Nous sommes confrontés à des déséquilibres d'une ampleur inédite : l'épuisement des ressources naturelles, une surpopulation génératrice de tensions militaires et bellicistes, la fluctuation de l'innovation et des zones de croissance éphémères...
Quand tout a-t-il débuté ? Il serait absurde de trancher le fil de l'histoire. Cependant, je situe le tournant à l'époque du krach financier de 2008. Car à partir de là, l'avenir s'est estompé.
Depuis la crise de 2008, je m'interroge sur sa signification latente. Elle a mis à jour tant d'inquiétudes : cette crise était-elle le présage d'une fin de cycle économique ou bien le symptôme de la saturation d'un modèle de pensée ?
S'agit-il de l'apogée de la lutte des classes ou d'une friction superficielle ? Peut-on envisager de nouvelles utopies, ou devons-nous nous résigner à une immersion toujours plus poussée dans une économie de marché exigeante ?
Sommes-nous à l'aube ou au crépuscule d'une phase de notre civilisation ?
L'État, en tant qu'expression collective, est-il encore capable de jouer un rôle régulateur alors que les citoyens sont individuellement livrés à l'économie de marché ?
En vérité, la crise de 2008 fut un signe précurseur : elle a sonné le glas d'un monde de rentiers d'idées.
Des chocs sociopolitiques majeurs se profilent à mesure que nous peinons à maintenir la cohésion sociale et la mixité. En effet, la croissance économique est un pont vers l'avenir. Son absence persistante devient une prison, nous privant d'une projection crédible vers un futur économique plus prospère.
Quels sont les barreaux de cette prison ? Ils sont constitués de l'énorme dette que nous avons accumulée et qui devra être déduite de l'avenir, telle une inversion du monde. Il s'agit non seulement de la dette publique, mais aussi des autres dettes sociales, comme l'aggravation des inégalités, et des dettes sociétales, comme les retards en matière d'environnement et de climat. Cette réduction du futur, qui ne peut plus reposer sur la croissance, risque de conduire à l'exclusion et à la prédation, d'autant plus que l'entrée dans l'économie numérique va temporairement atomiser de larges pans de l'économie de marché.
Nous ne vivons pas une simple crise, mais un bouleversement structurel. La véritable question concerne la vision de l'avenir de la société, les structures sociales devenant extrêmement vulnérables.
Les démocraties seront testées dans le sillage des chocs économiques. Insidieusement, d'autres formes politiques, plus autoritaires, pourraient voir le jour. Le XXIe siècle sera-t-il plus apaisé ? J'en doute.
Tout se met en place pour alimenter les replis identitaires, les égoïsmes, les pertes de civilités, ce dont certains espèrent tirer profit, alors qu'en réalité, nous serons tous perdants.