Certains s’évertuent, tels des vautours et prophètes de la fin des temps, à comparer la situation budgétaire de la Belgique à celle de la Grèce en 2010. Rien n’est plus faux, et ceux qui, comme moi, ont dû gérer ce dossier au sein d’une grande institution financière le savent mieux que quiconque.
Le problème de la Grèce, aux finances publiques précaires, plombées par le coût prohibitif des Jeux olympiques et d’ailleurs retardée de deux ans dans son entrée dans la zone euro, était que ses comptes publics avaient été maquillés avec l’aide de certains banquiers d’affaires. C’était donc un faux semblant destiné à soutenir le maintien de la Grèce dans la zone euro. À la décharge de ce pays, la Grèce ne partage (ait) aucune frontière avec un pays de la zone euro, ce qui rend l’adoption d’une monnaie commune plus fragile.
Est-ce le cas de la Belgique ? Absolument pas.
Cependant, l’endettement public de la Grèce s’est avéré insoutenable, atteignant près de 150 % du PIB en 2010. Mais là aussi, c’est très loin de la situation belge.
Mais alors, quel fut le problème de la Grèce ? C’est très simple : après le choc des subprimes en 2008, la plupart des banques européennes étaient extrêmement fragilisées et auraient fait faillite sans l’aide de leurs États et de la BCE. Si ce scénario catastrophe s’était concrétisé, la zone euro aurait implosé.
Or, il se trouve que la dette grecque, comme les subprimes, figurait dans les bilans de nombreuses banques et entreprises d’assurance. Un défaut (qui finit par arriver) de la Grèce aurait anéanti définitivement ces institutions, car il s’agissait de la dette de tout un pays — la Grèce en l’occurrence — qui aurait dû être refinancée par d’autres États membres. Il a donc fallu accepter des pertes tout en maintenant la Grèce dans la zone euro.
Pour mieux comprendre l’enjeu, en 2010, au moment où la crise des dettes souveraines grecques a éclaté, environ 70 à 80 % de la dette publique grecque était détenue par des investisseurs étrangers.
Pourquoi ? Parce que son rendement était légèrement supérieur à celui d’autres obligations d’État de la zone euro.
Si la dette grecque avait été détenue exclusivement par des banques grecques (ce qui était impossible, car l’épargne domestique grecque était insuffisante), la Grèce aurait été exclue de la zone euro, et elle serait retournée à une drachme dévaluée de 50 %, 75 %, voire davantage.
On est donc très loin de la situation belge, où la dette est largement détenue par la BCE et des institutions centrales solides, qui, si elles percevaient un danger, auraient depuis longtemps vendu cette dernière.
Nous sommes donc à des années-lumière d’un scénario « à la grecque ».