Les plus-values sur actions dans le collimateur de l’administration fiscale ?

Cet article est publié dans le cadre du Tax Tv Show du mardi 26 mars 2024.


Contrairement à ce qui se passe dans nombre d’états voisins, il n’existe pas au stade actuel dans notre code des impôts sur les revenus de disposition taxant de manière généralisée et systématique les plus-values réalisées par une personne physique lors d’une cession d’actions.

Cela pourrait changer à l’avenir, mais il ne se déduit pas de ceci que les plus-values sur actions réalisées par une personne physiques ne peuvent, au stade actuel de la législation, jamais être taxées.

En effet, l’article 90, 1° du CIR permet, dans certaines hypothèses, de taxer ces plus-values au titre de revenus divers, et au taux de 33 %. Cet article contient un principe : tous les profits réalisés en dehors d’une activité professionnelle sont en principe taxables au titre de revenus divers.

Ce principe souffre toutefois une exception : les profits relevant de la gestion normale d’un patrimoine privé ne sont pas taxables, pour peu que ce patrimoine privé soit composé d’immeubles, de valeurs de portefeuille ou d’objets mobiliers.


L’article 90,9°

Par ailleurs, cet article a été complété en 2009 par un article 90, 9°, qui stipule que toutes les plus-values réalisées par une personne physique lors de la cession d’actions ou parts de quelque nature que ce soit sont imposables au titre de revenus divers, au taux de 33 %, sauf celles qui relèvent de la gestion normale d’un patrimoine privé.

Il s’en déduit que si l’administration fiscale est en mesure d’établir que la plus-value réalisée par une personne physique lors d’une cession d’actions ne relève pas d’une gestion normale de patrimoine privé, elle peut la taxer au titre de revenus divers.

Un faisceau d’éléments entrent en ligne de compte, les principaux étant le cours laps de temps entre l’achat et la revente, le fait d’avoir contracté un crédit pour l’acquisition des actions, des modalités particulières entourant la cession ou encore la répétition de ce type d’opérations.


Evitons d’écrire des bêtises dans les conventions de cession d’actions !

Par ailleurs, certaines décisions de justice favorables à l’administration ont épinglé le fait que les conventions de cession d’actions ou d’autres documents contractuels démontraient l’intention spéculative, ou encore le fait que le prix de cession portait totalement ou partiellement non pas sur la cession d’actions en tant que telle, mais sur un goodwill rémunérant par exemple l’implication personnelle du cédant dans la gestion future de la société dont les actions faisaient l’objet de la cession. Ledit goodwill état dans cette hypothèse taxable au titre de revenu professionnel dans le chef du cédant.

Il faut donc être particulièrement prudent dans la rédaction de ce type de convention, et éviter d’y faire figurer des considérations, par ailleurs souvent inutiles, portant par exemple sur les modalités de détermination du prix et qui pourraient donner de mauvaises idées à certains contrôleurs fiscaux.

Par ailleurs, l’article 90, 9° du CIR contient également une disposition taxant d’office au taux de 16,5 % les plus-values sur actions réalisées par une personne physique détenant ou ayant détenu, seule ou avec les membres de son groupe familial proche, au moins 25 % des parts de la société cédée dans les 5 ans précédant la cession, lorsque le cessionnaire est une société établie en dehors de l’espace économique européen ou lorsque le cessionnaire ces parts les cède à son tour dans un délai d’un an à une telle société étrangère.

Notons qu’il est facile de contourner la difficulté en cédant ses actions non pas à la personne morale étrangère mais à une filiale belge constituée par cette dernière pour l’occasion et en interdisant toute cession ultérieure pendant un an.


Une offensive administrative appliquant l’abus fiscal aux cessions d’actions.

Plusieurs décisions judiciaires récentes ont également considéré que certaines cessions d’actions de sociétés ayant accumulé d’importantes réserves taxées et non distribuées étaient constitutives d’abus fiscal, lorsque la société acquéreuse avait payé le prix de cession au moyen d’un dividende obtenu par la société acquéreuse peu de temps après la cession, dividende non taxable et non soumis à une retenue de précompte mobilier.

L’opération étant alors tenue pour inopposable par l’administration fiscale, laquelle impose dans cette hypothèse le cédant à concurrence du précompte mobilier (majoré d’accroissements d’impôts) auquel il avait abusivement échappé du fait de la cession.


Le danger d’être considéré comme un professionnel de la cession…

Par ailleurs, il arrive parfois que l’administration fiscale constate, dans le chef d’un contribuable, plusieurs opérations successives d’achat de parts de sociétés (souvent en difficulté) suivie d’une revente à bref délai avec réalisation d’une importante plus-value après que la situation de la société a été redressée par l’acquéreur.

Dans cette hypothèse (heureusement assez rare), il peut arriver que l’administration fiscale tente de démontrer que les opérations successives d’achat et de revente de parts de sociétés constituent une véritable activité professionnelle pour l’acquéreur, les plus-values réalisées lors de la revente des parts étant alors taxables dans son chef au titre de revenus professionnels.


Préparer sa cession en mettant de l’ordre dans sa trésorerie excédentaire ou en investissant préalablement.

Comme on le voit, il est important d’analyser soigneusement toute opération de vente d’actions pour préparer son dossier et minimiser le risque de taxation.

Il est notamment important d’éviter de céder les parts d’une société disposant d’importantes réserves taxées et comportant une trésorerie excédentaire, ce qui peut par exemple se réaliser en investissant préalablement cette trésorerie, ou en s’assurant en tout cas que le prix de cession ne soit ni évalué sur base de cette trésorerie, ni payé au moyen d’un dividende ultérieur.

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