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Les déboires des SICAV luxembourgeoises avec le fisc et la justice belge

Les SICAV luxembourgeoises désireuses de commercialiser leurs parts auprès d’investisseurs belges ou d’investir dans des sociétés belges auraient tort de penser que les avantages fiscaux de la convention belgo-luxembourgeoise leur seront offerts sur un plateau d’argent. En témoignent leurs récents déboires avec l’administration fiscale et la justice belge…


Taxe d’abonnement

De nombreuses SICAV luxembourgeoises commercialisent leurs parts en Belgique. Elles doivent alors en principe s’acquitter de la taxe annuelle belge sur les organismes de placement collectif (au taux de 0,0925%), également dénommée taxe d’abonnement dans le jargon, sur leurs avoirs belges. Elles sont alors confrontées à une double imposition, puisqu’elles sont également soumises à une taxe d’abonnement similaire au Grand-Duché, en ce compris sur leurs avoirs issus de placements auprès d’investisseurs belges.

La Belgique a-t-elle bien le pouvoir de prélever cet impôt au regard de la convention préventive de la double imposition belgo-luxembourgeoise (« CPDI »)? Dans un arrêt du 25 mars 2022, la Cour de cassation (section francophone) a considéré que la taxe d’abonnement ne pouvait pas être qualifiée d'impôt sur la fortune au sens de la CPDI belgo-luxembourgeoise, de sorte que la Belgique était bien en droit de prélever cette taxe sur les avoirs belges de la SICAV. La Cour de cassation a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Liège, qui s'est ralliée à la position de la Cour suprême dans un arrêt du 6 novembre 2024.

Un récent arrêt du 5 novembre 2024 de la Cour d'appel de Gand offre toutefois une lueur d’espoir aux fonds luxembourgeois ! Les magistrats gantois sont en effet arrivés à la conclusion (opposée) que la taxe d’abonnement était bien un impôt sur la fortune, privant ainsi la Belgique du pouvoir de soumettre en l’espèce la SICAV luxembourgeoise à la taxe d’abonnement. Il est piquant de relever que la Cour d’appel statuait ici comme juridiction de renvoi suite à un arrêt de la Cour de cassation du 21 avril 2022 (section néerlandophone)… qui était pourtant défavorable à la SICAV luxembourgeoise. Pour donner gain de cause à la SICAV luxembourgeoise, la Cour gantoise a dû faire preuve de créativité en se fondant sur le fait que la Cour de cassation n'avait pas dit pour droit que la taxe d'abonnement n'était pas un impôt sur la fortune' au sens de l'article 2, §1 de la CPDI. Une belle pirouette juridique !


Précompte mobilier réduit de 15% sur dividendes

Nombreux sont aussi les fonds luxembourgeois investissant dans des sociétés (cotées) belges. Quid lorsqu'une société belge distribue un dividende à une SICAV luxembourgeoise? La SICAV a-t-elle droit au précompte mobilier réduit de 15% (au lieu du taux normal de 30%) en vertu de la CPDI ? Pour répondre à cette interrogation, il faut déterminer si la SICAV luxembourgeoise peut être qualifiée de société "résidente" éligible à la CPDI.

De nombreuses décisions de jurisprudence belge reconnaissent ce statut de "résident" aux SICAV luxembourgeoises, et ce même si elles sont exonérées d’impôt sur le revenu au Grand-Duché. Les magistrats s’appuient à cet égard sur plusieurs arguments, en particulier leur assujettissement théorique à l'impôt sur le revenu des collectivités au Luxembourg ainsi que leur soumission à la taxe d'abonnement luxembourgeoise et à la retenue à la source luxembourgeoise sur les dividendes de sociétés luxembourgeoises. Sur ce point précis, ces arrêts n'ont pas été démenti par la Cour de cassation.

En pratique, force est néanmoins de constater que l’administration fiscale belge persiste à refuser d’accorder le bénéfice de la CPDI aux fonds luxembourgeois. Voici une SICAV luxembourgeoise qui recueille des dividendes de plusieurs millions d’euros en provenance de sociétés cotées belges. Sur ces dividendes, un précompte mobilier de 30% a été versé au Trésor belge. La SICAV introduit ensuite des demandes administratives de restitution du précompte, basées sur l’article 10, § 2 de la CPDI prévoyant un taux réduit de 15%. Souvent, aucune réponse n’est apportée aux demandes administratives de restitution, ce qui contraint les SICAV luxembourgeoises à faire valoir leurs droits en justice.

Toutes ces péripéties juridiques ne sont pas de nature à rassurer les fonds luxembourgeois souhaitant faire des affaires en Belgique…

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