Le "carried interest" permet aux dirigeants et employés de sociétés d’investissement de bénéficier de plus-values résultant de la vente des participations d’une entreprise dans laquelle ils ont investi.
Ce mécanisme diffère de l’« earn out » qui permet de bénéficier de la partie du prix de vente variable selon les objectifs et les conditions définies en amont.
En pratique, cette stratégie de co-investissement est fréquemment structurée au moyen d'un plan d'options sur actions. Les dirigeants et les employés ont ainsi la possibilité d'acquérir des options sur actions, à un prix préalablement défini, qu'il soit déterminé ou non. Conformément à la loi du 16 mars 1999 relative aux options sur actions, l’avantage imposable applicable à ces dernières est fixé de manière forfaitaire, à hauteur de 18 % (ou 9 % sous réserve de la satisfaction de certaines conditions) de la valeur de l'action sous-jacente.
En pratique, une option d’achat est souvent constituée afin de permettre à la société émettrice d’acheter à un prix déterminé les actions acquises par les dirigeants ou employés à la suite de l’exercice de leurs options sur actions. Il est couramment observé que l'administration fiscale tente d’imposer ces types de revenus en les qualifiant de "revenus professionnels".
Cet article est publié dans le cadre du Tax TV Show du 3 octobre 2023
Nouvelle jurisprudence
Une décision récente émanant du Tribunal de première instance de Bruxelles du 27 mars 2023, a débouté l'administration fiscale dans sa tentative de procéder à cette requalification. En l’espèce, en 2001, une société d’investissement cotée en bourse avait mis en place un système de co-investissement par lequel les dirigeants et les employés pouvaient investir dans des sociétés de co-investissement.
Plus précisément, la société d’investissement a racheté une société cible avec notamment comme objectif de pouvoir faire profiter les dirigeants de sa prise de valeur attendue lorsqu’elle serait revendue par la suite. Un employé avait alors reçu gratuitement des options sur actions afférentes à cette société cible. Il a mentionné ces options sur actions dans ses déclarations fiscales en tant qu’avantage de toute nature. Ultérieurement, cet employé a exercé les options sur actions. Quelques années après, ces actions ainsi acquises ont été revendues à la société d'investissement moyennant une plus-value substantielle.
L'administration fiscale a conclu à la présence d'une simulation, considérant que la société d'investissement et l'employé avaient l'intention d’éviter une taxation au titre de revenus professionnels en recourant au mécanisme de co-investissement. En effet, les plus-values sur actions réalisées en dehors de l’activité professionnelle sont exonérées à l’impôt des personnes physiques.
Décision du tribunal de première instance
Le Tribunal de première instance de Bruxelles a rejeté cet argument avancé par l’administration fiscale, car il n’y a selon lui pas eu d’intention frauduleuse ou de dessein de nuire et toutes les dispositions de la loi sur les options sur actions ont été correctement respectées. Par conséquent, les plus-values sur actions ne doivent pas être imposées au titre de revenus professionnels.
À l’heure actuelle, il semblerait que l’imposition d’un carried interest ou d’un earn out correctement structuré en tant que revenus professionnels ne soit pas envisageable.