entreprise en faillite qui a réalisé au cours des trois exercices qui précèdent la faillite ou au cours de tous les exercices si l'entreprise a été constituée depuis moins de trois ans, un chiffre d'affaires moyen inférieur à 620.000 euros hors taxe sur la valeur ajoutée et lorsque le total du bilan du dernier exercice n'a pas dépassé 370.000 euros.
A noter que le plafond de responsabilité prévu à l’article 2:57 du CSA s’appliquera en principe en cas de mise en cause de la responsabilité sur base de cet article. Cette action n’est en effet pas reprise en tant que telle dans la liste des exceptions de l’article 2:57, §3, particulièrement en son 4°, à l’inverse de l’action découlant de l’article XX.226 du CDE. Cependant, certains auteurs estiment que le plafond ne s’appliquera pas en raison du fait qu’une faute grave est nécessaire pour engager cette responsabilité, et qu’une telle composante est exclue du plafond sur base de 2:57, §3, 1°.
En cas de faillite, l’ONSS ou le curateur peut également tenir les administrateurs, délégués à la gestion journalière, membre du comité de direction ou du conseil de surveillance, actuels ou anciens, et toutes les autres personnes qui ont effectivement détenu le pouvoir de diriger l’entreprise, comme étant personnellement et solidairement responsables pour la totalité ou une partie des cotisations sociales, si dans une période de cinq ans avant la faillite, ils ont été impliqués, en tant que dirigeant, dans au moins deux faillites ou liquidations d’entreprises à l’occasion desquelles des dettes de sécurité sociale n’ont pas été honorées.
Cette action ne pourra pas bénéficier des plafonds de responsabilité.
En cas de faillite d'une entreprise et d'insuffisance d'actif, les administrateurs, gérants, délégués à la gestion journalière, membres du comité de direction ou du Conseil de surveillance, actuels ou anciens, et toutes les autres personnes qui ont effectivement détenu le pouvoir de diriger l'entreprise ayant poursuivi de manière fautive une activité déficitaire peuvent être déclarés personnellement, avec ou sans solidarité, obligés de tout ou partie des dettes de la masse si :
- Avant la faillite, ce dirigeant savait ou devait savoir qu’il n’y avait manifestement pas de perspective raisonnable pour préserver l’entreprise ou ses activités et éviter une faillite ;
- Et si cette personne à ce moment n’a pas agi comme l’aurait fait un administrateur normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.
Cette action relève de la compétence du curateur.
A noter que le plafond de responsabilité prévu à l’article 2:57 du CSA s’appliquera en principe en cas de mise en cause de la responsabilité sur base de cet article. Comme l’article XX.225, XX.227 n’est pas visé expressément par la liste des exceptions au plafond de l’article 5:57, §3. Cependant, pour qu’une telle responsabilité soit engagée il faut notamment « poursuivre fautivement une activité déficitaire ». Une telle poursuite pourrait également entrainer l’absence de plafond sur base de l’exclusion de l’article 2:57, §3, 1°, qui précise que la limite ne s’applique pas « en cas de faute légère présentant dans leur chef un caractère habituel plutôt qu'accidentel, de faute grave, d'intention frauduleuse ou à dessein de nuire dans le chef de la personne responsable ».
Conclusion
L’entrée en vigueur du nouveau CSA a modifié considérablement le droit des sociétés. Il convient donc d’être attentif aux éventuelles modifications et précisions opérées à cette occasion.
Ceci est d’autant plus important que le CSA a supprimé la possibilité pour la personne morale d’exonérer par avance ou garantir les membres de l’organe d’administration ou le délégué à la gestion journalière de leur responsabilité envers la société ou les tiers (2:58 du CSA). Cette règle est impérative et s’applique donc à toutes sociétés depuis le 1er janvier 2020. Toute disposition statutaire, clause contractuelle, engagement unilatéral contraire serait réputé non-écrit.
A noter toutefois que la société peut en revanche toujours souscrire une assurance à ses frais auprès d’une compagnie d’assurance pour couvrir la responsabilité de ses dirigeants.
Le respect de ces règles, mises à jour, est donc nécessaire à la bonne gestion d’une personne morale.
Source: Lenoir et Associés, Avocats, publié le 23/08/21 par azko