Bouwen, L., Dons, E. & Schoeters, A. (2022). L’impact du vélo sur la santé, le climat et l’économie en Belgique – Revue de la littérature et analyse coût-avantage d’une augmentation de l’utilisation du vélo en Belgique, Bruxelles: Institut Vias
Le vélo a plus de 200 ans, mais l’importance d’une bonne politique en matière d’utilisation du vélo a longtemps été sous-estimée. À la suite de la récente renaissance du vélo, son rôle dans l’économie, son impact sur la santé publique et son rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique font à nouveau l’objet d’une plus grande attention. La présente étude y contribue en examinant l’impact du vélo sur l’économie, la santé et le climat sur la base des toutes dernières statistiques et preuves scientifiques. En outre, un chiffrage très concret du rendement de la politique en matière d’utilisation du vélo en Belgique est effectué (c’est-à-dire la réalisation d’un transfert modal) en termes de nombre de décès prématurés évités, d’émissions de carbone évitées et de valeur sociale totale des deux exprimée en euros.
La pratique du vélo a de nombreux effets sur la santé. L’aspect positif le plus important est l’activité physique supplémentaire : pour un niveau d’utilisation du vélo qui correspond aux recommandations de l’OMS en matière d’activité physique (150 min. d’activité à intensité modérée), on estime que le risque de décès prématuré toutes causes confondues est réduit de 10 % par rapport aux personnes qui n’utilisent pas le vélo. En revanche, les cyclistes courent un risque d’accident de la route plus élevé. Il ressort des chiffres belges que les cyclistes sont 3,5 fois plus susceptibles d’être tués dans un accident que les automobilistes par kilomètre parcouru. Toutefois, une augmentation de l’utilisation du vélo pourrait également réduire le risque grâce à l’effet de « sécurité par le nombre ». Par ailleurs, l’exposition plus élevée à la pollution atmosphérique a également un impact sur la santé. Malgré l’amélioration de la qualité de l’air, les cyclistes respirent plus de pollution atmosphérique que les automobilistes à itinéraire égal. Chaque année, la pollution atmosphérique est responsable de plusieurs milliers de décès prématurés en Belgique. D’autre part, un transfert modal vers des modes de transport actifs aurait des avantages sur la santé de la population en général du fait de la réduction de la circulation motorisée et des émissions qui en découlent. En plus de ces trois impacts importants et les plus documentés, la mobilité en général, et en particulier le vélo, est également liée à notre santé de diverses autres façons, notamment par la réduction du stress, des troubles mentaux et des nuisances sonores, et par l’augmentation de l’interaction sociale. Les différents avantages et risques pour la santé de l’utilisation du vélo sont chiffrés et comparés dans les évaluations d’impact sur la santé (EIS). En cas de passage des modes de transport motorisés à des modes de transport actifs, les conséquences négatives estimées des accidents de la route et de la pollution atmosphérique ne l’emportent pas sur les avantages de l’activité physique, qui représentent au moins la moitié de l’impact total sur la santé. Il ne fait donc guère de doute que la pratique du vélo saine.
En raison de la popularité croissante dont il bénéficie, l’économie du vélo gagne également en importance. Depuis quelques années, les ventes de vélos non électriques affichent une légère baisse, mais elle est compensée par la croissance du marché des vélos électriques et des speed pedelecs (plus chers). En 2021, les vélos électriques occupaient déjà une part de marché de près de 40 % dans les ventes de vélos. Une estimation précise du taux d’emploi dans le secteur du vélo est difficile du fait que les données disponibles sont fragmentaires. Selon une estimation prudente, le secteur compte 5 175 emplois à temps plein en Belgique (vente, production, infrastructure et tourisme). Toutefois, l’intensité d’emploi, c’est-à-dire le nombre d’emplois par million d’euros de chiffre d’affaires, est plus élevée dans le secteur du vélo que dans les autres secteurs des transports. L’aménagement d’infrastructures cyclables au détriment des places de stationnement ou des bandes de circulation suscite bien souvent des vagues de protestations. Cependant, il ressort de diverses études que les clients à vélo dépensent moins par visite, mais reviennent plus souvent et dépensent finalement plus sur une base mensuelle que les clients venus en voiture. Il y a peu ou pas d’éléments de preuve étayant une baisse des ventes chez les commerçants locaux, à l’exception des entreprises axées sur l’automobile, comme les stations-service, ou les magasins de gros électroménagers. Au contraire, les cyclistes semblent plus souvent faire des achats locaux ou fréquenter les établissements horeca locaux.
