Les concentrations de gaz à effet de serre, l'élévation du niveau de la mer, la température et l'acidification des océans, tels sont les indicateurs majeurs qui ont battu de nouveaux records en 2021, selon un rapport de l'Organisation météorologique mondiale (OMM), une agence spécialisée de l'ONU * mis en ligne ce mercredi 18. Analyse et commentaires.
Selon l’OMM, ceci démontre une fois encore la réalité des changements provoqués par les activités humaines à l’échelle planétaire, sur terre, dans les océans comme dans l’atmosphère, changements qui ont des répercussions délétères et pérennes sur le développement durable et les écosystèmes.
Le rapport de l’OMM sur l’état du climat mondial s’inscrit en complément du sixième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui porte sur la période prenant fin en 2019. Le rapport de l’OMM est accompagné d’une présentation en images et fournit aux décideurs des informations et des exemples pratiques sur l’évolution des indicateurs du changement climatique utilisés dans les rapports du GIEC au cours des dernières années à l’échelle mondiale et sur les répercussions des phénomènes extrêmes au niveau tant national que régional en 2021.
Le rapport de l’OMM sur l’état du climat mondial sera l’un des documents officiels lors des négociations des Nations Unies sur le changement climatique qui se tiendront en Égypte cette année dans le cadre de la COP27.
Le rapport a bénéficié de la contribution de dizaines d’experts des États Membres, issus notamment des Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) et des centres mondiaux de collecte et d’analyse des données, ainsi que des centres climatologiques régionaux, du Programme mondial de recherche sur le climat (PMRC), de la Veille de l’atmosphère globale (VAG), de la Veille mondiale de la cryosphère (VMC) et du service Copernicus de surveillance du changement climatique de l’Union européenne.
Le rapport a été publié à la veille de la réunion annuelle du Forum économique mondial 2022, à laquelle participeront plus de 2 000 dirigeants et experts du monde entier sur le thème «L’histoire à un tournant: politiques gouvernementales et stratégies commerciales». La mobilisation de l’action publique-privée pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux cruciaux de 2030 et 2050 sera un sujet clé de l’ordre du jour.
«Le rapport sur l’état du climat mondial souligne la nécessité d’agir rapidement, à grande échelle et de manière systémique pour atténuer les risques environnementaux répertoriés dans le rapport du Forum économique mondial sur la perception des risques dans le monde (Global Risks Report)», a déclaré Gim Huay Neo, membre du conseil d’administration du Forum économique mondial.
«Comme le montre le récent rapport du GIEC, nous avons déjà les moyens et le savoir-faire nécessaires pour réduire les émissions et limiter le réchauffement de la planète. Nous devons concentrer nos efforts sur des politiques et des solutions audacieuses, capables de transformer rapidement nos modes de production et de consommation des ressources. Les êtres humains et les partenariats doivent être au cœur de notre démarche, qu’il s’agisse de créer de nouveaux emplois, d’assurer un meilleur accès et des prix abordables pour tous et de construire un cadre de vie plus propre et plus vert.»
«La prochaine réunion annuelle de Davos est une occasion unique d’affirmer notre détermination en faveur de l’action pour le climat, de traduire nos ambitions dans les actes et de forger de nouveaux partenariats afin de créer ensemble un avenir dont nous pourrons être fiers», a-t-elle conclu.
En 2020, les concentrations de gaz à effet de serre avaient atteint des niveaux records et il ressort des données relatives à certains sites spécifiques que leur progression s’est poursuivie en 2021.
En 2021, la température annuelle moyenne mondiale a dépassé d’environ 1,11 °C (±0,13) la moyenne préindustrielle de la période 1850-1900, tout en restant inférieure à celle constatée au cours des années récentes en raison du refroidissement dû aux épisodes La Niña en début et en fin d’année. Les sept dernières années, de 2015 à 2019, ont été les plus chaudes jamais enregistrées.
Le réchauffement océanique bat des records. En 2021, l’océan a continué de se réchauffer jusqu’à une profondeur de 2 000 mètres et il est prévu que cette tendance se maintienne, occasionnant un changement irréversible pendant plusieurs siècles, voire millénaires. Tous les jeux de données indiquent que le réchauffement des océans a connu une augmentation particulièrement marquée au cours des deux dernières décennies. La chaleur pénètre à des niveaux toujours plus profonds. Une grande partie de la surface océanique a connu au moins une vague de chaleur «forte» à un moment donné en 2021.
Acidification des océans. Les océans absorbent environ 23 % des émissions atmosphériques annuelles de CO2 d’origine anthropique. La réaction qui en résulte avec l’eau de mer entraîne une acidification des océans qui menace les organismes et les services écosystémiques, et compromet donc la sécurité alimentaire, le tourisme et la protection du littoral. Plus son pH diminue, moins l’océan peut absorber le CO2 de l’atmosphère. Selon le rapport du GIEC, «il est possible d’affirmer avec une grande certitude que la valeur du pH de surface en haute mer est actuellement la plus basse depuis au moins 26 000 ans et que les taux actuels de variation du pH atteignent des niveaux sans précédent depuis au moins vingt-six millénaires».
Le niveau moyen de la mer à l’échelle du globe a atteint un nouveau record en 2021, après avoir augmenté en moyenne de 4,5 mm par an au cours de la période comprise entre 2013 et 2021. Ce taux est plus de deux fois supérieur à celui enregistré entre 1993 et 2002 ce qui s’explique principalement par l’accélération de la perte de masse subie par les calottes glaciaires. Ce phénomène a des conséquences majeures pour les centaines de millions d’habitants des zones côtières et accroît la vulnérabilité face aux cyclones tropicaux.
