L’attribution d’un immeuble aux associés d’un immeuble provenant d’une société est traitée par les articles 129 et 130 du Code des droits d’enregistrement.
Ces articles font une distinction selon que l’acquisition se fait à partir d’une société de personnes (par exemple une SRL, une SNC ou une société en commandite) ou d’une société de capitaux (par exemple une SA) ).
En principe, toute attribution de l’immeuble est soumise au droit de vente (de 12,5 % ou 10 % selon les Régions).
Il y a toutefois deux exceptions. La perception du droit de vente peut être évitée s’il s’agit :
Si ces exceptions sont d’application, la loi précise que l’acquisition doit, pour la perception des droits d’enregistrement, s’analyser selon le droit commun. Donc, ou bien le droit de vente sera dû (mais de manière exceptionnelle), ou bien ce sera le droit de partage (art. 106 C. enreg.), ou encore le droit fixe général. Un exemple de droit de partage est illustré par le SDA flamand dans une décision no 16031 du 25 juillet 2016. Il s’agissait ici d’un associé acquérant des immeubles lors de la liquidation de sa SPRLU, alors qu’il était déjà associé lorsque l’immeuble fut acquis avec paiement du droit de vente par la société (seconde exception visée par le texte). Selon le SDA flamand, l’acquisition devait par conséquent être imposée selon sa nature en droit commun. Étant donné que l’acquisition par un associé unique d’une SPRLU – qui n’était pas en indivision avec la société – ne peut pas être assimilée à une vente ni à un partage, aucun impôt d’enregistrement flamand n’est dû sur l’acquisition (no 13 de la décision) (ce qui signifie que le droit fixe général fédéral est d’application et non le droit de partage .
En résumé, en cas d’acquisition de l’immeuble provenant d’une société de personnes, l’acquisition, quelle que soit la façon dont elle a lieu, est en principe soumise au droit de vente (dont le taux de base est fixé à 10 % en Région flamande et à 12,5 % en Régions wallonne et bruxelloise) ; (art. 129, al. 1 er , C. enreg.), sauf les deux exceptions ci-avant évoquées.
En revanche, en cas d’acquisition de l’immeuble provenant d’une société de capitaux, l’acquisition, quelle que soit la façon dont elle a lieu, est toujours soumise au droit de vente (art. 130 C. enreg.). Cette règle ne souffre aucune exception .
Précisons d’emblée que la technique qui consiste à transformer la forme juridique peu avant l’attribution de l’immeuble, et ce, en vue de bénéficier de l’application des articles 129 et 130 du Code de droit économique est un cas possible d’abus fiscal. L’article 18, § 2, du Code de droit économique rendra le montage envisagé inopérant, en raison de la violation des objectifs des articles 129 et 130 du Cod des droits d’enregistrement.
L’administration de l’enregistrement a « affiné » sa position en 2014.
Par une décision n° E.E./ 106.218 du 22 septembre 2014, elle a pris une position tranchée et plus que contestable par rapport à la sortie d’un immeuble de la société au profit d’un actionnaire. Il est à ce titre étonnant que peu de critiques aient été formulés à ce sujet (notamment par la profession notariale) .
Suivant les termes d’une décision du 22 septembre 2014 (confirmée par une prise de position rendue par le SDA flamand dans le cadre d’une décision anticipée le 25 juillet 2016), en cas de cession de parts indivises d’un bien immobilier qui a été acquis en indivision par une société et un associé ou actionnaire, ce n’est pas le droit de partage prévu à l’article 109 du Code des droits d’enregistrement qui s’applique, mais bien les règles particulières prévues par l’article 129 du même Code.
Cette décision est reprise dans le Répertoire RJ Numéro E 130/06-01.
Cette décision est reprise dans le Répertoire RJ Numéro E 130/06-01. Elle s’exprime comme suit : « l’article 130 est très explicite : chaque acquisition par un associé autrement que par voie d’apport en société est soumise au droit prévu pour les ventes. L’article ne distingue pas selon que l’associé a agi en qualité d’associé ou non. Les textes légaux clairs ne nécessitent pas d’interprétation. La loi spécialisée (art. 129 C. enreg.) (comprendre spéciale) a primauté sur les textes de loi généraux (art. 109 e.s. C. enreg.). Le fait qu’un associé soit traité autrement qu’un non-associé est une particularité de ces articles qui sont des articles anti-fraude ».
