
Il existe actuellement une certaine confusion en ce qui concerne les exit tax. Entendue dans leur sens stricte, les exit tax concernent l’impôt à payer lorsqu’une personne ou une société décide de quitter le pays.
Actuellement, en droit belge, l’exit tax concerne :
Le projet de loi plus-value intègre, également, un système d’exit tax.
Chacun de ces trois textes instaure ou projette d’instaurer un régime de taxation différent.
Il est acquis de longue date que le « transfert à l'étranger du principal établissement ou du siège de direction ou d'administration » d’une société belge est assimilé à une liquidation dans la chef de la société concernée (art. 210, 4° CIR 92). En vertu de cette « fiction de liquidation », la société paye l’impôt des sociétés sur l’ensemble des plus-values latente à la sortie ([1]).
La question se posait de savoir si cette fiction de liquidation s’étendait à la situation de l’actionnaire. Le Services des Décisions Anticipées avait toujours considéré que le texte clair de l’article 18 CIR 92 ne permettait pas d’étendre cette fiction. En effet, l’article 18, 1° CIR 92 stipule que « Les dividendes comprennent: […] tous les avantages attribués par une société aux actions, parts et parts bénéficiaires, quelle que soit leur dénomination, obtenus à quelque titre et sous quelque forme que ce soit ». Or, lorsqu’une société transfère son siège sans rupture de la personnalité juridique, il n’y pas d’avantage attribué à l’actionnaire.
L’administration centrale ne l’entendait pas de cette oreille et avait tenté de contester cette position dans le cadre d’une affaire qui a donné lieu à un jugement du tribunal de première instance du Brabant Wallon. Dans cette affaire le tribunal avait donné raison au contribuable et confirmé la thèse du Service des Décisions Anticipées.
Il y a cependant une perte de matière taxable pour l’Etat belge ([2]).
Le législateur est donc intervenu et la loi prévoit désormais que « Les dividendes comprennent […] la partie de l'avoir social d'une société qui, en vertu de l'article 209, est considérée comme un dividende distribué à l'impôt des société » à l’occasion d’un transfert de siège (art. 18, 2° quater CIR 92).
Cette nouvelle disposition est applicable à compter du 29 juillet 2025 et concerne une taxation de l’ensemble du dividende réputé distribué à l’occasion d’un transfert de siège d’une société. Il se calcule donc sur l’actif net revalorisé de la société concernée à la date du transfert.
La loi cayman prévoit, par ailleurs, un dividende réputé distribué correspondant aux « bénéfice non-distribués d’une construction juridique […] qui sont censés être attribués ou mis en paiement au fondateur d'une construction juridique, au moment où:
La Cour constitutionnelle est récemment intervenue pour préciser que « la notion de « bénéfices non distribués » vise les réserves de la construction juridique qui excèdent le montant des capitaux apportés par le fondateur. Dès lors que les notions de « bénéfice » et de « réserve » supposent des revenus qui ont été recueillis par la construction juridique, le cas échéant à la suite de la réalisation d’actifs, et qui n’ont pas été distribués, la notion de « bénéfices non distribués » ne vise pas les plus-values latentes sur les actifs. » (C. Const, 18/9/2025, n°117/2025, pt. B21 in fine).
Cette disposition s’applique donc dans l’hypothèse d’un transfert de siège de l’entité ou d’un changement de résidence fiscal du fondateur. Cependant, elle ne permet pas d’imposer autre chose que les réserves effectivement accumulées par l’entité.
L’avant-projet de loi prévoit, sans surprise, que la modification de la résidence fiscale déclenche l’imposition de la plus-value latente à la sortie. Le projet d’exposé des motifs précise que l’impôt serait effectivement du, uniquement si la plus-value est réalisée dans les deux ans qui suivent le transfert de la résidence.
S’agissant d’un avant-projet, le texte pourrait encore évoluer… a fortiori compte tenu de l’instabilité politique actuelle.
A ce stade, on retient qu’il s’agit d’une imposition de l’ensemble des plus-values latentes, à la sortie et aux taux prévus pour les plus-values (qui ne sont pas les mêmes que ceux prévus pour les dividendes).
Précisons d’emblée que, depuis l’arrêt de Lasteyrie du Saillant[3], la jurisprudence de la Cour de justice considère que les Exit Tax ne sont pas contraires, par principe, aux libertés européennes si elles respectent certaines conditions. La directive ATAD impose même aux Etats membres de prévoir des impôts à la sortie dans certaines conditions ([4]).
Le maintien de trois régimes différents qui visent des situations qui pourraient être considérées comme objectivement identiques interpelle par contre.
La Cour constitutionnelle a, jusqu’ici, refusé d’y voir une discrimination au motif que « les hypothèses de distribution fictive de dividendes prévues [dans le cadre de loi Cayman] ne sont donc susceptibles de s’appliquer qu’à des structures artificielles, dépourvues de réalité économique, et dont les revenus relèvent dès lors en principe du pouvoir d’imposition de la Belgique » (C. Const, 18/9/2025, n°117/2025, pt. B33 in fine).
A la date de cet arrêt, l’avant-projet de loi sur les plus-values n’était, cependant, même pas encore déposé…
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[1] Sauf en cas de transfert vers une autre Etat membre de l’UE et pour les éléments qui sont conservé dans un établissement belge (Art. 214bis CIR 92).
[2] Après le transfert, le dividende perçu par l’actionnaire non-résident ne subira plus le précompte mobilier éventuellement limité par l’application de la CPDI. L’actionnaire résident continuera à subir le précompte mobilier en Belgique, éventuellement amputé de la retenue à la source conventionnelle pratiquée par le nouvel Etat de résidence de la société (lorsque l’Etat belge applique correctement ces conventions, mais c’est un autre sujet).
[3] CJUE n°C9/02, dd. 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant
[4] Directive n°2016/1164 du 12 juillet 2016, art. 5