Qu’apporte aujourd’hui la politique en matière d’utilisation du vélo en Belgique ? Pour cette étude, les coûts et les avantages de l’utilisation du vélo ont été chiffrés à l’aide de l’outil d’évaluation économique des effets sanitaires (« HEAT ») de l’Organisation mondiale de la Santé. Les valeurs par défaut ont été ajustées autant que possible avec les récents chiffres belges. Ce rapport ne tient compte que de la situation actuelle et d’un certain nombre de scénarios futurs hypothétiques. Toutefois, à l’avenir, il sera également possible d’effectuer des analyses coûts-avantages de mesures concrètes spécifiques au vélo (par ex. l’aménagement d’une autoroute pour vélos ou le rendement d’une campagne axée sur le vélo)
Malgré le risque d’accident et l’exposition accrue des cyclistes à la pollution atmosphérique, la pratique du vélo est saine. Les effets bénéfiques sur la santé de l’activité physique sont si importants qu’ils veillent à un effet net positif. Chaque année, l’utilisation du vélo en Belgique permet d’éviter 1 294 décès prématurés. En parallèle, 137 717 tonnes d’émissions d’équivalent CO2 sont évitées du fait que le trafic motorisé est remplacé par des déplacements à vélo. La Flandre en est principalement responsable en raison de son niveau d’utilisation élevé. Le coût social total économisé s’élève à 8,44 milliards d’euros.
Quel est l’impact de l’augmentation prévue de l’utilisation du vélo en Belgique ?
Le Bureau fédéral du Plan prévoit une augmentation de 17,5 % des kilomètres parcourus à vélo à l’horizon 2030, à la fois par les personnes qui font déjà du vélo régulièrement et qui en feront davantage, et par les nouveaux cyclistes. Cette augmentation signifierait qu’entre 2019 et 2030, 89 personnes en moins décèderaient prématurément chaque année par rapport à 2019 et qu’un coût social annuel de 584 millions d’euros pourrait être économisé.
Chaque région de Belgique a instauré un plan visant à augmenter la part du vélo dans les déplacements (« De Grote Versnelling », « Good Move », « Vision FAST 2030 »). Si les objectifs régionaux sont atteints, ils permettront chacun d’éviter des décès prématurés. D’un point de vue relatif, bien plus de décès prématurés seront évités à Bruxelles (+211%) et en Wallonie (+75%) qu’en Flandre (+57%) du fait que les niveaux actuels d’utilisation du vélo y sont moindres. Les plans régionaux contribuent également à la diminution des émissions de gaz à effet de serre issues du secteur des transports.
Si un Belge sur cinq utilisait le vélo 10 minutes de plus par jour, on atteindrait une économie de coûts sociaux considérable : 210 décès prématurés et 24 816 tonnes d’émissions d’équivalent CO2 par an. Les mesures permettant de réaliser cette augmentation seront rentables si leur coût est inférieur aux économies estimées à 1,37 milliard d'euros.
Le gain social qu’apporte le vélo à la Belgique est principalement imputable à l’utilisation du vélo soutenue en Flandre. Afin d’élever le niveau d’utilisation du vélo à Bruxelles et en Wallonie à celui de la Flandre, le nombre moyen de kilomètres parcourus à vélo par personne et par jour doit plus que tripler. Cela représenterait une énorme économie sociale potentielle à hauteur de 248 décès prématurés et 30 652 tonnes d’émissions d’équivalent CO2 évités par an. Le coût social annuel évité s’élève à 3,5 milliards d’euros. Les investissements dans les infrastructures cyclables nécessaires à cette fin, entre autres, doivent être mis en balance avec cette économie.
Les femmes invoquent des obstacles spécifiques à l’utilisation du vélo pour des déplacements de courte distance. La politique future doit s’atteler à écarter ces obstacles, car les femmes tireraient un avantage de l’utilisation du vélo. En effet, si les femmes utilisaient le vélo autant que les hommes, 466 décès prématurés pourraient être évités chaque année. En outre, des émissions à hauteur de 53 484 tonnes de CO2 par an seraient également évitées, soit une économie sociale à hauteur de 3,04 milliards d’euros.
Le remplacement des déplacements domicile-travail par le vélo ou la combinaison vélo-train a un effet net positif sur la santé, malgré les risques d’accident limités et la pollution atmosphérique. L’ordre de grandeur des effets, soit 55 décès prématurés évités chaque année pour les déplacements domicile-travail courts (10 km ou moins) et 52 pour les déplacements domicile-travail longs (plus de 10 km) ainsi que plus de 6 000 tonnes d’émissions d’équivalent CO2 évitées, semble être comparable pour les déplacements courts et les déplacements longs. La politique pourrait donc se pencher sur les deux et ainsi économiser près de 700 millions d’euros de coûts sociaux chaque année.
Source : VIAS, publications, septembre 2002
Étude sur l'impact coût-bénéfice vélo