En effet, en vertu de l’article 15, §1er de la Convention préventive de double imposition conclue entre la Belgique et le Luxembourg, les rémunérations qu’un résident, de l’un des deux États contractants, reçoit au titre d’un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’emploi ne soit exercé dans l’autre État contractant.
En d’autres termes, les rémunérations perçues par un résident belge pour un emploi qu’il preste au Luxembourg sont soumises à la fiscalité luxembourgeoise et ne sont pas imposables en Belgique. Les mots « à moins que l’emploi ne soit exercé dans l’autre Etat contractant » doivent être interprétés au regard du critère de la présence physique du travailleur sur le territoire luxembourgeois lorsqu’il exerce l’activité.
Fort heureusement, les Gouvernements belges et luxembourgeois ont conclu un Accord amiable le 16 mars 2015 autorisant une dérogation à cette règle et permettant à ces travailleurs de prester leur activité au maximum 24 jours en dehors du Luxembourg, c’est-à-dire en Belgique ou ailleurs, sans pour autant être impactés fiscalement sur les revenus perçus durant ces jours. Cet accord a effet rétroactif au 1er janvier 2015.
Afin de calculer le quantum de 24 jours, une Circulaire administrative (AGFisc N° 22/2015 (n° Ci.700.520)) du 1er juin 2015 précise qu’une fraction de journée est suffisante pour être comptabilisée comme un jour entier, peu importe le temps effectivement passé dans l’état concerné. En d’autres termes, un travailleur belge qui presterait deux heures en Belgique et six heures au Luxembourg se verra comptabiliser ce jour dans le quantum des 24 jours à ne pas dépasser pour être totalement imposé au Luxembourg.
Par ailleurs, un travailleur belge qui travaillerait trois heures en Belgique, trois heures au Pays-Bas et une heure en Allemagne au cours de la même journée se verra comptabiliser une seule journée pour le quantum des 24 jours. Il convient donc de calculer ce quantum sur une période de 24 heures : tout travail presté en dehors du Luxembourg, sans égard au temps effectif passé en dehors du Luxembourg, sur une période de 24 heures, vaudra une journée de travail, que cela soit 15 minutes, ou 10 heures d’affilées. Cela vaut tant pour le travail productif que pour les formations, ou autres cas de figure « non-productifs ».
Cette méthode de calcul est interprétée de manière stricte.
Par contre, la circulaire précise qu’un travailleur qui consulterait ses messages depuis son domicile avant d’aller au travail n’est pas considéré comme « exerçant son activité » depuis la Belgique. Elle précise également que les week-ends, jours fériés, les périodes de vacances, les cas de force majeure, etc. ne sont pas compris dans le quantum des 24 jours.
La pandémie Covid-19 a fait renaitre ces questions au regard du télétravail, au départ imposé par le gouvernement, et ensuite devenu courant dans de nombreuses entreprises.
Le 20 octobre 2022, un avant-projet de loi du 31 août 2021 portant assentiment d’un avenant à la Convention préventive de double imposition a été approuvé par le Conseil des ministres et a pour conséquence d’augmenter ce nombre de jours à 34 jours par an. Cette tolérance est à appliquer rétroactivement au 1er janvier 2022 et concernera donc les rémunérations perçues en 2022 (déclaration 2023).
Ceci constitue une amélioration appréciable mais n’est à notre avis pas suffisant afin de correspondre à la réalité « post-covid ».
Différentes études ont démontré les avantages liés au télétravail (autonomie, flexibilité, meilleure conciliation vie privée – vie professionnelle), en tout cas pour les activités professionnelles « de bureau ». Le télétravail structurel (2 ou 3 jours par semaine) a donc été implémenté dans le monde économique d’aujourd’hui, laissé très souvent au libre choix du travailleur.
La règle de tolérance des 34 jours constitue certes une amélioration à cet égard mais pourrait selon nous freiner les ressortissants belges à travailler au Luxembourg et constituer une violation au principe européen de la libre circulation des travailleurs. Le nombre de jours « tolérés » pourrait être augmenté ou le critère de présence physique modifié ou supprimé.
Il est évident que cette règle était plus adéquate avant la digitalisation du monde économique et la pandémie Covid-19, lorsque le télétravail représentait encore une exception dans le monde du travail.
Un assouplissement des règles en la matière semble essentiel et nécessaire afin de respecter le principe européen de libre circulation des travailleurs et de s’adapter au monde économique et social actuel.
Source : Afschrift, Tax & Legal, publications, 21 novembre 2022