Bon nombre de Belges ont des secondes résidences en France détenues via des sociétés civiles immobilières (« SCI ») françaises.
Ces SCI sont-elles des « constructions juridiques » soumises au « régime Caïman » lorsqu’elles ne donnent pas leurs immeubles en location ?
Les SCI sont des sociétés ‘hybrides’, càd. fiscalement transparentes en France mais opaques en Belgique. Elles étaient jusqu’à présent considérées comme exclues du régime Caïman sur base de l’« exception de CPDI » d’un arrêté royal de 2018 : leur activité principale génère en effet des revenus qui, en vertu d’une convention préventive de la double imposition (« CPDI »), auraient été exonérés de l’impôt belge dans le chef d’un résident personne physique s’il les avait recueillis directement (loyers et plus-values immobilières).
A partir de l’exercice d’imposition 2025, cet arrêté royal de 2018 a été intégré dans le Code des impôts sur les revenus, mais pas entièrement : l’« exception de CPDI » a disparu sans un mot d’explication.
Il ne reste dès lors qu’une possibilité pour les SCI d’échapper à la qualification de « constructions juridiques » : l’« exception de taxation minimale ». Cette exception requiert que les revenus de la SCI soient soumis, dans le chef de l’associé belge concerné, à un impôt sur les revenus en vertu la loi française qui s’élève à au moins 1% de la part incombant à cet associé sur le revenu imposable de la société déterminé conformément aux règles belges.
En d’autres termes, il faut :
A priori, à l’impôt belge des sociétés, en l’absence de revenus locatifs ou de plus-values, il n’y a pas de base taxable. Le résultat du 1) est donc 0. La part de l’associé dans 0 est 0. Or si le 1) et le 2) s’élèvent à 0, et que l’associé a payé 0 en France, le montant visé au 3), à savoir 0, est au moins égal à 1% de 0 (soit 0)…
Le test « quantitatif » est donc satisfait et la SCI n’est pas une construction juridique.
On a toutefois avancé que si la société était belge, elle pourrait être taxable, en vertu d’un article 26 du Code, sur l’« avantage anormal ou bénévole » qu’elle octroie en mettant le bien gratuitement à la disposition de notre contribuable, de sorte que le test de taxation minimale pourrait ne pas être satisfait (un dispositif équivalent n’existant pas en France pour les SCI transparentes).
Ce n’est cependant pas nécessairement le cas, loin de là, et il y a plusieurs arguments à faire valoir au cas par cas. Parmi ceux-ci : la non-qualification d’« entreprise » ou le possible assujettissement d’une société civile ne se livrant pas à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif à l’impôt des personnes morales plutôt qu’à l’impôt des sociétés, mettant de ce fait hors-jeu l’article 26.
Ce n’est certainement pas anodin, d’autant que la législation Caïman comporte des zones d’ombre.
En conclusion, il est recommandé de procéder à une analyse au cas par cas, sans oublier que le défaut de déclaration est sanctionné d’une amende de 6.250€ par construction juridique et par an, ce qui peut être lourd lorsque le contrôle remonte sur plusieurs périodes imposables (mais ce que les juges sanctionnent parfois pour défaut de proportionnalité).
Et en prenant un peu de recul, interrogeons-nous sur la logique qu’il y aurait à qualifier de construction juridique une société qui ne perçoit rien alors qu’il n’en serait rien si elle percevait un revenu (test du 1% satisfait), rappelons-nous le but de neutralisation de l’évasion fiscale qui était à la base de la législation Caïman, réfléchissons à la compatibilité de tout ceci avec le droit européen, …