La question de savoir si les indemnités de résiliation payées à un entrepreneur sont soumises à la TVA a récemment été tranchée par la Cour européenne de justice (CJUE) dans un arrêt du 28 novembre 2024 (affaire C-622/23, rhtb : projekt gmbh). Cette décision clarifie un point essentiel en matière de fiscalité et de contrats de prestation de services, avec des implications importantes pour les entrepreneurs et les entreprises en général.
Dans l’affaire en question, un entrepreneur (rhtb) avait été choisi par un maître d'ouvrage pour réaliser un projet immobilier. Cependant, après seulement deux mois de travail, le maître d'ouvrage a décidé de résilier le contrat, préférant un autre entrepreneur à moindre coût. En vertu du droit civil autrichien, rhtb a réclamé une indemnité de résiliation, calculée en fonction de la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait terminé les travaux, déduction faite des frais économisés du fait de la résiliation anticipée.
L'entrepreneur a appliqué la TVA sur l'indemnité de résiliation, mais cette question a été soumise à la Cour suprême autrichienne, qui a demandé si une telle indemnité pouvait effectivement être soumise à la TVA. La Cour de justice européenne a répondu par l'affirmative, en se basant sur sa jurisprudence antérieure concernant les contrats de prestation de services.
En effet, la Cour a rappelé que les indemnités de résiliation ne sont pas simplement des compensations pour un préjudice subi, mais font partie intégrante du prix de la prestation de services. Peu importe que le service ne soit pas entièrement réalisé, tant que le lien entre le service initialement prévu et la contrepartie versée par le client demeure. En d'autres termes, même si une partie des travaux n'est pas effectuée, la rémunération versée au prestataire (y compris l'indemnité de résiliation) est une contrepartie pour une prestation de services, et donc soumise à la TVA.
La Cour européenne de justice a pris soin de rappeler des précédents importants pour étayer sa décision. Dans des affaires antérieures (comme celles concernant les contrats de télécommunications, de vente de billets d’avion ou même les indemnités de résiliation anticipée dans les contrats de services), elle a jugé que les montants versés, même en cas de résiliation anticipée, restent soumis à la TVA dès lors qu’ils constituent une contrepartie pour des services qui auraient été fournis ou qui étaient prévus dans le cadre du contrat.
La Cour a notamment cité une affaire concernant un contrat de télécommunications, dans laquelle un client payait une somme pour pouvoir accéder à un service, indépendamment du fait qu’il l’utilise réellement. Même en cas de résiliation anticipée du contrat, la TVA s’appliquait. De même, dans le cas de la vente de billets d’avion, même si le passager ne se présente pas, la TVA reste applicable car il a acquis un droit à un service qui pourrait être utilisé.
Cette clarification de la CJUE a des conséquences pratiques non seulement pour les entrepreneurs du secteur de la construction, mais aussi pour tous les prestataires de services. Elle met en lumière l'importance de considérer la nature de la rémunération dans un contrat de service, même en cas de résiliation anticipée.
Pour les entrepreneurs et entreprises qui sont confrontés à des résiliations de contrats ou qui envisagent d’imposer des indemnités de résiliation, cette décision indique qu'il est essentiel de bien intégrer la TVA dans le calcul des indemnités réclamées. Cette règle pourrait s'appliquer dans de nombreux secteurs, de la construction à la prestation de services divers, en passant par les contrats de longue durée comme ceux dans le secteur des télécommunications.
L'arrêt du 28 novembre 2024 rappelle que la TVA ne s’applique pas seulement aux paiements effectués pour des services réellement rendus, mais aussi à ceux qui sont destinés à compenser la résiliation anticipée d’un contrat, dès lors qu’ils constituent une contrepartie à une prestation de services. Les entreprises doivent être conscientes de cette règle pour éviter toute mauvaise gestion fiscale et pour assurer la conformité avec la législation européenne.
Cette décision vient renforcer la nécessité d’une approche prudente et informée dans la gestion des contrats et des indemnités, en particulier lorsqu’il s’agit de contrats résiliés prématurément. La TVA, dans ces situations, n’est pas à négliger et mérite une attention particulière.