L’arrêt du 21 septembre 2023 de la Cour constitutionnelle: plus-values sur actions imposables, peut-être mais après déduction des frais !

Le contribuable qui réalise une plus-value sur actions spéculative peut-il déduire les frais et éventuelles pertes antérieures supportées dans le cadre de l’opération?

Jusqu’ici, notre Code d’impôt sur les revenus 1992 (CIR92) ne le permettait pas. Un récent arrêt de la Cour constitutionnelle du 21 septembre 2023, rendu sur question préjudicielle, change la donne.

Que dit la Cour et quels enseignements pouvons-nous en tirer ?

Mardi 7 nov. 2023 de 12:15 à 13:30

1. La différence de traitement critiquée

La Cour était amenée à se prononcer sur la différence de traitement qui existe entre deux catégories de contribuables se trouvant dans des situations similaires mais traités de manière distincte :

D’une part, les contribuables qui réalisent des bénéfices ou profits « spéculatifs » au sens de l’art. 90, al. 1er, 1° CIR92, imposables au titre de revenus divers. Ceux-ci peuvent déduire de leur base imposable

  1. les frais qu’ils justifient avoir faits ou supportés pendant la période imposable en vue d'acquérir ou de conserver ces revenus (art. 97, §1er CIR92)
  2. et les pertes éprouvées au cours des cinq périodes imposables antérieures dans l'exercice d'activités similaires (art. 103, §1er CIR92).

D’autre part, les contribuables qui réalisent des plus-values sur actions « spéculatives » au sens de l’art. 90, al. 1er, 9°, premier tiret CIR92, également imposables au titre de revenus divers. Ceux-ci ne peuvent déduire aucun frais. La base imposable est déterminée par la différence, éventuellement réévaluée, entre le prix de vente et le prix d’acquisition des actions (art. 102 CIR92).

2. La décision de la Cour constitutionnelle

2.1. La déductibilité des frais (art. 97, §1er CIR92)

La Cour a estimé que, contrairement à ce que soutenait le Conseil des ministres, il n'est pas exclu qu’un contribuable expose des frais dans le cadre d’une vente d’actions.

Elle a, par conséquent, conclu que la différence de traitement n’est pas raisonnablement justifiée et que l'art. 90, al. 1er, 9°, premier tiret CIR92 viole les principes constitutionnels d’égalité et non-discrimination dans la mesure où il ne permet pas au contribuable, qui réalise une plus-value sur actions spéculative, de déduire les frais qu’il a supportés dans ce cadre.

La Cour a également confirmé comment sa décision devait être appliquée dans l’attente d’une intervention législative : les cours et tribunaux doivent simplement faire application de l’art. 97, §1er CIR92 lorsqu’une plus-value sur actions spéculative est réalisée.

Pourront dès lors être déduits les frais d’avocat, de réviseur, de comptable et tous les autres frais qui seraient supportés en vue de la réalisation de la plus-value. Il faudra toutefois rencontrer les conditions élémentaires pour la déductibilité de l’art. 97, §1er CIR92, soit être en mesure justifier de leur réalité et pouvoir démontrer qu’ils ont été faits ou supportés pendant la période imposable, en vue d’acquérir ou conserver la plus-value imposable.

2.2. La déductibilité des pertes antérieures (art. 103, §1er CIR92)

La Cour constitutionnelle ne s’est pas prononcée sur l’éventuelle application de l’art. 103, §1er CIR92 aux plus-values sur actions spéculatives. Les pertes antérieures invoquées par la demanderesse concernaient des honoraires d’avocat et la Cour a estimé que ces frais ne constituaient pas des pertes qui pourraient, le cas échéant, être déduites en application de cette disposition. La Cour a dès lors conclu que la question préjudicielle n’appelait pas de réponse sur ce point.

Faut-il dès lors conclure que le contribuable qui réalise une plus-value sur actions spéculative ne peut jamais déduire les frais ou moins-values qu’il aurait supportés lors d’une période imposable antérieure ? Rien n’est moins sûr.

Nous sommes d’avis que ces frais et pertes sont déductibles sur la base de l’art. 103, §1er CIR92 pour les mêmes motifs que ceux qui ont conduits à l’arrêt qui nous occupe. Le contribuable qui réalise des plus-values sur actions imposables peut en effet avoir supporté des moins-values ou autres frais lors d’exercices antérieurs, au même titre que le contribuable qui réalise des bénéfices et profits spéculatifs.

En tout cas, le contribuable qui se verrait « retoqué », l’administration estimant que sa plus-value ne résulterait pas de la gestion normale par ce dernier de son patrimoine privé, veillera, à titre subsidiaire, à solliciter l’imposition du revenu net et, selon les circonstances, la déduction des frais et moins-values antérieures.

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