Cryosphère. Bien que la fonte des glaciers ait été moins marquée au cours de l’année glaciologique 2020-2021 qu’au cours des années précédentes, la tendance est manifestement à l’accélération de la perte de masse sur des échelles de temps multidécennales. En moyenne, les glaciers de référence de la planète ont perdu 33,5 mètres d’épaisseur (équivalent glace) depuis 1950, 76 % de cette fonte ayant eu lieu depuis 1980. L’année 2021 a été particulièrement draconienne pour les glaciers du Canada et du nord-ouest des États-Unis, avec une perte de masse glaciaire record due aux vagues de chaleur et aux incendies de juin et juillet. Le Groenland a connu un épisode de fonte exceptionnel à la mi-août et on a enregistré pour la toute première fois des précipitations à Summit Station, le point culminant de la calotte glaciaire, à 3 216 m d’altitude.
En raison de vagues de chaleur exceptionnelles, de nouveaux records ont été établis dans l’ouest de l’Amérique du Nord et en Méditerranée. Dans la Vallée de la Mort, en Californie, on a relevé une température de 54,4 °C le 9 juillet, niveau déjà atteint en 2020 et qui reste le plus élevé jamais enregistré sur la planète depuis au moins les années 1930. À Syracuse, en Sicile, le mercure a atteint 48,8 °C. Le 29 juin, en Colombie-Britannique au Canada, on a relevé une température de 49,6 °C qui a contribué à plus de 500 décès liés à la chaleur et a alimenté des incendies de forêt dévastateurs qui ont aggravé les conséquences des inondations de novembre.
Les inondations ont entraîné un préjudice économique de 17,7 milliards de dollars des États-Unis dans la province chinoise du Henan, et l’Europe occidentale a connu à la mi-juillet des inondations comptant parmi les plus graves jamais enregistrées, avec des pertes économiques supérieures à 20 milliards de dollars É.-U. en Allemagne. Le bilan humain a également été très lourd.
La sécheresse a touché de nombreuses régions du monde, donc la Corne de l’Afrique, le Canada, l’ouest des États-Unis, l’Iran, l’Afghanistan, le Pakistan et la Turquie. En Amérique du Sud subtropicale, ce phénomène a provoqué d’importantes pertes agricoles et a perturbé la production d’énergie et le transport fluvial. La sécheresse dans la Corne de l’Afrique continue à gagner en intensité en 2022. L’Afrique de l’Est est confrontée à la possibilité bien réelle d’une absence de pluies pour la quatrième saison consécutive, l’Éthiopie, le Kenya et la Somalie subissant ainsi le plus long épisode de sécheresse de ces 40 dernières années. Les organisations d’aide humanitaire mettent en garde contre les effets dévastateurs de cette situation sur les populations de la région et leurs moyens de subsistance.
L’ouragan Ida a été le plus destructeur de la saison dans l’Atlantique Nord, touchant terre en Louisiane le 29 août et occasionnant des pertes économiques estimées à 75 milliards de dollars aux États-Unis.
Le trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique a affiché une dimension et une profondeur exceptionnelles, sa superficie maximale atteignant 24,8 millions de km2 (équivalente à celle de l’Afrique) en raison d’un tourbillon circumpolaire fort et stable et de conditions plus froides que la moyenne dans la basse stratosphère.
Sécurité alimentaire. Les effets conjugués des conflits, des phénomènes météorologiques extrêmes et des chocs économiques, exacerbés par la pandémie de COVID-19, mettent à mal les progrès réalisés dans le monde au fil de plusieurs décennies en matière de sécurité alimentaire. En raison de l’aggravation des crises humanitaires en 2021, un nombre croissant de pays est menacé par la famine. En 2020, plus de la moitié des personnes sous-alimentées dans le monde vivaient en Asie (418 millions) et un tiers d’entre elles résidaient en Afrique (282 millions).
Déplacements des populations. Les aléas hydrométéorologiques ont continué à provoquer des déplacements internes de populations. Selon les statistiques valables en octobre 2021, c’est la Chine qui enregistrait le plus grand nombre de personnes déplacées (plus de 1,4 million), suivie des Philippines (plus de 386 000) et du Viet Nam (plus de 664 000).
Les écosystèmes terrestres, d’eau douce, côtiers et marins et les services qu’ils fournissent subissent les effets du changement climatique, même si leur niveau de vulnérabilité n’est pas toujours le même. Certains écosystèmes se dégradent à un rythme sans précédent. On constate par exemple que les écosystèmes de montagne – les châteaux d’eau du monde – sont particulièrement perturbés. La hausse des températures accroît le risque d’une perte irréversible des écosystèmes marins et côtiers, notamment les herbiers marins et les forêts de laminaires. Les récifs coralliens sont particulièrement vulnérables face au changement climatique. Selon les prévisions, la couverture corallienne devrait diminuer de 70 à 90 % pour un réchauffement de 1,5 °C et de plus de 99 % si la température moyenne augmente de 2 °C. D’ici la fin du siècle, en fonction du rythme de l’élévation du niveau de la mer, 20 à 90 % des zones humides côtières risquent de disparaître, ce qui aura des répercussions supplémentaires sur la production alimentaire, le tourisme et la protection du littoral, entre autres services écosystémiques.
Source :Organisation météorologique mondiale (OMM), mai 2022
* L’Organisation météorologique mondiale est l’organisme des Nations Unies qui fait autorité pour les questions relatives au temps, au climat et à l’eau