Régime fiscal des revenus mobiliers d’origine étrangère : enseignements d’une jurisprudence récente

Le tribunal de première instance de Bruxelles a récemment rendu une décision intéressante concernant l’exonération d’une attribution d’actions à un actionnaire résident belge dans le cadre d’une “spin off” d’une société hollandaise appartenant au groupe Altice. Ce jugement, rendu le 29 février 2024, offre des perspectives nouvelles pour les contribuables belges recevant des revenus mobiliers d’origine étrangère, notamment en matière de preuve et d’exonération fiscale.

Résumé du jugement

Dans ce cas précis, un actionnaire belge a reçu des actions suite à la scission d’une société du groupe Altice. Le tribunal a estimé que cette attribution d’actions représentait un remboursement de prime d’émission – assimilé à du “capital libéré” – et donc exonéré d’impôt selon l’article 18, alinéa 1er, 2 bis in fine du Code des Impôts sur les Revenus (CIR). L’article 184 du CIR a également été invoqué pour confirmer que cette prime d’émission est considérée comme du capital fiscal.

Pourquoi cette décision mérite-t-elle notre attention ?

Le jugement est notable parce que l’actionnaire n’a pas pu fournir une preuve directe que cette attribution d’actions était bien imputée sur la prime d’émission historique. Il n’avait qu’un rapport sur les comptes annuels à sa disposition, étant donné qu’il était un petit actionnaire d’une société cotée.

Malgré l’absence de preuve directe, le tribunal a accepté l’application de la “preuve par vraisemblance” prévue par l’article 8.6 du Code civil. La décision reconnaît ainsi la difficulté pour un actionnaire minoritaire d’une grande société internationale d’obtenir toutes les informations nécessaires. Le tribunal a donc statué en faveur de l’actionnaire, en admettant la vraisemblance comme suffisante pour prouver l’imputation sur le capital libéré.

Enseignements pratiques

Cette jurisprudence marque une avancée pour les contribuables belges recevant des revenus mobiliers d’origine étrangère, notamment dans les situations où ils rencontrent des difficultés à obtenir des informations précises sur la nature ou l’imposition de ces revenus. Voici quelques exemples concrets :

  • Revenus provenant de fonds d’investissement étrangers : Les investisseurs dans des fonds de private equity, par exemple, ont souvent du mal à déterminer la nature exacte des revenus distribués (plus-values, dividendes, intérêts) et leur imposabilité. Cela peut inclure la part soumise à la “taxe Reynders” (article 19bis du CIR), lors d’un rachat de parts, si le gestionnaire du fonds ne fournit pas les informations nécessaires.
  • Opérations de restructuration d’entreprises étrangères : Lors de spin-offs, de réductions de capital, ou autres restructurations, les actionnaires peuvent également rencontrer des difficultés à obtenir des informations fiscales détaillées. Ce jugement offre une base pour utiliser la preuve par vraisemblance dans ces cas-là, facilitant ainsi la tâche des contribuables.

Conclusion

Cette application de la preuve par vraisemblance en matière fiscale est une avancée notable pour les contribuables belges. Elle leur permet de s’appuyer sur une approche pragmatique et réaliste, surtout lorsqu’ils rencontrent des obstacles à l’obtention de documents probants. En cas de discussion avec le fisc, cette jurisprudence pourrait donc constituer un argument pertinent pour les contribuables recevant des revenus mobiliers d’origine étrangère.

Pour en savoir plus, consultez l’article de Philippe Galloy paru aujourd’hui dans L’Echo, auquel j’ai eu le plaisir de contribuer.

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