La Wallonie prendrait-elle un tournant a 180°?

1. Élections du 9 juin 2024.

Depuis la sortie des urnes des dernières élections européennes, fédérales et régionales, la Wallonie a pris de court les observateurs en changeant drastiquement de cap quant à la politique à mener. En effet, depuis lors, un Gouvernement wallon a été érigé à l’initiative du Mouvement Réformateur et des Engagés, la coalition Azur.

Le 11 juillet 2024, les partenaires de cette nouvelle majorité exposait, dans la traditionnelle Déclaration de politique régionale du nouveau Gouvernement, la vision qu’ils comptent imprégner dans le paysage politique wallon.

Dès lors que la Région wallonne dispose de compétences fiscales, notamment en matière de droits d’enregistrement (comme en matière de droits de vente ou de droits de donation) ou de droits de succession, c’est l’occasion de faire le point sur les réformes fiscales envisagées en ces matières.


2. Droits d’enregistrement.

Le politique souhaite en ce domaine encourager davantage l’accès à la propriété par une modernisation de la fiscalité liée à l’acquisition d’une résidence principale.

Pour rappel, actuellement, tout primo-acquéreur rentrant dans les conditions dudit régime bénéficie actuellement d’un abattement de 20.000 EUR, lorsque la base imposable du bien acquis excède 500.000 EUR, à 40.000 EUR, lorsque la base imposable est inférieure ou égale à 350.000 EUR étant entendu qu’entre 350.000 EUR et 500.000 EUR l’abattement supplémentaire de 20.000 EUR est proratisé.

Dans le cadre d’une réforme qui serait vouée à entrer en vigueur le 1er janvier 2025, la Région wallonne envisage de remplacer l’abattement précité de même que le chèque habitat par une réduction du taux d’imposition. Concrètement, le taux des droits de mutation de biens immeubles ne serait plus de 12,5 % mais de 3% lorsque l’habitation acquise est destinée à devenir la résidence principale des acquéreurs.

Si l’on prend un exemple d’un couple qui achète une maison bâtie de 500.000 EUR en Région wallonne avant la réforme, celui-ci aurait été redevable de 60.000 EUR droits d’enregistrement (soit 12,5 % de (500.000 EUR – 20.000 EUR)). A l’issue de la réforme projetée, ceux-ci ne payeraient alors que 15.000 EUR, soit une économie substantielle de 45.000 EUR.

Si l’on compare la réforme envisagée avec les mesures fiscales applicables dans les autres Régions, l’on pourrait synthétiser comme suit la situation à l’avenir :


Région wallonne

Région bruxelloise

Région flamande

Mesures fiscales en faveur des primo-acquérant

Avant réforme :

Abattement de 20.000 EUR si la valeur vénale est de plus de 500.000 EUR

Abattement de 40.000 EUR si la valeur vénale est de 350.000 EUR

Abattement entre 20.000 EUR et 40.000 EUR si la valeur vénale est entre 350.000 EUR et 500.000 EUR.

Après réforme (1er janvier 2025 a priori) :

Taux réduit de 3 % au lieu de 12,5 %.

Depuis le 1er avril 2023 :

Aucun abattement si la valeur vénale de l’habitation est de plus de 600.000 EUR.

Abattement de 200.000 EUR si la valeur vénale de l’habitation est de moins de 600.000 EUR.

Depuis le 1er janvier 2022 :

Taux réduit de 3 %.

Coût in casu pour le couple de notre exemple

Avant réforme : 60.000 EUR.

Après réforme : 15.000 EUR.

Depuis le 1er avril 2023 : 37.500 EUR (soit 12,5% de (500.000 EUR – 200.000 EUR)).

Depuis le 1er janvier 2022 : 15.000 EUR.

Candidats à l’achat de votre résidence principale en Région wallonne, n’hésitez donc pas à prendre le temps en vue de réaliser votre acquisition en 2025 !


3. Droits de donation.

Si initialement rien n’était évoqué en matière de tarifs de droits de donation, dans un communiqué du Gouvernement wallon du 12 septembre 2024, il a également été précisé qu’il était question de les réformer en matière de donations immobilières.

Le législateur entend effectivement alléger la pression fiscale en réduisant drastiquement (jusque par deux !) les taux applicables en cas de donations immobilières, quel que soit le lien de parenté.

Pour n’évoquer que la modification envisage du taux applicable en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux, voici comment s’envisage les taux qui devraient entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2028 en principe :

De

Jusqu’à

Taux actuels

Taux futurs

- EUR

150 000 EUR

3 %

3 %

150 000 EUR

250 000 EUR

9 %

6 %

250 000 EUR

450 000 EUR

18 %

10 %

Au-delà de 450 000 EUR

27 %

14 %

Par ailleurs, au sein de la déclaration de politique régionale, diverses autres mesures envisagées sont également à épingler en matière de droits de donation :

  • L’assimilation des enfants des cohabitants légaux aux enfants biologiques élargies à tous les degrés (notamment pour permettre aux petits-enfants des cohabitants légaux de bénéficier des tarifs en ligne directe) * ;
  • L’assimilation des enfants en famille d’accueil aux enfants biologiques * ;
  • L’assimilation des cohabitants de fait aux cohabitants légaux sera quant à elle une piste à l’étude * .

