MOTEMS : ce terme n’évoquera probablement rien pour la plupart des lecteurs alors que voilà déjà presque dix ans qu’il est utilisé dans le cadre de certaines enquêtes pénales. Les MOTEMS sont en réalité des équipes mixes d’enquête multidisciplinaire qui sont composées d’enquêteurs de la police judiciaire fédérale et de fonctionnaires d’autres administrations. En 2014, au moment de leur création, il était apparu évident que la lutte contre la criminalité organisée et financière, la lutte contre la fraude fiscale et sociale et lutte contre la criminalité informatique devaient s’articuler autour d’une coopération renforcée entre les différentes administrations.
C’est d’abord dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale grave et organisée qu’un accord «MOTEM» a été conclu en 2019 entre la police fédérale et les inspections sociales du pays. Conforté par le succès et les résultats engrangés dans ce cadre par les équipes « MOTEMS », le gouvernement a déposé le 3 février dernier un projet de loi visant à la mise en place d’un cadre juridique rendant désormais possible la coopération entre le ministère public, la police judiciaire fédérale et l’administration fiscale dans la lutte contre la fraude fiscale grave, organisée ou non (Doc. Parl., la Chambre 2021-2022, n° 55-2472/001, pp 8-19). La participation des fonctionnaires de l’administration fiscale à des enquêtes pénales n’est pourtant pas une nouveauté mais la pratique a malheureusement démontré que cette coopération pouvait aboutir à des abus, ce qui a d’ailleurs conduit le législateur à circonscrire l’intervention des agents du fisc à un rôle de témoin, leur interdisant ainsi toute participation active dans les enquêtes pénales. Avec son projet de loi, le gouvernement entend revenir sur cette limitation et permettre ainsi à ces agents de participer pleinement aux missions des MOTEMS. Afin de renforcer leurs moyens d’actions dans le cadre des MOTEMS, Il est prévu d’attribuer la qualité d’officier de police judiciaire à au moins vingt-cinq agents du fisc, ce qui leur permettra d’intervenir dans les enquêtes pénales et de fournir une assistance aux services de police et aux juges d’instructions par exemple en participant activement aux perquisitions, à l’analyse des données saisies ou encore aux interrogatoires, le tout sous la direction et la supervision du procureur du roi.
Concrètement, les agents du fisc concernés auront pour mission de détecter et de constater des infractions en matière d’impôts directs et de TVA ainsi que des faits de blanchiment d’argent dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale grave, organisée ou non, et la lutte contre la criminalité organisée. Cette participation des agents du fisc aux MOTEMS sera temporaire et ad hoc, et sera fixée en fonction des besoins de l’enquête. Afin de renforcer l’efficacité des MOTEMS, il a été prévu d’y détacher les fonctionnaires disposant de l’expertise spécifique pour mener à bien les enquêtes.
Ce projet de loi pose bien évidemment bon nombre de questions. L’une d’elle -récurrente- étant le sort du respect du droit de garder le silence que toute personne visée par une enquête pénale peut faire valoir alors qu’il existe dans le même temps l’obligation de collaborer en matière fiscale même s’il est vrai que le projet de loi prévoit un garde-fou qui est l’interdiction pour les agents du fisc d’intégrer un MOTEM lorsqu’il est déjà impliqué dans une enquête administrative à laquelle se rapporte l’enquête menée par le MOTEM. De même, se pose la question de la coexistence des MOTEMS et du mode de concertation « una via » introduit par une loi de 2012, modifiée en 2019, qui contraint les autorités à choisir entre la voie administrative et la voie pénale en présence d’un cas de « fraude fiscale grave, organisée ou non ». Enfin, il est légitime de se poser la question du sort de la Charte du Contribuable de 1986 qui empêchait les agents du fisc d’intervenir personnellement dans les enquêtes pénales et qui est manifestement devenue caduque.