PME: le cryptique des contrôles fiscaux

« IL Y A TOUJOURS DES ACCROCS DANS LE TISSU DE LA VIE. L’IMPORTANT EST D’ÉCHAPPER À LA COMPLÈTE DÉCHIRURE.” - Annie Kubasiak Barbier


L’impôt des sociétés (ISOC) représente la 3e source de recettes fiscales pour l’État belge, avec plus de 13 milliards d’euros perçus en 2020.

Les 2 premiers étant l’impôt des personnes physiques (IPP : 42 milliards) et la TVA (27 milliards).

Par contre, c’est l’ISOC qui a les revenus majorés (en millions d’euros) les plus importants après vérification ;


Dans ce contexte, les contrôles fiscaux jouent un rôle crucial pour assurer la conformité des entreprises face à leurs obligations fiscales.

Examinons les principales informations du rapport de la Cour des comptes sur le contrôle des PME soumises à l’impôt des sociétés.

L’AMPLEUR DES CONTRÔLES FISCAUX EN BELGIQUE

Chaque année, environ 500.000 PME déposent une déclaration à l’impôt des sociétés.

Parmi ces déclarations, plus de 100.000 font l’objet d’une vérification par le SPF Finances, dont 35.000 à 52.000 dans le cadre de contrôles fiscaux dits “approfondis”.

Cependant, il est important de noter que le nombre de contrôles a diminué entre 2017 et 2020, passant de 52.297 à 34.444 vérifications approfondies, soit une baisse de 34% en trois ans.

IMPACT FINANCIER DES CONTRÔLES

Pour les entreprises belges, les chiffres liés aux contrôles fiscaux sont révélateurs :

  • Taux de productivité des contrôles : Entre 54% et 58% des contrôles approfondis aboutissent à une modification de la déclaration fiscale.
  • Majorations de revenus : Les contrôles ont entraîné plus de 4 milliards d’euros de majorations de revenus en 2020.

Gardez à l’esprit qu’une heure de travail d’un contrôleur rapporterait, en moyenne, 460 EUR (brut) lors d’un contrôle société (pour les actions d’inspections les plus importantes).

À la fin d’un contrôle, le fonctionnaire remplit, dans l’application Stirco, une fiche de résultat reprenant, entre autres, les heures prestées, les majorations de base imposable et d’impôts du dossier et une case indiquant si le dossier s’est avéré productif ou non.

Il établit également un rapport de vérification reprenant les éléments contrôlés, le déroulement du contrôle, les constats éventuels, les calculs relatifs à la rectification de la base imposable et la justification des éventuels accroissements.

PROBABILITÉ DE CONTRÔLE ET FORTES DISPARITÉS RÉGIONALES

Un des constats majeurs du rapport de la Cour des Comptes est l’inégalité de traitement entre contribuables selon leur localisation :

  • La proportion de PME contrôlées au moins une fois sur la période 2018-2020 varie considérablement selon les centres : de 6,9% (Bruxelles I) à 16,2% (Courtrai).
  • Ces différences persistent même en tenant compte de la taille des entreprises. Parmi les 25% de PME ayant un chiffre d’affaires supérieur à 430 000 euros, le taux de contrôle variait de 14,3% à Bruxelles I à 25,2% à Courtrai.
  • La répartition inégale des contrôleurs entre centres PME est l’une des principales raisons de ces disparités. En 2020, un contrôleur de Namur était responsable de 3,2 PME par jour de travail, contre 8,6 PME à Bruxelles I.

Vous l’aurez compris, avoir son siège Avenue Louise ou en Flandre reste un facteur impactant votre probabilité de contrôle.

MODIFICATIONS LEGISLATIVES ET IMPLICATIONS POUR LES ENTREPRISES

Un changement législatif relativement récent a modifié les conséquences d’un accroissement d’impôt pour les sociétés en perte.

Depuis l’exercice d’imposition 2019, l’article 207, alinéa 7, du CIR 1992 prévoit que les parties du résultat grevées d’un accroissement ne peuvent plus faire l’objet de déductions.

En pratique, cela signifie que pour une société en perte de 100 000 euros qui se voit infliger une majoration de base imposable de 100 000 euros :

  • Sans accroissement d’impôt : aucun impôt à payer
  • Avec un accroissement de 10% : 27 500 euros d’impôt à payer (25% sur la base imposable, plus 10% d’accroissement)

Cette modification renforce l’impact potentiel des contrôles fiscaux sur la trésorerie des entreprises en situation (d’autant plus en difficulté).

