Quelles sont les dernières actualités en matière de droits d’enregistrement et de succession, dans les régions bruxelloise et wallonne?

A) L’ordonnance bruxelloise du 6 juillet 2023

Cette ordonnance vise à moderniser et de simplifier certaines dispositions du Code des droits de succession et du Code des droits d’enregistrement, avec une double finalité :

  • adapter les règles fiscales aux évolutions des structures familiales ;
  • améliorer le sort fiscal des libéralités consenties à des personnes non parentes, aux cohabitants de fait, ainsi que le saut de génération.

Cet objectif s’est concrétisé principalement à travers deux adaptations législatives, à savoir (i) l’assimilation des cohabitants de fait aux époux et cohabitants légaux pour le bénéfice des mécanismes fiscaux avantageux, et (ii) la mise en place d’un tarif réduit pour les « legs à un ami ».

(i) L’assimilation des cohabitants de fait aux époux et cohabitants légaux

Sous l’angle des droits de succession, l’évolution la plus marquante réside dans l’assimilation des cohabitants de fait aux « partenaires ». Ce statut était réservé jusqu’ici aux seuls époux et cohabitants légaux du défunt. Désormais, la définition du partenaire a été étendue pour englober également « la personne qui, au jour de l'ouverture de la succession, cohabitait avec le défunt de façon ininterrompue et formait avec lui un ménage commun depuis au moins un an ou, pour l'application des articles 60bis à 60bis/3 et 60ter, trois ans ».

Les conditions permettant de prendre en considération la cohabitation de fait sont les suivantes :

  • la cohabitation doit être effective avec le défunt, au jour de l’ouverture de la succession ;
  • les cohabitants doivent former un ménage commun (même habitation, mais pas de nécessité de former un couple) ;
  • la durée de la cohabitation doit être d’un an ou de trois ans ;

Il en découle un gain significatif sous l’angle des tarifs en droits de succession :

Tarif applicable entre « partenaires » (et en ligne directe)

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Tarif applicable entre personnes non-apparentées

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En résumé, les avantages fiscaux étendus au bénéfice des cohabitants de fait sont les suivants :

  • le bénéfice des tarifs, réductions et exemptions réservés jusqu’ici aux époux et cohabitants légaux (exigence : cohabitation ininterrompue de minimum 1 an) ;
  • le bénéfice du taux réduit relatif à la transmission de l’habitation familiale du défunt (exigence : cohabitation ininterrompue de minimum 3 an) ;
  • le bénéfice du taux réduit relatif à la transmission de l’entreprise familiale (exigence : cohabitation ininterrompue de minimum 3 ans) ;
  • assimilation des enfants du cohabitant de fait du conjoint au enfants du défunt pour le bénéfice des droits

Des dispositions légales similaires ont été introduites dans le Code des droits d’enregistrement. Celles-ci permettent notamment de bénéficier de donations au tarif de la ligne directe (cohabitation de 1 an) et d'une exonération en cas de donation d'actions d'entreprises familiales et de sociétés (cohabitation de 1 an).

(ii) L’instauration du « legs à un ami »

A l’instar du mécanisme à l’œuvre en Flandre, la région bruxelloise a prévu la possibilité de léguer à une ou plusieurs personnes physiques la somme globale de 15.000€, moyennant un taux d’imposition de 3%. Cette désignation doit nécessairement intervenir par voie testamentaire. La déclaration de succession mentionnera, quant à elle, expressément la volonté de bénéficier de ce taux avantageux.


B) Le décret wallon du 12 juillet 2023

Ce décret a pour effet d’augmenter le montant de l’abattement prévu pour l’acquisition d’une première habitation située en région wallonne.

Le montant de l'abattement dont question à l'alinéa 1er est déterminé comme suit :

  1. lorsque la base imposable excède 500 000€ : 20 000€ ;
  2. lorsque la base imposable est comprise entre 350 000 et 500 000€ : 40 000€ - (20 000€ x (base imposable - 350 000)/150 000) ;
  3. lorsque la base imposable n'excède pas 350 000€ : 40 000€.

