Elle exige que les agents économiques soient des mobiles centrés sur la recherche exclusive de leur prospérité individuelle et que le capital, peut donc agréger ou dissocier en fonction des circonstances et prospectives. Dans cette logique, la conscience politique doit disparaître au profit d’un désir de consommation insatiable. Et surtout, l’absence de protection sociale doit contraindre les travailleurs à une mobilité incessante, prédatrice et évidemment anxiogène et mortifère. Le modèle néolibéral entretient l’intranquillité morale et sociétale que seule la consommation peut apaiser.
Dans ce contexte qui conduit à l’isolement social et consumériste, comment ne pas défendre une repolitisation de la pensée alors que l’économie de marché néolibérale veut écarter les frictions étatiques, voire l’État lui-même, pour augmenter la fluidité du capital et des humains ? Car, ne l’oublions pas, cette économie néolibérale exige que ces derniers abandonnent leur ancrage pour suivre les foyers de croissance, jusqu’à en déterritorialiser le travail, ce qui a conduit, par exemple, aux mouvements protestataires des gilets jaunes français.
La perte de repère, combinée à l’homogénéisation du monde autour de métriques purement financières, conduit à une atomisation des humains (ce qui constitue un des objectifs du néolibéralisme afin de fracturer la force de négociation des travailleurs dans une collectivité), à des replis identitaires, à des révulsions ethniques, à la recherche de liens exclusifs, bref à la désunion sociale et à la négation de l’altruisme. À cet égard, il ne faut pas oublier que cette homogénéisation est elle-même sources de frictions, car les individus, au-delà d’un certain degré d’acceptation, refusent de se fondre dans une culture planétaire, d’où l’émergence de replis sectaires et sécessions citoyennes de différentes natures.
Je pense souvent que la numérisation nous relègue aux temps dits « modernes » de Chaplin