* Mesure également applicable en matière de droits de succession.


4. Droits de succession.

En ce qui concerne la « taxe sur la mort », l’objectif du nouveau Gouvernement wallon est de réformer en profondeur cet impôt. Les mesures y relatives ne seraient toutefois implémentées qu’à la suite de la reprise effective de la perception de cet impôt – actuellement aux mains du fédéral – par la Région wallonne, laquelle interviendrait officiellement le 1er janvier 2025 mais ne serait effective que deux à trois années plus tard, soit en 2027 ou 2028 au plus tôt.

Malgré l’étalement dans le temps du calendrier des réformes en cette matière, l’on peut néanmoins se réjouir des mesures qu’envisage d’adopter le législateur, à savoir :

  • La division par deux des droits de succession avec un taux d’imposition minimum de 3% en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux, de 10% ou 13% en ligne indirecte et de 15% vis-à-vis de tiers ;
  • La révision du montant de base exonéré (de 12.5000 EUR actuellement) en deçà duquel aucune déclaration de succession ni aucune imposition ne devront être établies ;
  • La suppression de la condition de maintien de résidence du défunt durant les cinq années précédant le décès pour que le conjoint survivant bénéficie de l’exonération des droits de succession sur la part du logement familial lui étant dévolue ; et
  • L’introduction, comme en Région flamande, d’un forfait de frais déductibles pour les frais liés au décès.

Concrètement, même s’il conviendra de tenir compte des projets de décrets qui seront effectivement déposés, la comparaison de la taxation, avant et après réforme, d’une succession d’un parent veuf en faveur de sa descendance en ligne directe, en prenant un patrimoine imposable de 700.000 EUR (et sans tenir compte du tarif préférentiel pour le logement familial pour faire simple), devrait être la suivante :

Avant réforme :

De

Jusqu’à

Imposition

Impôt dû sur la tranche

-

12.500 EUR

3%

375 EUR

— Réduction de 375 EUR

12.500 EUR

25.000 EUR

4%

500 EUR

25.000 EUR

50.000 EUR

5%

1 250 EUR

50.000 EUR

100.000 EUR

7%

3 500 EUR

100.000 EUR

150.000 EUR

10%

5.000 EUR

150.000 EUR

200.000 EUR

14%

7 000 EUR

200.000 EUR

250.000 EUR

18%

9 000 EUR

250.000 EUR

500.000 EUR

24%

60.000 EUR

500.000 EUR

700.000 EUR

30%

60.000 EUR



Total

146.250 EUR

Après réforme (sous réserve des textes définitifs) :

De

Jusqu’à

Imposition

Impôt dû sur la tranche

-

12.500 EUR

3%

375 EUR

— Réduction de 375 EUR

12.500 EUR

25.000 EUR

4%

500 EUR

25.000 EUR

150.000 EUR

5%

6 250 EUR

150.000 EUR

200.000 EUR

7%

3 500 EUR

200.000 EUR

250.000 EUR

9%

4 500 EUR

250.000 EUR

500.000 EUR

12%

30.000 EUR

500.000 EUR

700.000 EUR

15%

30.000 EUR



Total

74.750 EUR

C’est ainsi que dans l’exemple traité, une économie d’impôt de l’ordre de 71.500 EUR en résulterait pour l’héritier du défunt en ligne directe.

Il va d’ailleurs sans dire que l’économie ne serait que plus substantielle encore en matière d’héritages en ligne indirecte ou vis-à-vis de tiers dans la mesure où les taux marginaux leur étant applicables sont de 65, 70 voire même 80 %. Leur division par deux n’en serait donc que plus profitable aux contribuables.


5. Conclusion.

Les wallons ont donc de quoi se réjouir au vu des réformes envisagées en matière de fiscalité patrimoniale, laquelle rivalisera ainsi avec la fiscalité flamande. Pour rappel, le taux marginal de l’impôt sur la succession est de 27 % en Flandre, bien que la barème d’imposition progressif s’applique distinctement aux biens meubles et immeubles légués ou hérités.

Il reste toutefois à suivre l’évolution parlementaire des textes qui seront déposés par le Gouvernement pour circonscrire avec davantage de précisions les effets des mesures qui seront implémentées.

Dans l’intervalle, planifier sa succession demeure essentiel, non seulement d’un point de vue fiscal, mais également pour protéger ses êtres chers et anticiper les conflits lors de l’ouverture de la succession !



La Tetracademy est la revue trimestrielle juridique du cabinet d’affaires bruxellois Tetra Law. Cet article en est extrait. Pour plus d’informations ou pour recevoir chaque nouvelle publication, n’hésitez pas à suivre la Tetracademy en envoyant un email à tetracom@tetralaw.com ».

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