La monnaie n’est pas uniquement créée par les banques centrales qui se limitent à constituer, à titre indicatif (pour en formuler le coût) et/ou accessoire, un stock de monnaie. La monnaie est, en effet, créée par les banques privées au travers du multiplicateur du crédit, qui formalise l’adage « loans make deposits ». En d’autres termes, le rôle des banques commerciales consiste d’ailleurs, de manière contre-intuitive, à accélérer la déthésaurisation de la monnaie qui leur est confiée.
Elaborer quelques considérations sur la monnaie ne peut faire l’économie d’une esquisse de deux théories fréquemment opposées, à savoir l’Ecole de Keynes (1883-1946) et l’Ecole quantitative, dont les deux principaux représentants sont Fisher (1867-1947) et Friedman (1912-2006).
Selon la théorie keynésienne, la monnaie est une marchandise. Sa valeur varie de manière proportionnellement inverse à sa quantité. Keynes avance que la monnaie n'est pas totalement neutre. Elle est, pour partie (c’est-à-dire de manière marginale), exogène au flux des biens réels et l'État peut stimuler/contracter l'activité réelle par l'expansion ou la réduction de l'offre de monnaie.
Au contraire, l’Ecole quantitative suggère (de manière extrêmement simplifiée) que la monnaie n'est qu'une expression numérique relative. La quantité de monnaie et le taux d'intérêt sont neutres. On ne crée pas un pouvoir d'achat par la monnaie mais par l'offre de marchandises. Toutes choses restant égales, une variation de la quantité de monnaie entraîne, avec un éventuel retard, une variation des prix, sans impact sur l’économie réelle. Dans un remarquable petit opuscule (publié en français en 1927 sous l’intitulé « L’illusion de la monnaie stable »), Fisher explique les prémisses de son équation. Selon l’économiste, il existe une myopie monétaire. Cette dernière consiste à ne pas comprendre que ce ne sont pas les marchandises qui changent de valeur (car leurs flux sont relativement stables), mais leur expression en unité de monnaie.
Fisher prend un exemple très simple : il explique que lorsqu’on parle de la « cherté de la vie », ce n’est pas dû à une montée simultanée de la valeur des marchandises, mais au fait que l’étalon monétaire (c’est-à-dire la devise) qui change de valeur. Ce raisonnement conduit à ce que si les gouvernements augmentent la quantité de monnaie, cela se traduit immanquablement par une baisse de la valeur de la monnaie, c’est-à-dire de l’inflation. Ces théories seront d’ailleurs relayées par Friedman, quelques décennies plus tard. Dans la théorie de ce dernier, une création monétaire excessive peut entraîner une relance ponctuelle de l’activité, mais à très court terme seulement, car l’inflation réduit rapidement le pouvoir d’achat de la monnaie. A long terme, la masse monétaire n’exerce un effet que sur les prix, et une création monétaire supérieure à la croissance de la production ne pourrait être qu’inflationniste.