En cas d'acquisition d'un terrain à bâtir ou d'une habitation en construction ou sur plan, le montant de l'abattement dont question à l'alinéa 1er est déterminé comme suit :

  1. lorsque la base imposable excède 250 000€ : 20 000€ ;
  2. lorsque la base imposable est comprise entre 175 000 et 250 000€ : 40 000€ - (20 000€ x (base imposable - 175 000)/75 000) ;
  3. lorsque la base imposable n'excède pas 175 000€ : 40 000€.

Quelles sont les conditions pour bénéficier de cet avantage fiscal ?

  • Le bien doit être acquis aux termes d’une vente (>< donation ou partage) ;
  • Le bien acquis doit se situer en région wallonne ;
  • Les acquéreurs doivent être des personnes physiques ;
  • Le bien doit être affecté ou destiné à l'habitation ;
  • L'acquisition doit porter sur la totalité en pleine propriété ;
  • Interdiction de posséder un autre immeuble destiné à l’habitation ;
  • L'habitation doit être affectée à la résidence principale de l’acquéreur dans les 3 ans suivant l'enregistrement de l'acquisition ;
  • L’acquéreur est tenu de maintenir sa résidence principale dans ce bien durant une période ininterrompue de trois ans.


C) Quelles tendances se dégagent de ces évolutions législatives ?

(i) Le jeu de la concurrence interrégionale relative aux avantages fiscaux de la primo-acquisition

L’évolution de la fiscalité successorale ne peut être appréciée qu’à l’aune du mouvement de régionalisation qu’elle a subi depuis 1989. Les régions sont aujourd’hui compétentes pour modifier la base imposable, le taux et les exonérations des droits de succession. Cette compétence a notamment été utilisée pour mettre en place, dans chaque région, des incitants fiscaux spécifiques à la primo-acquisition.

Dans ce contexte, le nouveau décret wallon s’inscrit à la suite d’autres réformes adoptées depuis 2018 et qui visaient déjà à réduire la charge fiscale sur la primo-acquisition. La fréquence des évolutions législatives en matière de fiscalité de l’acquisition immobilière (spécialement les primo-acquisitions) témoigne de l’intérêt des législateurs régionaux pour cette thématique. Derrière la volonté affichée de faciliter l’accès à la propriété, en particulier pour les jeunes et la classe moyenne, on voit poindre l’ombre d’une concurrence fiscale qui viserait à favoriser l’établissement des contribuables sur le territoire de telle ou telle Région.

Tant qu’elle demeure loyale et encadrée, la concurrence fiscale interrégionale peut être un élément de stimulation favorable au contribuable, notamment parce qu’elle est susceptible de discipliner des autorités dont la gestion n’est pas optimale et d’encourager une forme de convergence des normes fiscales vers des solutions plus efficaces. À titre d’exemple, il semble inéquitable et inutilement complexe de faire reposer, en Région wallonne, la réduction d’impôt au montant du revenu cadastral du bien vendu, dont on sait qu’il est souvent sans lien réel avec sa valeur locative. Sans doute serait-il préférable de s’inspirer de la solution retenue en Région bruxelloise ou en Flandre, en privilégiant une réduction du taux d’imposition ordinaire ou en majorant le montant de l’abattement pour une première habitation.

(ii) L’évolution vers une certaine convergence réglementaire

Si les législateurs régionaux peuvent, dans certains domaine, se livrer à une forme de concurrence, on observe également une forme de convergence réglementaire entre les dispositions législatives régionales. Ainsi les deux mesures phares de la nouvelle ordonnance bruxelloise, à savoir la valorisation du cohabitant de fait et le mécanisme du « legs à un amis », sont connues dans la législation flamande depuis plusieurs années.

Bien d’autres illustrations peuvent être trouvées. Ainsi, par exemple, peut-on rappeler que le tarif applicable aux donations immobilières a été uniformisé dans les 3 régions du pays. Il en va de même, par exemple, de l’exonération de droits de succession sur la transmission successorale entre époux du logement conjugal

De même, sur le modèle de son homologue wallon, le législateur bruxellois envisage d’étendre de 3 ans à 5 ans le délai d’attente permettant aux donations indirectes – à savoir celles réalisées par simple virement bancaire – d’échapper aux droits d’enregistrement de donation.

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