Alors qu'il fait clairement partie de l'idée européenne de limiter les risques de double sollicitation, il apparaît que des difficultés en la matière subsistent largement pour beaucoup d'Européens expatriés ou transfrontaliers, ou simplement ayant une partie de leurs revenus ou de leur patrimoine dans au moins deux pays différents.
Si l’Union européenne (UE) fait l’objet, notamment depuis quelques années, de nombre de critiques mais également de défis conséquents (dont le Brexit et la gestion du post-Brexit), force est de constater que le projet européen a tout de même permis quelque 70 ans de paix et de sécurité en Europe ainsi que de nombreux bénéfices pour les citoyens européens (en particulier la protection des droits politiques et économiques).
Cependant, dans d’autres domaines, l’UE n’est aujourd’hui clairement pas en mesure d’apporter des solutions aux citoyens européens. La fiscalité et les contributions obligatoires à la protection sociale sont parmi les exemples les plus probants.
L’UE n’a aujourd’hui que des compétences limitées dans les domaines fiscal et social, le pouvoir de solliciter l’imposition auprès des citoyens redevables relevant de la compétence des Etats membres.
Alors qu'il fait clairement partie de l'idée européenne de limiter les risques de double sollicitation, il apparaît que des difficultés en la matière subsistent largement pour beaucoup d'Européens expatriés ou transfrontaliers, ou simplement ayant une partie de leurs revenus ou de leur patrimoine dans au moins deux pays différents.
Prenons un cas concret : alors que depuis 2019 (pour les revenus de 2018), il n’y a plus de prélèvement de contributions sociales (CSG et CRDS) pour les Français établis dans un autre pays de l'UE (où ils sont par ailleurs soumis à des contributions de même nature, par exemple en Belgique, au Luxembourg…), certains organismes financiers français, par zèle ou peut-être sous une éventuelle pression des autorités financières françaises, continuent de prélever l’intégralité de ces contributions sociales, quitte à réintégrer par la suite la partie exonérée, sur base d’un décret d’août 2019. Evidemment, c'est au citoyen de fournir toutes les preuves et justificatifs de l'exonération, afin d'obtenir celle-ci de manière rétroactive, si tout va bien...
Il serait souhaitable de clarifier davantage quels revenus (revenus du travail salarié, revenus mobiliers et immobiliers de divers types, revenus des indépendants et professions libérales, etc.) sont concernés, quels types de contributions fiscales ou sociales s'y appliquent, et quelles règles sont mises en place pour éviter entièrement les doubles sollicitations lorsqu'un citoyen européen se trouve dans une situation qui relève de plus d'un pays de l'UE.
Quant à la fiscalité et aux contributions obligatoires à la protection sociale, notamment l'assurance maladie de base, ces points peuvent être aujourd'hui très différents, et plus ou moins séparés, dans les divers pays de l'UE. Une partie peut en être déléguée ou concédée à des collectivités d'un niveau inférieur à l'Etat central ou à des organismes professionnels paritaires (syndicats, etc.). On ne peut que constater une grande diversité. L'harmonisation devrait commencer par clarifier ce qui est obligatoire de ce qui reste optionnel. Les différences d'un pays à l'autre entre l'impôt général et les contributions spécifiques ouvrant droit à protection sociale (notamment l’assurance maladie de base) sont un point particulièrement délicat, mais justement à traiter car il est une source typique de double sollicitation.
Il serait bon d’éviter le syndrome américain et le principe peu acceptable de fiscalité automatiquement liée à la nationalité, qui est une cause majeure de double sollicitation. Même avec des principes plus raisonnables de "résidence fiscale" principale basée sur des critères assez bien définis, le risque demeure. Le critère principal de résidence physique plus de la moitié de l'année couvre une grande majorité des cas, et des critères secondaires permettent en principe de traiter les situations particulières restantes.
Néanmoins, en pratique, les citoyens concernés peuvent souvent rencontrer quelques obstacles avant de pouvoir vraiment éclaircir leur dépendance respective aux diverses administrations nationales dont ils peuvent relever. L'exemple cité précédemment montre qu'un citoyen français résidant par exemple en Belgique aura souvent du mal à ne pas contribuer deux fois pour la protection sociale, tout en n'en bénéficiant évidemment qu'une seule fois.
La situation est certes complexe, mais l'effort en vaut clairement la peine, d’autant plus que cela contribue à l'un des premiers principes fondateurs de l'UE, à savoir la libre circulation des personnes et des biens. Le principe de savoir clairement à l’avance comment chaque citoyen sera taxé est plus que louable ; cela doit se faire sur des bases transparentes, connues de tous, et progressivement " rapprochées " entre Etats membres de l’UE.
Source : L'Echo