A la mi-février, le gouvernement fédéral a conclu un accord sur un ensemble de mesures relatives au marché du travail, connu sous le nom de « deal pour l’emploi ». Celui-ci a deux objectifs : poursuivre la modernisation du droit du travail belge (en mettant l’accent sur la flexibilité et les nouvelles tendances, telles que le e-commerce) et atteindre un taux d’emploi de 80% d’ici 2030. Dans cette contribution, nous présenterons ces mesures. A noter : les projets de textes sont toujours attendus.
Une première mesure est la possibilité de prester le temps de travail hebdomadaire sur quatre jours. Cette mesure n’entrainera pas de réduction du temps de travail, mais une augmentation du nombre d’heures à prester par jour : l’exécution du temps de travail hebdomadaire aura lieu sur quatre jours au lieu des cinq jours classiques.
Les conditions sont les suivantes :
Une deuxième mesure est le régime hebdomadaire variable. Cette mesure permettra au travailleur de prester jusqu’à 45 heures sur une semaine, et de compenser ces heures supplémentaires et travailler moins la semaine suivante. Les conditions seront les mêmes que pour la semaine de quatre jours.
Une troisième mesure est que le délai de notification des horaires variables de travail à temps partiel sera prolongé. Les travailleurs devront désormais recevoir les informations sur leur emploi du temps sept jours ouvrables à l’avance (au lieu de cinq jours ouvrables). Les exceptions à cette règle déjà existantes resteront d’application.
Le deal pour l’emploi réforme le droit à la formation tel que prévu dans la Loi sur le Travail Faisable et Maniable. Les entreprises comptant plus de 20 travailleurs devront garantir un nombre minimum de jours de formation (formelle ou informelle) pour chaque travailleur individuellement, à savoir :
La répartition du nombre de jours de formation sera déterminée par CCT ou par le compte individuel de formation. Cela devra être fait chaque année, au plus tard le 30 septembre (pour 2022, la date limite est le 20 juin 2022).
Les entreprises comptant entre 10 et 20 travailleurs devront garantir une journée de formation par an et par ETP. Les entreprises comptant moins de 10 travailleurs seront exemptées.
En outre, les entreprises comptant au moins 20 travailleurs devront chaque année établir un plan de formation. Celui-ci devra contenir un aperçu des formations et des catégories de personnel. Ce plan devra être établi annuellement, au plus tard le 31 mars, et être soumis aux organes de concertation (ou, en leur absence, aux travailleurs).
La loi du 26 mars 2018 a introduit une obligation de concertation sociale concernant la déconnexion. Le deal pour l’emploi introduit un droit à la déconnexion pour les travailleurs occupés dans les entreprises comptant plus de 20 travailleurs. Ce droit devra être réglementé par une convention collective d’entreprise ou par le règlement de travail. L’introduction doit être réalisée le 1er janvier 2023 au plus tard.
Le deal pour l’emploi introduit un “trajet de transition”. Un travailleur qui a déjà trouvé un nouvel emploi pendant sa période de préavis pourra être mis à la disposition du nouvel employeur. Le salaire sera répercuté (entièrement ou partiellement) sur le nouvel employeur. Le nouvel employeur devra occuper le travailleur après ce trajet de transition par un contrat de travail à durée indéterminée. Si le nouvel employeur ne le fait pas, il devra verser une indemnité au travailleur. Il est à noter que le travailleur conservera toute son ancienneté pour, notamment, le droit au crédit-temps et à l’interruption de carrière.
Le deal pour l’emploi met également en œuvre l’article 39ter de la Loi relative aux contrats de travail en ce qui concerne les “mesures de renforcement de l’employabilité”. Les travailleurs dont le délai de préavis est d’au moins 30 semaines pourront, en plus du droit au reclassement professionnel, faire appel à des mesures supplémentaires, telles que la formation, le coaching et le reclassement professionnel supplémentaire. Ces mesures seront financées par les contributions de l’employeur dues sur le préavis ou l’indemnité (avec un maximum d’un tiers du préavis ou de l’indemnité, dont quatre semaines de reclassement professionnel auront été déduites).
Pour offrir plus d’espace et de flexibilité aux entreprises et aux travailleurs dans le cadre du e-commerce, le deal pour l’emploi prévoit deux mesures :
L’article 337 de la Loi relative aux relations de travail comprendra la liste de critères suivants permettant de déterminer s’il existe ou non une présomption de travail salarié entre la plateforme et le travailleur de plateforme :
Lorsque trois des huit critères ou deux des cinq derniers critères sont remplis, il existe une présomption que le travailleur de plateforme est un travailleur salarié. Cette présomption peut être renversée par la plateforme sur la base des critères généraux contenus dans la Loi relative aux relations de travail.
Enfin, le deal pour l’emploi prévoit également que le SPF ETCS établira une cartographie de la diversité au sein des différents secteurs. Lorsqu’une entreprise s’écartera de manière significative des normes en vigueur dans son secteur, un plan d’action devra être élaboré pour améliorer la situation.
Les projets de textes ont été soumis le 7 mars 2022 au Conseil National du Travail, qui dispose d’un délai de 60 jours pour formuler un avis. Suivra ensuite une deuxième lecture du Conseil des Ministres. Il faudra ensuite attendre que la Chambre des Représentants s’en saisisse et qu’ils soient publiés au Moniteur belge. Le Cabinet du Ministre fédéral de l’Economie et du Travail Dermagne nous a confirmé que l’objectif est que la publication ait lieu le plus rapidement possible, et en tout cas avant l’été.
Liesbet Vandenplas, Avocate-Associée, Sam de Voogt, Avocat et Ambre Vranckx, Avocate chez Eubelius
Source : BECI