Selon l’article 129, toute acquisition par un associé autrement que par un apport en société est soumise au droit de vente (10 % ou 12,5 %).
Dès lors, seuls les associés de sociétés de personnes qui récupèrent un bien immobilier à l’occasion de la liquidation de leur société pourront, dans les deux cas bien précis ci-avant évoqués (les deux exceptions), échapper à ce droit de vente .
Autrement dit, si par exemple un associé d’une société détient en indivision un immeuble avec sa société, les règles en matière de droit de partage ne lui seront plus applicables.
L’Administration justifie ce revirement de la position anciennement tenue jusqu’à cette circulaire par divers arguments qui sont tous difficilement acceptables.
Premier argument : il faut interpréter littéralement le texte de l’article 129 du Code des droits d’enregistrement. Cet argument ne tient pas, car si l’on se tient à une interprétation purement textuelle, il n’est inscrit nulle part dans les articles 129 ou 130 que cette disposition s’applique « à l’exclusion de l’article 109 ».
Deuxième argument : « lex specialis derogat lex generalis » (les lois particulières dérogent aux lois générales). Outre le fait qu’un tel principe n’est absolument pas conforté par la Cour de cassation, les articles 129 et 130 n’effacent nullement les règles inscrites à l’article 109. L'article 109 est repris à la section 10 du code qui vise les partages, alors que les articles 129 et 130 sont des règles spécifiques aux sociétés civiles et commerciales. Ce sont donc des sections différentes visant des opérations différentes.
Troisième argument : les articles 129 et 130 sont des mesures « anti-fraude ». Comme le souligne avec pertinence le notaire Eric Spruyt, l’examen des travaux préparatoires de la loi qui a introduit ces dispositions ne visaient absolument pas le cas d’une indivision créée entre un associé d’une SA avec sa société, et dont il entend sortir après plusieurs années, mais plutôt le cas d’une création artificielle de sociétés de personnes en vue d’échapper aux droits de vente de 10 ou 12,5 %. (Voy. à ce propos l’analyse de l’auteur dans Nieuwsbrief Notariaat nr. 9, semaines 24 et 25 ).
Cette position adoptée par l’administration fiscale se heurte par ailleurs au principe d’égalité garanti par la Constitution. Il est évident que la Décision crée une discrimination entre deux catégories de contribuables : ceux qui sont copropriétaires d’un immeuble détenu pour partie par une société et qui en sont associés et ceux qui ne le sont pas . Cette différence de traitement est d’autant plus inacceptable qu’elle est contraire aux objectifs de l’article 129 puisqu’ à l’instar du non associé, l’associé a bien payé les droits d’enregistrement lors de l’acquisition du bien immobilier et n’ a donc commis aucun abus ou fraude dénoncé par cette disposition .
Dans un arrêt du 19 juin 2018, la Cour d’appel de Gand va suivre toutefois cette Décision de 2014 en dépit des critiques qu’elle suscite (Gand, 19 juin 2018, Fiscologue, no 1573, 6 juillet 2018, p. 12) .
Dans l’affaire soumise à la cour, un actionnaire avait racheté en 2014 à sa société tous les droits indivis sur l’immeuble. L’opération avait été soumise au droit de partage, mais le fisc appliqua le droit de vente en se fondant sur la décision administrative du 22 septembre 2014.
La cour valide la position de l’administration et juge que l’article 130 du Code des droits d’enregistrement est une disposition spécifique qui s’applique à toutes les formes d’acquisition d’un immeuble situé en Belgique par un associé et donc aussi à une acquisition de la part de la société dont il est actionnaire.
Si le texte de loi mentionne « donne lieu […] au droit établi pour les ventes », cela signifie que cette disposition peut s’appliquer sans que l’on soit nécessairement dans le cadre d’une vente. Toutes les opérations de rachat sont donc assimilées à une vente, même s’il s’agit d’un partage. Le régime spécifique (la lex specialis) est applicable en ce cas.
Toutes les opérations de rachat sont donc assimilées à une vente, même s’il s’agit d’un partage. Le régime spécifique (la lex specialis) est applicable en ce cas. À notre avis, cet arrêt est un cas manifeste d’interprétation par analogie d’une disposition légale (en l’espèce l’art. 130 C. enreg.) et est aussi critiquable.
Source : La lettre de la fiscalité - numéro 32 : Janvier 2020