Les 20 % des ménages les plus riches possèdent 63 % de la richesse nette totale, selon la dernière enquête sur le comportement financier des ménages belges. D'après les premières observations, la pandémie aurait frappé financièrement les familles les plus vulnérables. Pourtant, selon l'enquête, cela n'augmenterait pas les inégalités.
Premiers résultats de la quatrième vague de l’enquête sur le comportement financier des ménages belges -
Article publié dans la Revue économique de 2022
L’enquête sur le comportement financier des ménages (Household Finance and Consumption Survey) vise à parvenir à une meilleure compréhension de la diversité des situations financières des ménages en Europe. Les derniers résultats en date du volet belge de l’enquête montrent que les revenus des ménages belges avaient augmenté préalablement à la crise du COVID-19 en comparaison de la situation qui prévalait trois ans plus tôt. Mesurée au moment de la pandémie, la richesse s’était également accrue, portée dans une certaine mesure par l’appréciation des prix des logements. Cela étant, les circonstances exceptionnelles inhérentes à la pandémie peuvent également avoir empêché certains ménages parmi les plus vulnérables de répondre à l’enquête.
De manière générale, l’endettement est demeuré tenable, en dépit de la subsistance de poches de risque, particulièrement auprès des ménages les plus sensibles. Ces derniers semblent aussi avoir payé le plus lourd tribut à la crise. Pour autant, ces résultats préliminaires ne mettent pas en évidence une aggravation des inégalités par rapport à la vague précédente de l’enquête, qui portait sur la situation observée en 2017.
Combien de ménages belges sont propriétaires de leur résidence principale? Combien d’entre eux possèdent d’autres types de propriétés ou d’investissements financiers? Lesquels sont plus endettés? Quels ménages la pandémie de COVID-19 a-t-elle plus fréquemment touchés? Les derniers résultats en date de l’enquête sur le comportement financier des ménages (Household Finance and Consumption Survey) apportent des réponses à ces questions et à bien d’autres encore sur la situation financière des ménages belges.
La quatrième vague du volet belge de l’enquête sur le comportement financier des ménages (HFCS[1]) a eu lieu en 2020 et en 2021, pendant la pandémie de COVID-19. Au cours des années précédentes, la croissance économique était restée positive en Belgique, nonobstant un certain ralentissement entre 2017 et 2019. La pandémie a provoqué une vive baisse de l'activité économique en 2020, suivie d'une reprise robuste en 2021. Cette dernière n'a toutefois pas été homogène dans tous les secteurs.
Les prix des logements ont fortement grimpé au cours de la période couverte par l'enquête. Les niveaux d'endettement des ménages ont globalement augmenté, sous l’impulsion des prêts au logement. Ces derniers ont été soutenus par des taux débiteurs faibles, des perspectives positives pour le marché immobilier et une amélioration de la confiance des consommateurs pendant la reprise.
La façon dont l’enquête a dû être menée dans le contexte de la pandémie de COVID-19 est également susceptible d’en avoir affecté les résultats. D’abord, contrairement aux vagues précédentes, il n'a pas été possible d'interroger les personnes vivant dans des logements collectifs, comme les résidences pour personnes âgées. Ensuite, les inquiétudes concernant la pandémie peuvent avoir poussé certains ménages à refuser toute rencontre en face à face. Enfin, les entretiens par téléphone ou visioconférence peuvent aussi avoir été plus compliqués à gérer pour certaines personnes. Ces facteurs pourraient avoir engendré un certain biais au détriment des ménages les plus vulnérables. Toutefois, les comparaisons avec d’autres sources d’informations (indicateurs macroéconomiques, autres enquêtes) restent cohérentes avec celles réalisées lors des vagues précédentes.
Le concept de revenu utilisé dans le cadre de la HFCS fait référence aux revenus annuels bruts de l'ensemble du ménage. Les transferts sociaux (tels que les allocations familiales) et d'autres transferts (publics ou privés) sont toutefois pris en compte, qu'ils soient réguliers (par exemple, les pensions alimentaires pour les enfants) ou ponctuels (comme les gains à la loterie). Dans le cadre de la quatrième vague, les ménages ont été interrogés sur les revenus perçus en 2019. Par rapport à la vague précédente de l’enquête (dont les chiffres relatifs aux revenus se réfèrent à la situation en 2016), le revenu médian a augmenté de 3 % en termes réels (c'est-à-dire corrigés de l'inflation), passant à 47 100 euros.