ANOMALIES CONSTATEES

La Cour des comptes a examiné 135 dossiers choisis aléatoirement parmi les contrôles en impôt des sociétés clôturés dans le cadre de l’action « Frais d’entreprises 2019 » et a mis en évidence des manquements d’importance variable dans 28 dossiers (soit 20 %) ;

  • Pas de notification de fin de contrôle ;
  • Discordances entre l’accord ou l’avis de rectification, la fiche de résultats et l’enrôlement ;
  • Rapport de vérification incomplet ou non conforme, accord non conforme ou incomplet ou autres manquements :
  • Heures prestées excessives encodées dans la fiche de résultats ;
  • Dossier incomplet ;
  • Abandon non expliqué des accroissements.

Cela veut aussi dire que l’administration n’est pas à l’abri d’erreurs et qu’il est nécessaire de vérifier un accord avec sa finalité reproduite dans un avertissement extrait de rôle.

RECOMMANDATIONS POUR LES ENTREPRENEURS

Face à ces constats, les entreprises belges devraient :

  1. Préparer rigoureusement leurs déclarations fiscales, notamment concernant les frais d’entreprise, qui constituent l’action de contrôle la plus fréquente.
  2. Conserver une documentation adéquate pour justifier leurs positions fiscales, particulièrement pour les points susceptibles de faire l’objet d’un contrôle.
  3. Anticiper l’impact potentiel d’un contrôle fiscalsur leur trésorerie, notamment pour les sociétés en situation de perte.
  4. Rester informées des évolutions législatives qui peuvent modifier les dispositions fiscales et donc les conséquences d’un contrôle fiscal.

Votre parfaite préparation fiscale, le respect scrupuleux des obligations légales et une documentation solide des positions prises constituent la meilleure protection face aux contrôles fiscaux et leurs conséquences potentielles.

Certains contribuables baissent les bras pour limiter les coûts et supprimer la charge mentale en acceptant des propositions d’accords qui peuvent s’avérer discutables. Pensez donc à assurer ce risque via l’extension de votre protection juridique ou une police spécifique.

QUE FAIRE EN CAS DE CONTROLE ?

Pour que la question ne se pose pas, privilégiez l’obtention préalable d’un ruling (lien) pour vos transactions importantes/complexes ou lorsqu’une zone de doute fiscale subsiste.

Par contre, quand le contrôle est à votre porte ;

  • C’est l’évidence mais consultez toujours votre expert-comptable et fiscal pour renforcer votre préparation ;
  • Réunissez la documentation complète sans fournir d’informations non demandées ;
  • Avec le fisc, les histoires finissent en addition, limitez vous à dire ce qui est vérifiable ;
  • Restez courtois mais vigilant ;
  • Prenez des notes détaillées de tous les échanges ;
  • Demandez des précisions sur les points contestés ;
  • N’acceptez pas de conclusions hâtives – demandez un temps de réflexion (quelqu’un qui vous pousse ne vous veut jamais du bien) ;
  • Exigez un fondement légal précis pour chaque redressement énoncé ;
  • Appuyez vos arguments sur des références légales et jurisprudentielles ;
  • Envisagez une procédure de conciliation fiscale via le Service de Conciliation Fiscale (lien) ;
  • Préparez-vous à un recours administratif puis judiciaire si nécessaire.

QUE FAUT-IL EN RETENIR ?

Les PME déposent 98 % des déclarations pour ce type d’impôt, c’est donc rappeler l’importance qu’elles ont dans notre tissu économique face aux grandes entreprises.

Entre 2016 et 2021, une baisse de 21 % du nombre de contrôleurs a été constatée, cela a été trois fois plus rapide que celle de l’ensemble des effectifs du SPF Finances.

Est-ce à dire que le contrôle fiscal est moins probable ? Rien n’est moins vrai, comme dans de nombreux domaines, l’informatisation est censée compenser la diminution des effectifs.

La Cour des comptes conclut que le SPF Finances parvient à cibler de manière efficace les contrôles fiscaux, mais n’est pas en mesure de garantir le respect des principes de sa politique de contrôle dans tous les centres PME.

Puisse ce qui précède vous être utile dans vos décisions et restez partisan des solutions réfléchies et guidées à 360° par vos conseils ainsi que par ceux qui ont expérimenté ce que vous vivez.

Thomas DRAGUET ©│thomas@anticiper.tax
ANTICIPER SRL, Expert-comptable Conseil fiscal certifié
+32 475 748 279 │www.anticiper.tax

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NB : Les données sont issues du rapport 2022 publié par la Cour des Comptes


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