L'an passé, deux milliards d’individus ont voté, soit la moitié de la population mondiale. Ce ne fut parfois qu’un exercice rhétorique, mais l’idée d’un renouveau démocratique m’avait séduit.
Aujourd’hui, on constate partout une verticalisation des pouvoirs, l’émergence de ploutocraties, d’oligarchies, voire de kleptocraties. Un nombre restreint de personnes s’accapare le pouvoir au sein de technostructures, utilisant la démocratie comme un simple levier pour asseoir un pouvoir personnel.
Les États-Unis sont devenus l’instrument d’une caste déterminée à faire plier une partie du monde sous leur oppression impérialiste. Mais d’autres pays suivent la même voie : la Russie, bien sûr, et bientôt la Chine, qui envahira Taïwan.
Tout cela met la planète en vibrations, comme si les plaques tectoniques du pouvoir se déplaçaient, créant autant de ruptures qu’il existe d’anfractuosités. Et face à ces glissements de pouvoir, je repense souvent aux soldats des guerres passées, qu’on envoyait, comme des pions, vers des morts inutiles. La guerre russo-ukrainienne en est un nouvel exemple. Combien de morts ? plus d’un million ? Et pourquoi ? Comme l’avait écrit le journaliste français Alphonse Karr, l’enfer a plusieurs succursales sur Terre.
Face aux immenses défis qui assaillent le monde, à commencer par la survie de tous dans des conditions sociales et environnementales optimales, il aurait fallu faire appel à l’intelligence collective. C’est pourtant l’inverse qui se produit.
Les priorités existentielles cèdent la place aux exigences de compétitivité, tandis que le travail est chaque jour un peu plus dominé par le capital. Dans ce contexte, de gigantesques monopoles numériques dirigent déjà nos vies, avant que les intelligences artificielles qu’ils créent ne prennent le relais. L’homo politicus a cédé le pas à l’homo digitalus.
Les prochaines années exigeront un regard porté à hauteur d’homme, avec ce caractère que Charles de Gaulle appelait la vertu des temps difficiles, tout en rappelant que la difficulté attire l'homme de caractère, car c'est en l'étreignant qu'il se réalise lui-même.
Il faudra du caractère pour résister à la tentation de laisser d’autres décider de notre sort. Du courage pour s’exercer à l’intelligence. De l’ascèse pour préserver l’éducation. De la rigueur pour ne pas s’abandonner à de tristes passions.
Et surtout, il faudra exiger que ceux qui nous dirigent rendent des comptes. Car dans les démocraties, et ce devrait être le cas partout, le pouvoir appartient aux citoyens.
D’ailleurs, ici et ailleurs, la rue n’a pas encore parlé. Mais elle parlera. Et comme on le sait : la rue n’a pas toujours raison, mais on a pas raison contre la rue.