La hausse a été plus marquée pour les ménages des quintiles de revenu et de richesse les plus bas, pour ceux dont la personne de référence était au chômage ou inactive, de même que pour les ménages dont la personne de référence était âgée entre 35 et 44 ans ainsi que celle âgée entre 55 et 64 ans, pour la troisième fois consécutive. Cette dernière évolution reflète peut-être un retrait plus tardif du marché du travail.
[1] HFCS: Household Finance and Consumption Survey.
Le revenu médian des ménages dont la personne de référence est âgée de moins de 35 ans a diminué. Dans une moindre mesure, il a également baissé pour les ménages ayant une personne de référence qui exerce une activité indépendante.
Près de 60 % des ménages belges déclarent percevoir un revenu supérieur à leurs dépenses habituelles. Ce pourcentage est plus faible pour les ménages du quintile inférieur de la distribution des revenus (47 %) et pour ceux dont la personne de référence est au chômage ou inactive, sans être à la retraite. Une majorité de ménages (71 %) ont indiqué être en mesure d'obtenir une aide financière de leur famille ou de leurs amis en cas de besoin, mais cette possibilité est moindre pour les ménages des tranches de revenu les plus basses. Environ 15 % des ménages belges avaient une capacité d'épargne limitée et ne pouvaient pas faire appel à la famille ou aux amis en cas de besoin.
La répartition des revenus est restée relativement inchangée entre les troisième et quatrième vagues de l'enquête, les 20 % des mieux rémunérés s’arrogeant 44 % du revenu brut total (au lieu de 45 %). Le coefficient de Gini s’est légèrement replié, ce qui est le signe d’une répartition des revenus plus équitable que lors des vagues précédentes de l'enquête. Ces résultats n’intègrent pas l'impact de la crise du COVID-19, étant donné que les données sur les revenus concernent 2019.
La valeur médiane conditionnelle du patrimoine total a progressé de 2 % entre la troisième et la quatrième vagues de l'enquête, atteignant 303 000 euros pour cette dernière. L'augmentation a été particulièrement marquée pour les ménages des quintiles de richesse nette et de revenu les plus bas. Cela pourrait en partie tenir à une modification de l'échantillon, mais d'autres facteurs, comme une hausse du pourcentage de ménages recevant des dons ou des héritages (surtout pour les quintiles de revenu les plus bas) pourraient également jouer un rôle. La valeur des actifs est évaluée par les ménages eux-mêmes.
Les biens immobiliers, et plus spécifiquement ceux utilisés comme résidence principale du ménage, sont les avoirs les plus importants des familles belges. Près des trois quarts des ménages belges (72 %) étaient propriétaires de leur logement en 2020-2021, soit 3 points de pourcentage de plus que lors de la vague précédente de l'enquête. Par rapport à d'autres enquêtes, le taux de propriété qui découle de la dernière vague de la HFCS pourrait toutefois être surestimé.
Les ménages dirigés par une personne au chômage ou inactive, ceux composés d'une seule personne, les plus jeunes et ceux du quintile le plus bas de la distribution du revenu et de la richesse nette étaient moins susceptibles d’être propriétaires de leur résidence principale. Par rapport à la troisième vague, la valeur médiane des résidences principales des ménages a augmenté de 5 % (après correction de la hausse des prix à la consommation), reflétant une appréciation générale du marché immobilier résidentiel.
Environ 18 % des ménages belges possédaient au moins un bien immobilier qu’ils n'utilisaient pas comme résidence principale. Pour la plupart de ces ménages, cette propriété s'ajoutait à celle de leur logement. Le plus souvent, le bien était une maison ou un appartement mis en location ou destiné à l'usage privé du ménage.
Plus des trois quarts des ménages belges ont déclaré posséder au moins un véhicule à moteur. Un ménage sur huit est propriétaire d’une activité indépendante, soit 2 points de pourcentage de plus que lors de la vague précédente de l'enquête. Telle qu'estimée par les répondants, la valeur médiane des actifs liés à cette activité a diminué de moitié au cours des trois dernières années. Cela pourrait en partie être dû à l'impact de la crise du COVID-19 sur les secteurs économiques où les travailleurs indépendants sont plus susceptibles d'être actifs.
Dans l'ensemble, les actifs financiers représentent une part plus faible de la valeur des actifs des ménages que les actifs réels. Pour le ménage médian, leur valeur a augmenté de 5 %, les portant à 28 000 euros. Les comptes bancaires (comprenant à la fois les comptes à vue et les comptes d'épargne) sont le type d'actifs le plus répandu, 98 % des ménages en détenant au moins un. Leur valeur médiane a nettement progressé, soit de 18 %, entre les deux dernières vagues de l'enquête, grimpant à 14 000 euros, dans un contexte de consommation réduite de certains biens et services pendant la pandémie de COVID-19.
En général, l'argent déposé sur des comptes bancaires est l’actif financier des ménages belges dont le montant est le plus important, mais sa part dans le total des actifs financier est plus grande pour les ménages les moins riches, dont les investissements dans des instruments plus sophistiqués restent en effet très marginaux. Les plans de pension volontaires et les contrats d'assurance-vie constituent le deuxième type d'actifs financiers le plus répandu. Ils sont cependant devenus un peu moins populaires depuis la vague précédente de l’enquête. Selon les derniers résultats, 41 % des ménages belges détenaient au moins un tel plan ou contrat. En revanche, par rapport à 2017, une proportion légèrement supérieure de ménages (23 %) a investi dans des fonds communs de placement. En général, les investissements dans des actifs plus risqués ou plus sophistiqués étaient plus limités et concentrés parmi les ménages affichant des niveaux de richesse et de revenu plus élevés.
La richesse nette médiane (c'est-à-dire la valeur des actifs diminuée de la valeur des dettes) s’est accrue de 9 % entre la troisième et la quatrième vagues de l’enquête.
À l’instar de celle du revenu, son évolution n'a pas été homogène pour tous les types de ménages. Elle a davantage augmenté pour les ménages du premier quintile de la distribution des revenus et pour ceux dont la personne de référence n'a atteint qu'un niveau d'éducation primaire. Elle a pourtant baissé le plus fortement pour les ménages dont la personne de référence est sans emploi ou âgée de 45 à 54 ans.
En termes de niveau, le patrimoine net est plus faible parmi les ménages dont la personne de référence est au chômage ou autrement inactive (et non retraitée), parmi ceux qui ne sont pas propriétaires de leur logement et – dans une moindre mesure – parmi les plus jeunes. Le patrimoine net d’environ 3 % des ménages belges était négatif au moment de l'enquête (c’est-à-dire que leurs dettes étaient supérieures à leurs actifs), soit un peu moins que lors de la vague précédente de l’enquête.
La richesse nette, si elle était légèrement moins concentrée qu'au moment de la troisième vague, était un peu plus élevée que les années précédentes. Le coefficient de Gini a aussi faiblement baissé par rapport à 2017. Ces évolutions pourraient en partie être dues à l'appréciation de l'immobilier.
Bien qu'informatifs, ces indicateurs doivent être nuancés car les enquêtes auprès des ménages ne fournissent pas une mesure tout à fait précise des inégalités. Cela tient principalement au fait que les ménages situés aux extrémités de la répartition des richesses sont moins susceptibles d'être contactés par les enquêteurs ou de répondre au questionnaire.
Environ 80 % des ménages belges considèrent que la crise du COVID-19 n'a pas eu d'effet significatif sur leur patrimoine et sur leurs revenus. Pour ceux en ayant mentionné un, celui-ci a le plus souvent été négatif. Les ménages au sommet des distributions de la richesse et du revenu ont cependant répondu plus fréquemment que l'incidence avait été positive. De plus, les ménages plus aisés indiquent plus souvent que leur consommation a diminué, et inversement pour les ménages les moins nantis. Cela peut être lié au caractère moins essentiel des biens et des services dont les ventes ont le plus souffert de la crise et qui représentent généralement une part plus élevée de la consommation des ménages les plus aisés.
Source : BNB, juin 2022